Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Les enseignants dans l’enseignement technique et la formation professionnelle au Togo face aux TICs

vendredi 10 février 2023 Kokou Awokou

Awokou Kokou

Résumé
Le gouvernement du Togo a entrepris de promouvoir l’accès aux Technologies de l’Information et de la Communication à tous les niveaux du système de formation technique et professionnelle. Pour cela il a été créé à partir d’octobre 2014 des Environnements Numériques de Travail (ENT) dans dix lycées d’enseignement technique et de la formation professionnelle et donc deux lycées scientifiques. Étant une phase pilote, cette initiative qui sera élargie à tous les établissements d’enseignement secondaire togolais, vise une adaptation de la formation aux besoins économiques et sociaux du pays à travers le déploiement du dispositif de formation hybride.

Cet article se fixe pour objectif d’interroger ledit dispositif de formation implanté dans les écoles pilotes après cinq années d’expérimentation. Ainsi à partir des discours des enseignants, seront mises en évidence les difficultés techniques et pédagogiques que rencontrent ces derniers dans la mise en œuvre des prescriptions officielles en matière de TICE.

Mots-clés : Enseignement technique – dispositif hybride – environnement numérique – discours –enseignants-Togo

1. Introduction

Dans un article publié dans la revue Frantice en 2017 (Awokou, 2017), nous avons décrit les Environnements Numériques de Travail (ENT) déployés au Togo dans certains établissements d’enseignement technique et de formation professionnelle. Orienté vers le secondaire, le projet qui a permis l’installation des ENT, est structuré en quatre composantes : (1) la mise en place dans chaque établissement scolaire concerné, des aménagements et des équipements informatiques nécessaires ; (2) le renforcement des capacités des acteurs ; (3) l’accompagnement des acteurs dans la conduite et la mise en œuvre du projet au sein des établissements et au niveau institutionnel et (4) le développement d’une plateforme d’échange et de collaboration au niveau national pour répondre aux besoins de la communauté éducative.

Censée permettre l’accès aux élèves togolais à un enseignement de qualité et au développement professionnel des enseignements à travers l’internet, la phase pilote du projet a permis l’implantation d’un environnement numérique de travail dans dix (10) lycées techniques togolais dont deux lycées scientifiques en 2018 (Ministère des postes, de l’économie numérique et des innovations technologiques 2018). Parlant de l’enseignement technique et professionnel, ils sont au total huit lycées à être pris en compte dans la phase pilote : Lycée d’Enseignement Technique et Professionnel (LETP) d’Aného-Glidji, LETP d’Adidogomé, LETP de Sokodé, Lycée scientifique de Kara, Lycée scientifique de Lomé, LETP d’Attiégou, LETP d’Atakpamé, LETP de Kanté, LETP de Mango, Collège Militaire Eyadéma (Branche Technique).

Afin de concrétiser cette volonté politique de moderniser l’enseignement, des enseignants relevant de ces établissements ont été formés à la technopédagogie. Ceci dans le but d’améliorer la qualité non seulement des contenus d’enseignement mais aussi des pratiques de classes. Cependant le confinement général induit par la pandémie de Covid 19, a révélé les insuffisances du dispositif d’enseignement/apprentissage mis en place pour l’usage des ENT. En effet, cette pandémie qui a contraint plus de la moitié de l’humanité au confinement et a imposé la distanciation sociale a eu pour conséquence la fermeture des établissements scolaires y compris en Afrique, mettant hors de l’école des millions d’élèves. Pour assurer la continuité pédagogique, les gouvernements ont trouvé dans l’enseignement à distance une alternative au présentiel (Collin, 2020 ; Loukil, 2020).

Dans cette perspective, les lycées dans lesquels sont déployés les ENT doivent en principe basculer dans ce nouveau mode d’enseignement/apprentissage sans grandes difficultés ; mais cela ne fut pas le cas. Il est constaté plutôt que les enseignants desdits lycées ont eu de la peine à bâtir les activités d’enseignement/apprentissages autour des TICE par faute de formation ou de ressources. Si la pandémie du Covid-19 nous a appris l’importance critique des solutions technologiques qui permettent la vitesse, la flexibilité, la perspicacité et l’innovation (Loukil, 2020). Une réflexion sur les méthodes alternatives à l’enseignement présentiel afin d’assurer une continuité pédagogique des établissements d’enseignement et de formation s’est imposée à nous.

