Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Analyse des comportements informationnels des étudiants dans les cycles supérieurs au Sénégal

mercredi 19 octobre 2022 Reine Marie Ndéla Marone ; Mbemba Ndiaye

Reine Marie Ndéla Marone [1]

Mbemba Ndiaye [2]

Afin de développer leurs connaissances en informatique, les universités publiques et privées du Sénégal proposent des formations payantes ou à titre bénévole aux apprenants. Cependant, la mobilisation des connaissances acquises pour atteindre certains objectifs lors des activités pédagogiques n’est pas évidente. Dans cet article, nous analysons les comportements informationnels d’une centaine d’étudiants provenant de l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest, de l’Université Cheikh Anta Diop et de Bill jobs Institute, lors d’une semaine d’ateliers de formation. A partir d’une observation de pratiques, l’étude a permis, d’une part, de mieux appréhender leurs compétences en matière de recherche d’informations, mais aussi lors de la réalisation des tâches informatiques, et d’autre part, d’identifier les différentes catégories d’étudiants. Par ailleurs, les difficultés auxquelles ils sont confrontés sont également analysées. En effet, les résultats obtenus nous ont permis de déceler 3 comportements dans la recherche d’informations : les étudiants qui effectuent des recherches rapides, ceux qui recherchent des informations pertinentes et exhaustives, en utilisant une grande variété de sources et ceux qui effectuent la recherche en se focalisant sur la crédibilité et qui n’acceptent que les informations trouvées dans les productions scientifiques dont les auteurs sont connus.

Mots-clés : comportement informationnel, recherche d’informations, Informatique, compétences, attitude

Introduction

Au cours de leur cursus, les étudiants ont des besoins d’informations qui peuvent s’avérer nombreux, notamment les supports de cours, des tutoriels en complément de leurs cours et pour la réalisation des travaux qui leur sont alloués (Ouangré & Laplante, 2019). Ainsi, afin de cerner leurs comportements dans la recherche d’informations pour pouvoir adapter les offres de formation, les universités publiques et les instituts supérieurs du Sénégal organisent parfois des ateliers de formation.

C’est dans cet objectif que nous avons mis en place une semaine d’atelier (du 05 au 10 juillet 2021) qui réunissait plus d’une centaine d’apprenants venus de divers horizons (universitaires et professionnels) et de différents niveaux d’étude (de la licence au master). L’atelier consistait à apprendre à créer un site web avec les nouvelles technologies telles que : Wordpress, Elementor, les langages HTML, CSS, PHP et les bases de données comme MySQL, puis à le mettre en ligne et le référencer. Nous avons donc utilisé ces ateliers comme prétexte pour réaliser une étude sur les comportements informationnels des participants.

Pour pouvoir créer un site web les étudiants devaient d’abord, de façon autonome, rechercher des informations pertinentes sur internet (tutoriels au format écrit, vidéos…) leur permettant de réaliser chaque étape. Comment procèdent-ils dans la recherche d’informations ? Quelles stratégies d’apprentissage mettent-ils en œuvre afin d’atteindre leur objectif ?

Eléments théoriques et conceptuels


Ce qu’en dit la littérature scientifique

Dans la littérature, la plupart des travaux sur les comportements des étudiants dans la recherche d’informations (CRI) concernent les étudiants des pays du Nord et très peu ont été faits sur les étudiants des pays africains.

Parmi ces travaux, figurent ceux de Riahi (2017), qui cherchaient à examiner les compétences en recherche d’informations des étudiants en soins infirmiers à l’Université des sciences médicales de Mazandaran (Faculté des sciences infirmières Nasibeh à Sari et Behshahr) et les obstacles qu’ils rencontraient pour accéder aux informations nécessaires. Ainsi, des étudiants en soins infirmiers de cette université avaient été interrogés. Les résultats de cette étude montrent que la motivation la plus importante des apprenants pour rechercher des informations était de faire leurs devoirs et que les moteurs de recherche généraux étaient les moyens les plus utilisés. Cette étude a révélé que les étudiants en soins infirmiers ont besoin de recevoir des informations liées à leur vie personnelle, éducative et professionnelle, et recommande davantage de planifications et de fournitures d’infrastructures pour que ces derniers puissent accéder aux informations dont ils ont besoin.