Tel est l’objectif de cet article. En effet, il vise à analyser l’usage réel des ENT implantés dans les lycées d’enseignement technique et de la formation professionnelle en rapport avec l’utilisation prescrite tout en mettant le focus sur son caractère hybride combinant l’enseignement présentiel et la formation à distance. Dans cette perspective, il se pose la question suivante : quel impact les prescriptions sur l’usage des ENT ont sur les pratiques pédagogiques en classe ? Cette préoccupation s’inscrit dans la démarche théorique qui permet la mise en évidence des effets attendus de la médiatisation de l’enseignement telle que définie par Jacquinot-Delaunay (2002) ; Glikman (2002) ; Charlier, Deschryver et Peraya (2006).

L’article analyse les discours des enseignants sur les outils mis en place et les pratiques pédagogiques prescrites. Il interroge l’utilisation réelle en rapport avec l’utilisation prescrite, en mettant le focus sur son caractère hybride combinant l’enseignement présentiel et la formation à distance. Nous interrogeons les effets attendus de cette médiatisation de l’enseignement telle que définie par les auteurs comme Jacquinot-Delaunay (2002), Glikman (2002) ainsi que Charlier, Deschryver et Peraya (2006) et posons la question de l’impact de ses prescriptions sur les pratiques pédagogiques en classe.

1.2. De la crise de l’apprentissage dans les établissements d’enseignement technique et de formation professionnelle au Togo

Selon Nelson Mandela : « l’éducation est l’arme la plus puissante que nous pouvons utiliser pour changer le monde ». L’analyse de cette pensée laisse entrevoir l’éducation, ce moyen par lequel est transmis à un enfant ou un adulte un ensemble de valeurs, de concepts, de savoirs et des pratiques (R. Legendre, 1993), comme la manière la plus noble pour pouvoir faire changer le monde. Changer le monde ne sous-entend pas non seulement le développement de l’être humain et de la société, mais aussi la préparation de la jeune génération qui n’est pas encore mûre pour la vie sociale dans le but d’assurer la survie de la société et la pérennité de ses “conditions d’existence” (J-C Filloux, 1994).

De nos jours, ce rôle de « changer le monde » imputé à l’éducation, est sujet d’un pessimisme béat dans certains pays en développement en général et ceux de l’Afrique subsaharienne dont le Togo en particulier. Due au fait que l’école, cette institution qui constitue « l’agent vecteur » de ce changement est en pleine crise. Ce que la banque mondiale (2018) qualifie de « crise de l’apprentissage ». « Si l’accès à l’éducation s’est considérablement amélioré dans nombre de pays, scolarisation n’est pas synonyme d’apprentissage », poursuit-elle. En effet, depuis la déclaration mondiale sur l’Éducation Pour Tous (EPT), à Jomtien (Thaïlande) en 1990, beaucoup de pays ont fait des efforts en matière d’accès à l’école. Le nombre d’enfants non scolarisés a fortement diminué, et les disparités entre les sexes se sont sensiblement atténuées dans de nombreuses régions du monde. Bien que le taux brut de la scolarisation ait augmenté ainsi que le nombre des établissements scolaires, l’école a de la peine à donner aux apprenants une éducation de qualité. Pour preuve,

« environ 250 millions d’enfants ne savent pas lire, écrire ou compter correctement, qu’ils soient allés à l’école ou non. Dans le monde, 200 millions de jeunes quittent l’école sans avoir acquis les compétences nécessaires pour réussir et près de 775 millions d’adultes, parmi lesquels 64 % sont des femmes, ne disposent toujours pas des compétences les plus élémentaires en lecture et en calcul » Unesco, 2014.

Pour illustrer le désarroi dans lequel a plongé la jeunesse africaine scolarisée, il faut évoquer les grèves à répétition. Pour le seul mois d’avril 1994, au moins dix des quatorze anciennes colonies françaises d’Afrique subsaharienne dont le Togo, ont connu des arrêts de cours dans à tous les niveaux de leurs systèmes éducatifs. En réalité, au cours de la dernière décennie, aucun de ces pays n’a passé une année scolaire et universitaire normale : grèves, affrontements dans la rue, occupations de locaux, saccages de bureaux, séquestrations, molestation de responsables, destructions de véhicules ont rythmé le déroulement d’années scolaires dont le bilan ressemblait le plus souvent à celui de guerres civiles à peine larvées. Le bilan pédagogique, quant à lui, se traduit dans un indicateur encore plus parlant : la baisse constatée de niveau (Ngoupandé, 1995).

En Afrique et de surcroit, subsaharienne, cette crise de l’enseignement est très évidente et est souvent le résultant des dysfonctionnements du système éducatif. Si l’apprentissage peut se définir comme le processus par lequel les individus acquièrent des connaissances, des compétences et des attitudes et si « l’apprentissage de qualité » est conçu comme l’ensemble des processus par lesquels les individus acquièrent le vaste éventail de connaissances, de compétences et d’attitudes nécessaires pour participer pleinement à leurs communautés, exprimer leurs points de vue et leurs talents et contribuer positivement au développement de leurs sociétés (Unesco, 2014) ; il est évident que les pays africains ne sont pas encore capables d’assurer une éducation de qualité aux apprenants. La plupart ont encore pour priorité de garantir l’accès de l’école à un nombre plus conséquent. Ce qui entraîne une massification dans les salles de classe.

Au Togo,

« on note jusqu’à 100 élèves par salle de classe dans Lomé pour le premier cycle du secondaire et 74 élèves par salle de classe dans le second cycle. La pléthore des effectifs et le manque d’enseignants provoquent la dégradation de la qualité d’enseignement » (Annuaire national des statistiques scolaires 2017-2018).

Dans l’enseignement technique et de la formation professionnelle, 50528 élèves dont 18078 seulement sont inscrits dans l’enseignement public au cours de l’année scolaire 2020-2021. Quant à l’effectif des enseignants, il est 5783, dont 1441 (26,64 %) dans le secteur public (Ministère de l’enseignement technique et de la formation professionnelle et de l’artisanat, 2020). Or la plupart du temps ce sont les enseignants du public qui reçoivent une formation ou qui bénéficient d’un programme de formation continue. En parlant de la formation des enseignants, le diagnostic de l’enseignement technique et de la formation professionnelle au Togo révèle que le personnel enseignant est peu formé. Il est confronté à l’absence de formation continue et d’un encadrement pédagogique de la part des inspecteurs. Par ailleurs les équipements techniques et pédagogiques sont obsolètes.

En effet, ceux utilisés par les centres et établissements publics de formation sont vétustes. La plupart des établissements en occurrence ceux de l’intérieur du pays ne disposent de matériels pédagogiques, ni de laboratoires. A cela s’ajoute le caractère archaïque des programmes de formation. Ils datent, pour la plupart, de la fin des années 1990 et leur révision entamée depuis 2009, est n’est pas encore achevée. Ainsi les offres de formation peinent à évoluer et à être arrimées sur les besoins ou exigences du marché. En ce qui concerne la formation par alternance, qui est une option stratégique de l’ETFP et perspective prometteuse et inscrite dans la loi d’orientation, elle n’est pas suffisamment intégrée dans l’ingénierie de formation. Du point de vue administratif, le système de gouvernance est à la fois centralisé et très fragmenté. Plusieurs ministères et institutions délivrent des formations techniques et professionnelles. Ce qui fait que les acteurs du système et particulièrement les ministères en charge de l’ETFP n’ont pas une vision holistique des actions de développement des compétences techniques et professionnelles menées au niveau national.

1.2. Le numérique au service de l’enseignement technique et de la formation professionnelle togolaise

De même que des initiatives de programmes d’enseignement par la radio et d’enseignement télévisuel qu’ont connus certains pays africains dont le Togo entre 1960-1980, ont suscité des espoirs importants dans le milieu de l’éducation ; l’apparition des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) dans les années 1990, et les potentialités qu’elles offrent en matière de formation en ligne, a de nouveau siccités de grands espoirs, comme par le passé, et a ouvert la voie à plusieurs actions visant à introduire les TIC dans l’enseignement et la formation en Afrique (Awokou Kokou, 2010).