Tandis que cette étude se concentre sur les besoins informationnels des étudiants et propose des recommandations pour que ces derniers puissent accéder aux informations utiles, Courcelles et al. (2020) quant à eux se sont concentrés sur les compétences informationnelles que possèdent les étudiants au baccalauréat et à la maîtrise, dans les établissements, du réseau de l’Université du Québec. Leur étude a permis de noter que les étudiants ont certaines notions en recherche informationnelle, qu’ils savent utiliser de façon convenable, que leurs stratégies ne sont pas efficaces pour trouver une information pertinente et rapidement Ces auteurs pensent que ce constat général pourra soutenir les démarches des bibliothèques auprès des instances de décision de leur établissement pour intégrer le développement des compétences informationnelles dans les programmes d’études.

Dans leur article intitulé : « Les compétences informationnelles des étudiants à l’heure du Web 2.0 : proposition d’un modèle pour baliser les formations », Karsenti et al. (2012) constatent eux aussi les lacunes des étudiants. En effet, ils ne sont pas tous plus habiles que les anciennes générations pour trouver des informations pertinentes, malgré leur grande aisance à manipuler les technologies numériques. Ces difficultés sont, d’ailleurs, relatées dans un certain nombre d’articles qui témoignent des lacunes identifiées de façon empirique, auprès de milliers d’apprenants au niveau de leurs compétences informationnelles (Karsenti Collin, 2012 ; Poellhuber et al., 2012). Cela concerne par exemple la formulation de requêtes pour chercher des informations pertinentes sur le Web (Nicholas, Rowlands, Clark & Williams 2011), les compétences pour évaluer la pertinence des informations trouvées (Walraven, Brand-Gruwel & Boshuizen 2009) ou encore la capacité à s’inspirer de productions scientifiques accessibles en ligne sans faire du plagiat (Ma, Wan & Lu, 2008).

Ouangré et Laplante (2019), confortent cette idée dans leur étude sur le comportement des doctorants en médecine au Burkina Faso dans la recherche d’informations. Ces chercheurs se sont intéressés à la façon dont ces apprenants procèdent pour trouver les informations dont ils ont besoin dans le cadre de leurs travaux de recherche, les sources d’information qu’ils utilisent et les obstacles auxquels sont confrontés. Les résultats révèlent que ces étudiants en médecine utilisent plusieurs types d’outils, tout en ayant un penchant pour les moteurs de recherche, les bases de données en accès libre et d’autres sources d’informations accessibles gratuitement, notamment les sites internet où sont diffusées certaines informations scientifiques. Ces choix sont influencés par des facteurs tels que la facilité d’utilisation et l’accessibilité des outils. Ces recherches ont révélé que plusieurs étudiants n’ont pas les compétences informationnelles requises pour mener la recherche d’informations de niveau doctoral et que de façon plus globale, les étudiants africains en comparaison avec ceux des pays d’autres continents, rencontrent de nombreuses difficultés. Il nous semble donc logique de présumer que les résultats des études sur les CRI des étudiants des cycles supérieurs de ces pays ne sont pas généralisables à ceux de leurs pairs africains.


Ce que “comportement informationnel” veut dire

Dans le cadre de la présente étude nous retiendrons la définition du comportement informationnel de Wilson (1997), un des premiers à faire le parallèle entre les besoins informationnels des individus et les facteurs extérieurs qui facilitent ou au contraire freinent l’accès aux informations. Comme le soulignent de nombreux auteurs qui le citent dans leurs travaux (Chaudiron & Ihadjadene, 2010 ; Boubée & Tricot, 2017), Wilson distingue diverses modalités de l’action de s’informer qui permettent de mieux de comprendre les comportements informationnels, particulièrement des apprenants :