Le numérique éducatif répond avant tout à un besoin de qualité et d’objectivité recherché par les systèmes éducatifs dans le monde et plus particulièrement en Afrique. En effet avec l’apparition des TIC, les hommes politiques ont vite vu en cela comme une opportunité et ont adopté une posture optimiste face à la crise des systèmes éducatifs et plus globalement face aux problèmes de sous-développement. D’après le Fonds Monétaire International (FMI), d’ici 2050, grâce à l’essor des nouvelles technologies, 12 des 20 pays qui connaîtront les booms économiques les plus importants dans le monde se situeront sur le continent africain (Lozniewski, 2018). Dans cette optique, le numérique est conçu au Togo comme un des leviers du développement économique du pays. A cet effet, le gouvernement togolais a adopté en 2018, un Plan National de Développement (PND) dans lequel il est résolu à faire du digital un vivier économique. En effet :

« La digitalisation de l’économie togolaise sera un moteur essentiel de croissance et de développement. Elle devrait stimuler la compétitivité dans tous les secteurs, ouvrir de nouvelles perspectives au commerce et à l’entreprenariat et offrir de nouveaux moyens d’accéder aux marchés étrangers. Elle devrait également fournir de nouveaux outils pour surmonter les problèmes chroniques de développement, notamment l’inclusion financière, l’éducation et la santé et la prévention des risques de catastrophes etc. La téléphonie mobile et l’internet, par exemple, peuvent permettre aux femmes d’améliorer la santé et le bien-être de leur famille, de tirer meilleure partie des possibilités d’exercer des activités génératrices de revenus et de se protéger de l’exploitation et des dangers » (PND, 2018, p. 44).

Pour atteindre cet objectif, le PND, prévoit dans ses axes 3 : (1) la mise en place d’un hub logistique d’excellence et un centre d’affaires de premier ordre dans la sous-région, (2) le développement des pôles de transformation agricole, manufacturiers et d’industries extractives et (3) la consolidation du développement social et le renforcement des mécanismes d’inclusion. Or le développement implique toujours la disponibilité d’un capital humain capable de provoquer ou enclencher et soutenir la croissance économique, dont certains de ces fruits sont l’amélioration des conditions de vie de la population (Apedjinou et Kouawo, 2020).

La formation devient ainsi l’une des clefs de voûte qui permettra aux élèves et étudiants d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires afin de « bien naviguer » dans la société numérique qui est la nôtre et de répondre aux multiples défis de développement du continent africain. Dans cette perspective, l’école comme lieu de formation à un grand rôle à jouer (Apedjinou et Kouawo, 2020, p.12)

Ainsi, Au Togo, au cours des deux dernières décennies, l’utilisation des TIC dans le système éducatif se généralise. Le concept « d’apprentissage en ligne » (e-learning) fait désormais partie du vocabulaire lié à l’éducation. Ainsi les étudiants des deux universités publiques du pays sont familiarisés avec cette réalité, grâce au projet des cours en ligne initié en 2020 (Apedjinou, Kouawo et Amouzou-Glikpa, 2021).

Dans l’enseignement technique et la formation professionnelle, le gouvernement du Togo a entrepris une médiatisation des savoirs afin de mieux faire le pont entre la classe et les outils numériques et de permettre que cette dernière garde un tant soit peu sa pertinence et sa légitimité (Apedjinou, Kouawo et Amouzou-Glikpa 2021).

De façon spécifique, il s’agit mettre les TICE au service de l’enseignement technique et la formation professionnelle afin d’améliorer l’encadrement pédagogique et les offres formation ; tout en les adaptant aux besoins du marché. Les buts recherchés sont entre autres : la facilitation de l’accès et la disponibilité des manuels scolaires et matériels didactiques aux élèves et aux enseignants, la révision les programmes d’enseignement et de les professionnaliser dans le secondaire ; d’inculquer aux élèves des niveaux post-primaires une culture d’entreprise et la promotion de l’accès aux TIC dans le système de formation.

Pour atteindre ces buts, le Togo a choisi d’équiper les établissements des structures d’encadrement en moyens informatiques, d’assurer la formation des différents acteurs, d’élaborer et de mettre en œuvre des instruments de suivi et de supervision accessibles avec des droits spécifiques selon les fonctions et les responsabilités de chacun. Ceci à travers le projet ENT, un dispositif hybride qui allie le présentiel et à la formation à distance tout en donnant une place importante à des outils de médiatisations. Par ailleurs le dispositif permet un traitement automatisé de certaines activités : inscription, remplissage des cahiers de texte, le contrôle des présences au cours, le calcul des moyens, la production des relevés de notes, etc.

Visant la généralisation de l’utilisation des TIC dans les établissements scolaires pour une meilleure adaptation de la formation aux besoins économiques et sociaux, la phase pilote du projet l’ENT a pris en compte 10 lycées dont 8 de l’enseignement technique et de la formation professionnelle. Selon le ministère en charge du projet, ces écoles ont bénéficié de salles multimédias modernes connectées à l’internet haut débit et des services de gestion de la vie scolaire (fichier élèves, gestion des absences, bulletins de notes), un « pôle ressources » comprenant des espaces de travail pour les enseignants et des espaces de travaux personnels pour les élèves (cours en ligne, bibliothèque numérique, agenda, contenu des cours et devoirs etc…). En 2018, ils sont au total 8500 élèves et 820 enseignants et personnel administratif à bénéficier de l’ENT. Il est mis à leur disposition 181 salles connectées et plus de 1000 équipements informatiques : ordinateurs, imprimantes, vidéoprojecteurs (Ministère des postes, de l’économie numérique et des innovations technologiques 2018).

Sur le plan pédagogique, les usages prescrits des ENT par les autorités pour l’enseignant, sont consignés dans le tableau ci-dessous :

ActivitésContextualisationMatériel nécessaire
Animer son cours Utiliser les TIC à des fins d’enseignement :

  1. Illustration de cours avec des ressources pédagogiques numériques (ex : géographie, SVT…),
  2. Utilisation de logiciels de simulation pour faciliter la compréhension de notions, de concepts (ex. : physique, chimie, technologies…)
Moteurs de recherche : Internet Explorer, Google Chrome, FireFox ;
Logiciels de consultation de documents:Adobe reader ;
Logiciels bureautiques : Word, Excel, PowerPoint ;
Logiciels pour créer de ressources pédagogiques : Open Sankoré ;
Outils de collaboration, d’échange de documents et de partage de ressources : Moodle, Cloud.
Utiliser les TIC comme objet d’enseignement :

  1. Formation à l’utilisation des logiciels bureautiques ;
  2. Formation à l’utilisation des logiciels professionnels et mise en situation professionnelle.
Kit pédagogique : ordinateur portable et vidéoprojecteur ;
Connexion à la plateforme de formation par le réseau WiFi ;
Logiciels de bureautique, de simulation et logiciels professionnels ;
Ressources numériques éducatives.
Suivre et accompagner les élèves Mettre à la disposition des élèves des ressources pédagogiques (création d’un bureau virtuel pour chaque élève) :

  1. Évaluer et suivre les élèves (QCM, travaux à rendre…) ;
  2. Diffuser des informations : renseignements complémentaires sur les cours, consignes
  3. Communiquer et échanger avec les élèves et/ou avec les tuteurs en entreprise, pendant le stage.
Plate-forme LMS : Moodle pour le stockage des ressources et l’évaluation des élèves (via des exercices, QCM, etc.) ;
Ressources éducatives en ligne : site de la Khan Academy ;
Logiciels pour produire des exercices et des QCM ;
Plateforme de collaboration pour assurer la liaison entre les personnes impliquées dans la gestion de la formation.