  • L’information behavior [comportement informationnel basé sur des facteurs techniques et psychologiques] : dans cette approche du comportement informationnel, c’est un changement de paradigme que propose Wilson. En effet, alors que les recherches antérieures étaient axées sur la manière dont les utilisateurs naviguent dans des systèmes d’informations et sur ce qu’ils font des données, dans les années 1980, Wilson prône, en quelque sorte, d’inversion l’approche en privilégiant l’usage de la notion « d’information » au lieu de la notion de « donnée ». Ainsi, il lui semble plus intéressant de chercher d’abord à déterminer les besoins d’information d’un individu (usager) puis d’essayer d’analyser le lien entre ses besoins et son comportement informationnel pendant la recherche sur internet, qu’il définit comme l’ensemble du comportement humain par rapport aux sources et aux canaux d’information (Wilson, 2000). Selon Wilson, ce comportement peut dériver des difficultés rencontrées par l’individu pendant la réalisation des tâches dans les systèmes pour justement trouver les informations pertinentes ou simplement de la perception de la difficulté des tâches. Ainsi, « l’information behavior » ou le
    comportement informationnel est déterminé à la fois par des facteurs techniques et des facteurs psychologiques.
  • L’information seeking behavior [comportement informationnel basé sur la recherche intentionnelle], qui est définie comme l’activité de recherche intentionnelle des informations pour atteindre un objectif. Dans cette approche, Wilson considère que l’individu en situation de recherche d’informations est totalement conscient de ce qu’il fait. Autrement dit, il cherche délibérément des informations, évalue leur pertinence et les utilise pour atteindre un objectif, par exemple ; résoudre un problème informatique.
  • L’information searching behavior[comportement informationnel basé sur l’état psychologique] : dans cette approche, principalement axée sur les « opérations » cognitives dans le processus de recherche d’informations, Wilson met en relief le fait que la pensée de l’individu impacte sa façon de rechercher des informations. Ainsi, le comportement informationnel n’est pas à dissocier de l’état psychologique de l’usager car des facteurs tels que le manque de confiance en soi, le pessimisme, l’absence de motivation, etc., sont susceptibles d’avoir un impact sur la capacité de l’individu à trouver des informations dont il a besoin.
  • L’information use behavior [comportement d’utilisation des informations] : pour ce qui est de cette approche, Wilson fait allusion aux opérations physiques et cognitives qui favorisent l’appropriation des informations trouvées. Ainsi, l’accent est davantage mis sur l’utilisation de l’information. En ce qui concerne les actions physiques cela peut­-être, par exemple, le fait de souligner des passages importants d’un texte, pour mieux saisir son sens.
    Sous forme de grille de lecture, nous nous appuierons sur les arguments développés par Wilson pour mieux analyser les comportements informationnels de la « population » cible de notre étude, notamment les étudiants d’institutions d’enseignement supérieur au Sénégal.


Ce qui est sous-entendu dans la notion de “recherche d’informations”

La Recherche d’Informations (RI), peut être considérée comme une activité d’un quelconque usager, dont la finalité est de trouver des informations pertinentes dans des sources diverses et fiables qui lui permettent d’atteindre un objectif, par exemple de produire un travail scientifique ou de résoudre un problème dans son domaine d’activité. Comme le précise Hernandez (2005, p.17) :

« c’est une activité par laquelle un utilisateur accède à un granule d’information (un ensemble de documents, un document, une partie de document, un composant XML, une donnée) à partir d’un besoin qu’il spécifie ».

Ainsi, en parlant de recherche d’informations, nous faisons référence au processus dans son ensemble : de la clarification du besoin par les apprenants à l’évaluation des informations trouvées. Cela suppose que les différentes tâches à réaliser dans la conception de leur site web sont déjà identifiées.

Méthode de collecte des données

Choix de l’observation directe

Afin de répondre à notre problématique, nous avons opté pour une méthodologie basée sur les techniques d’observation directe en nous appuyant sur les travaux de Luc Van Campenhoudt et Raymond Quivy, qui ont produit un ouvrage de référence sur les méthodes d’enquête intitulé : Manuel de recherche en sociales (2017).

Historiquement, l’observation directe s’inscrit dans la filiation des méthodes socio-anthropologiques. Mais, c’est aussi une veille technique que tous les êtres humains mettent en œuvre dans leur vie quotidienne soit pour observer les choses qui les entourent soit pour s’observer entre eux.

Dans le but de bien utiliser cette méthode, un cadrage précis nous semblait nécessaire. Ainsi, il convenait de trouver des éléments de réponse à ces questions : observer qui ? observer quoi ? observer comment ? En ce sens que mener une observation in situ, c’est souvent se confronter à la ruse de la population cible de l’étude (Van Campenhoudt et al., 2017). Mais, il faut souligner que dans cette posture l’observateur se distingue de l’espion et n’a pas une attitude totalement passive, il peut interagir avec les individus observés. La ligne de conduite principale est donc d’être près des acteurs, de recueillir les informations sur les pratiques s’offrant à la perception puis de procéder à une analyse. En effet, l’observation directe permet d’appréhender plus finement le lien entre ce que pensent, ce que font les individus et ce qu’ils disent de ce qu’ils font. Comme le souligne Ndiaye (2020), les verbalisations viennent donc en complément des informations qu’apporte ce qui est observable.