Tableau 1. Activités, contextualisation et outils de médiation pour enseignant. Source : Document de projet

Toutefois, nous avançons l’idée que le déploiement des ENT comme dispositif d’enseignement/apprentissage soulève la question des changements pédagogiques en classe en lien avec et l’hybridation du système d’enseignement apprentissage et la médiatisation des savoirs. En nous appuyant sur les discours des enseignants, nous tentons de savoir si le dispositif prescrit comme outil de médiatisation est conforme au dispositif réel et son utilisation par les enseignants.

2. Méthodologie

Étude descriptive exploratoire, cette recherche a été menée auprès de 153 enseignants dans quatre lycées d’enseignement technique et de la formation professionnelle ayant bénéficié de la phase pilote du projet ENT. Les enquêtés sont pour la majorité des enseignants ayant une expérience professionnelle avérée. 38,3 % ont entre 5 et 20 ans d’expérience professionnelle et 30 % ont moins de 5 ans d’expérience professionnelle. Ils sont titulaires d’un master 1/3 ou d’une licence 31 %. Ils ont une charge horaire hebdomadaire moyenne de 15 heures.

Les enseignants ont répondu aux questions posées. Chacun d’eux a répondu volontairement à un questionnaire en ligne. En effet, quand les enseignants se connectent à l’ENT de leur établissement, une annonce les invitait à donner leur avis en répondant à un questionnaire généré automatiquement par le dispositif. Ils sont invités à se positionner par rapport aux items, qui sont formulés à partir d’une échelle de Likert à quatre niveaux.

Ces items décrivent des pratiques pédagogiques « actives » exploitant les cinq facteurs d’apprentissage de Lebrun (1999). Le système d’administration en ligne du questionnaire contrôlait le fait qu’un même sujet ne répondait qu’une seule fois à l’enquête et qu’il était bien membre de l’établissement où l’ENT est installé. Les sujets qui ont participé à cette étude sont donc uniquement des sujets qui utilisent ENT. Ce qui, dans le cas de notre enquête, ne constitue pas un biais puisque nous souhaitions investiguer leurs représentations sur les différences entre les cours qui font appel à ENT et ceux qui ne le font pas.

L’analyse des données colletées révèle des indices intéressants sur le degré d’utilisation d’ENT dans l’enseignement technique et la formation professionnelle au Togo.

3. Résultats

3.1. Suivi et accompagnement des élèves en classe

Notre recherche nous a permis de savoir que les enseignants enquêtés utilisaient les outils informatiques notamment la bureautique avant d’être formés à l’utilisation en classe de l’ENT. Ils sont environ 9 sur 10 à affirmer qu’ils utilisaient l’informatique avant la formation à l’utilisation de l’ENT. La moitié a répondu avoir reçu une formation à l’utilisation de l’ENT notamment l’utilisation des applications tels que MOODLE et Scenarii dans leurs établissements.

Pour la formation à l’informatique et à la bureautique, les résultats de l’enquête ont révélé que les enseignants affirment maîtriser bien les applications Word et l’utilisation d’Internet. Mais ils maîtrisent relativement bien Excel et Powerpoint.

Concernant l’utilisation des outils informatique par les enseignants, il ressort selon leurs déclarations qu’ils utilisent souvent l’ordinateur parfois le vidéoprojecteur et Internet. Contrairement aux applications bureautiques, les répondants déclarent ne pas maîtriser les applications professionnelles telles que : Autocad, Archibat, MOODLE, Sarii et Scenarii.

S’agissant des navigateurs sur internet, les répondants affirment utiliser ces outils souvent (40 %) ou parfois (35 %).

3.2. Suivi et accompagnement des élèves à distance

La mise en place de l’ENT répond en partie au souci de mettre en œuvre un dispositif hybride permettant d’organiser des activités d’apprentissage à distance. Mais à la question de savoir si les enseignants proposent des activités à distance à leurs apprenants, la moitié répondent : jamais et 2/10 rarement (21.3 %). Les répondants disent utiliser souvent (40 %) ou parfois (35 %) les outils de navigation et internet pour illustrer leurs cours. Il en est de même pour l’utilisation des ressources numériques pour enseigner. Ils affirment l’utiliser souvent (1 sur 2) ou parfois (1 tiers).