Durant cet atelier, en tant que formateurs, nous alternions les cours magistraux et les travaux pratiques (TPS) que les étudiants devaient effectuer puis exposer afin de montrer qu’ils avaient assimilé chaque séance. Ainsi, nous avons, au cours de ces différents TPS, observé les comportements des étudiants dans leurs recherches d’informations, en nous intéressant particulièrement aux critères de recherche, au choix des sources, à la qualité des informations trouvées, au temps investi dans la recherche des informations qui vont leur permettre de réaliser les tâches demandées.

Déroulement des observations

Pour obtenir des résultats véritablement exploitables, il nous semblait nécessaire d’avoir un échantillon de participants assez nombreux tout en essayant de fixer une limite car pour recueillir des informations intéressantes sur leurs pratiques il est important de les observer (en interagissant avec eux) à plusieurs reprises pendant les ateliers. Ainsi, comme nous l’avons indiqué plus haut, une centaine d’apprenants ont participé à la formation qui s’est déroulée en 6 jours, chacun consacré à des activités spécifiques.

Dans un premier temps (les deux premiers jours), il était nécessaire d’expliquer le processus de création d’un site web aux étudiants en insistant sur les compétences de base. Ensuite, nous avons abordé progressivement les aspects les plus complexes. L’idée était de faire comprendre à ces apprenants qui venaient d’horizons divers : les concepts généraux et les jargons utilisés dans la conception de sites web. Les étudiants pouvaient poser des questions sur les aspects non assimilés, ce qui nous permettait, en tant que formateurs, d’y revenir afin de les aider à mieux comprendre les éléments évoqués. Par ailleurs, en prenant des notes afin de retenir les aspects essentiels et de se rafraîchir la mémoire ultérieurement en cas d’oubli, les apprenants pouvaient interagir entre eux mais aussi avec les formateurs pendant les séances de cours.

Puis (le 3e jour), nous avons procédé à la mise en place du dispositif nécessaire aux développeurs web (créateurs de sites web). Il s’agit de l’ensemble des technologies indispensables à la création d’un site web. Le but était de permettre à chaque participant de connaître ces outils, de pouvoir les télécharger et les utiliser ultérieurement en sachant distinguer leurs rôles. Certains participants comprenaient rapidement et allaient vite tandis que d’autres éprouvaient des difficultés à tel point qu’il nous semblait nécessaire d’allonger les séances de cours. En effet, ces derniers nécessitent plus d’assistance.

Pendant le 4e jour, les apprenants étaient tenus de reprendre d’abord toute la procédure d’installation et de configuration des technologies, tous seuls (sans assistance) en y ajoutant d’autres technologies qu’ils n’ont pas vues pendant le 3e jour. Le but était que les étudiants soient capables d’installer les technologies auxquelles ils ont été formés mais aussi, et surtout, celles qu’ils ne connaissaient pas. Pour ce faire, ils devaient en toute autonomie, rechercher des tutoriels au format écrit ou en vidéo et trouver les informations pertinentes qui leur permettront de réaliser les tâches demandées. C’était l’occasion pour nous d’évaluer l’assimilation des connaissances acquises le 3e jour et la capacité des apprenants à aller au-delà de ce qu’ils ont appris lors des séances de formation. En résumé, les étudiants étaient appelés à effectuer des recherches afin de pouvoir réaliser le premier TP. Cela nous a permis de les observer et de cerner leurs comportements dans la recherche d’informations, en tenant compte des critères évoqués plus haut.

Les 5e et 6e jours étaient réservés à l’apprentissage des modules de Wordpress (un programme qui permet de créer un site internet, un blog, etc.) ; comment ajouter des éléments au site créé. Il s’agissait donc d’alimenter le site et de le rendre plus attractif mais aussi de le mettre en ligne et le référencer pour améliorer sa visibilité sur internet. Des TPS ont été effectués par les participants avec comme objectif d’évaluer la compréhension des éléments abordés. Le même processus que les jours précédents a été suivi et nous avons à nouveau observé le comportement des étudiants dans la recherche d’informations.

Les ateliers sont structurés de telle sorte qu’ils puissent passer d’une compétence à une autre, en ce sens que la création d’un site nécessite de réaliser des tâches successives. Cela nous a permis aussi d’apprécier leurs degrés d’assimilation et leurs capacités à mobiliser ces connaissances pour résoudre le problème posé. Par ailleurs, nous mettrons davantage l’accent sur les activités ayant lieu à partir du troisième jour consacré, comme nous l’évoquions précédemment à la mise place du dispositif informatique dont ces apprentis développeurs ont besoin.

Ainsi, pour nous assurer que les étudiants étaient capables d’effectuer une recherche et d’obtenir les résultats escomptés, nous avons mis l’accent dès le quatrième jour sur les sources utilisées et les critères choisis, en leur demandant de réaliser les tâches en question, devant nous, afin d’apprécier la compréhension qu’ils ont des différentes phases à respecter pour atteindre leurs objectifs.

Les éléments obtenus grâce aux verbalisations, notamment ces moments d’échanges avec les étudiants pendant l’activité du jour, permettent de noter les tâches qu’ils ont pu globalement réaliser dans cette phase. Ainsi, ils ont énuméré les étapes respectées. Elles correspondaient aux étapes suivantes : clarification des types d’informations recherchées, identification des sources, consultation de ces sources et évaluation des informations (leur pertinence). Ces étapes forment ce qu’il est possible d’appeler : « les bases » nécessaires pour faire des recherches pertinentes sur internet. Puis, dans un deuxième temps, ils ont fait référence aux questions qu’ils se posent à chacune des étapes. Ces questions viennent éclairer leurs besoins spécifiques dans la recherche d’informations.

Ensuite, on note, globalement ceci dans leurs discours : ils ont découpé chacune de ces étapes en autant de micro-étapes ou micro-moments que de questions qu’ils se sont posées. Ces questions-là ont constitué pour nous les unités d’analyse à étudier. Par exemple : dans l’étape d’identification des sources, nous leur avons demandé quelles étaient les questions qu’ils s’étaient posées. Les réponses fréquemment fournies peuvent être résumées par les propos de ce participant : « je me suis demandé si dans tel type de source, je ne trouverais pas les informations recherchées ». Ainsi, le sentiment dominant chez les apprenants avant de commencer la recherche est l’incertitude. D’autres, indiquent qu’ils procèdent par tâtonnements. C’est-à-dire qu’ils essayent de trouver des informations pertinentes en essayant plusieurs mots-clés.

Analyse des résultats

Les résultats de nos analyses ont montré que les manières de procéder des apprenants sont foncièrement liées aux questions qu’ils se posent au moment d’initier la recherche d’informations pouvant les aider à réaliser des tâches informatiques. Par ailleurs, ceux qui n’arrivent pas à bien formuler leurs questions de recherche sont ceux qui rencontrent généralement des difficultés.

De manière générale, nous avons relevé quelques tendances au cours des jours passés à observer les apprenants, à leur poser des questions et à essayer de comprendre leurs comportements informationnels pour réaliser ces tâches informatiques complexes. Cette étude révèle 3 catégories d’étudiants en matière de recherche d’informations. Afin de faciliter la compréhension des lecteurs, nous proposons, dans les lignes qui suivent, une analyse au cas par cas des manières de procéder de ces trois types d’étudiants.

Les étudiants qui effectuent des recherches rapides

Ce type de profil accorde une grande importance à l’apparence en privilégiant les contenus écrits de façon lisible et organisé, avec une présentation simple. Il a tendance à choisir certains types de documents et veut trouver la confirmation d’anciennes connaissances au lieu de nouvelles informations.

Cette catégorie se focalise sur la pression du temps et fait peu d’efforts dans la recherche d’informations en plus d’avoir un faible besoin d’analyser consciencieusement ou profondément les informations. Leur comportement est caractérisé par une recherche hâtive d’informations où le but est de terminer la recherche le plus tôt possible. Cette navigation rapide sur les informations trouvées semble être plus fortement liée à l’objectif de ces étudiants qui consiste à terminer les recherches et le TP rapidement plutôt que de viser la compréhension et l’apprentissage approfondis.