Concernant la fréquence d’utilisation de la plate-forme MOODLE pour accompagner ou suivre les élèves lors des apprentissages, il se révèle que les répondants n’utilisent jamais (70 %) MOODLE pour assurer les activités d’apprentissage à distance dans le cadre de l’ENT. Cette proportion s’élève à 86 % pour le suivi des stages des élèves. Ces données montrent que les activités à distance telles que prévues dans le cadre de l’ENT ne sont jamais organisées par les enseignants enquêtés.

De plus les enseignants enquêtés affirment ne pas autoriser les élèves à effectuer leurs devoirs à distance (6 sur 10).

4. Analyse et discussion

L’intégration des technologies au sein de l’école dans le but de la moderniser ne se fait pas sans ambages voire échecs. Les premiers acteurs de l’école que sont les enseignants et les élèves n’adoptent pas automatiquement les innovations apportées à l’école. Ces difficultés peuvent être interprétées selon deux types de pensée (Chaptal, 2007) : le techno-déterminisme (l’apport ou la disponibilité des technologies suffit pour un changement de pratiques) ou le finalisme (adaptation d’un outil technique à une demande sociale qui lui préexiste et à laquelle il répond en se contentant de satisfaire des pratiques sociales et culturelles).

Dans le cas de cette étude portant sur 153 enseignants de quatre établissements d’enseignement technique et professionnel, l’analyse des résultats a mis en exergue le fait que la majorité des enseignants interrogés tiennent un discours favorable à une bonne perception par les élèves de l’utilité de l’informatique pour la matière enseignée. des compétences liées à l’utilisation de l’informatique en classe. Toutefois, au sujet de la maîtrise des applications informatiques de bureautique, on retient que la majorité des enseignants ont une relative maîtrise des logiciels comme Word, Excel, Powerpoint et la navigation sur internet. Puisqu’il s’agit de l’enseignement technique et professionnel, la connaissance de certaines applications telles Archicad, Autocad, Sarii, Scénari ou la plateforme Moodle est importante. Sur ce, même si les enseignants avouent maîtriser ces applications, leur usage comme le requiert l’ENT dans le déroulement des cours n’est pas effectif.

Notre étude de cas vient confirmer deux constats que révèlent les recherches en matière d’utilisation des TICE. En effet pour Cuban L., l’intégration des TIC dans l’enseignement ne produit pas les résultats attendus. Ensuite lorsque les initiatives d’intégration des TICs dans l’enseignement sont Up-down, l’on n’a pas les mêmes résultats que l’approche est Down-Up.

Le fait d’avoir choisi d’utiliser le questionnaire comme outil de collecte d’information auprès des enquêtés ne laisse pas beaucoup de liberté aux personnes interrogées (Blanchet et Gotman, 2010). En outre la taille de notre échantillon compte tenu du public cible, ne nous permet pas la généralisation de nos conclusions.

5. Conclusion

Les résultats de cette recherche montrent que la mise en place des ENT et les prescriptions sur leur usage ont jusqu’ici eu peu d’impact sur les pratiques pédagogiques en classe. Malgré l’espoir que nourrissait l’établissement de cet espace numérique pour un renforcement des enseignements dans le domaine technique et professionnel, on constate que les objectifs ne sont pour l’instant pas atteints. En particulier, l’usage de cet environnement numérique en dehors des heures de cours, soit à distance, par les enseignants n’apparaît pas.

À travers cet article, l’on a pu questionner les innovations menées dans le système éducatif togolais et découverts que les objectifs poursuivis par les initiateurs du projet de la mise en place des ENT ne sont pas atteints. Cette étude suggère que de toutes les ressources et possibilités qu’offrent les ENT notamment ne sont pas mises en œuvre : utiliser les TIC à des fins d’enseignement ; utiliser les TIC comme objet d’enseignement et mettre à la disposition des élèves des ressources pédagogiques (création d’un bureau virtuel pour chaque élève) comme on peut le lire dans le document du projet.

Pour les prochaines études, il serait judicieux de recueillir les suggestions des utilisateurs de cet environnement pour faire progresser les pratiques enseignantes.

6. Références bibliographiques

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