Ces étudiants ont du mal à juger si un document est pertinent pour leur sujet de recherche ou pas et ils rencontrent des difficultés à évaluer la pertinence des informations trouvées. Ils ont également une préférence pour les aperçus clairement écrits car cela rend les informations facilement accessibles. De plus, ces apprenants s’intéressent aux contenus récemment écrits, ce qui peut être expliqué par une tentative d’éviter l’effort requis pour consulter la littérature plus ancienne. Ce comportement semble être caractéristique des personnes extraverties qui sont par nature actives et veulent des résultats rapidement.

Le sentiment de pression du temps et la préférence de l’ancien et du connu sont donc caractéristiques de ce profil. Cela montre également qu’ils ont des compétences limitées dans la recherche d’informations. En outre, ces étudiants présentaient des traits de personnalité tels que la nervosité, la prudence et l’insouciance, ce qui peut être un facteur explicatif de leur comportement qui consiste à surfer rapidement sur les informations.

Les étudiants qui recherchent des informations pertinentes et exhaustives en utilisant une grande variété de sources.

Cette catégorie se distingue par une recherche d’informations plus exhaustive. Ils recherchent des informations à partir des sources différentes, récupèrent des informations par hasard et ont une grande capacité à évaluer les informations de manière critique. Leurs recherches sont, en général, progressivement développées. Ils sont à l’opposé des étudiants qui planifient à l’avance leurs recherches dans les bases de données, et qui adoptent donc un comportement de recherche assez strict et structuré, qui laisse peu de place à la découverte accidentelle d’informations.

Leurs comportements dans la recherche d’informations peuvent donc être résumés de la manière suivante :

  • durée plus longue dans la recherche d’informations,
  • utilisation de sources internet (revues sur internet),
  • utilisation de sources collectives (conférences, conférences, associations entreprises),
  • découverte accidentelle d’informations,
  • évaluer l’information,
  • viser un résultat de recherche de nombreux documents légèrement liés plutôt que quelques-uns exactement sur la cible.
    Ces apprenants sont assez curieux et ont une ouverture à l’expérience de même qu’une grande compétitivité, ce qui peut expliquer leur vaste recherche d’informations et leur esprit critique sur ces dernières. Leur nature active semble également améliorer leur endurance et leur activité dans la recherche d’informations.

La catégorie des étudiants qui effectue une recherche en se focalisant sur la crédibilité.

Elle concerne les apprenants qui consacrent des efforts considérables à la recherche d’informations et qui n’acceptent que les informations de la plus haute qualité scientifique. Leur méthode de recherche d’informations est plus avancée que celle des deux catégories précédentes à la fois au sens de la stratégie de recherche et du contenu de l’information. Ce type d’étudiants s’efforce à la fois de trouver des informations mais aussi de les utiliser de façon opportune.

Pour ces apprenants les critères suivants sont indispensables dans la recherche :

  • l’auteur des documents doit être clairement précisé et être relié à un institut ou un établissement de préférence connu ou réputé dans leur domaine,
  • le contenu et la source d’information doivent provenir d’une structure ou une entreprise ou d’auteurs assez connus ou ayant une bonne réputation dans le domaine concerné par la recherche d’informations,
    Ils considèrent qu’il est nécessaire de fournir beaucoup d’efforts dans la recherche d’informations, par exemple : trier et évaluer les informations.

Les traits de personnalité de ces étudiants sont : l’assiduité, la conscience, la motivation et l’ouverture à l’expérience mais également la volonté de travailler dur qui se reflète dans la recherche d’informations. Ils sont aussi caractérisés par une grande curiosité et un fort intérêt dans l’apprentissage et l’exploration de nouvelles connaissances, ce qui pourrait expliquer l’effort fourni dans la recherche d’informations.

Conclusion

Notre objectif dans ce travail était d’étudier le comportement dans la recherche d’informations (CRI) des étudiants dans les cycles supérieurs au Sénégal afin d’avoir une connaissance plus approfondie des sources et stratégies qu’ils utilisent pour obtenir les informations dont ils ont besoin pour la réalisation de leurs travaux. Les résultats obtenus nous ont permis de dresser un portrait du CRI des étudiants dans les cycles supérieurs au Sénégal et de cerner les difficultés particulières auxquels ils sont confrontés.

Trois comportements dans la recherche d’informations sont ressortis de cette étude :

  • Les étudiants qui effectuent des recherches rapides.
  • Les étudiants qui recherchent des informations pertinentes et exhaustives, en utilisant une grande variété de sources.
  • Et les étudiants effectuant une recherche en se focalisant sur la crédibilité et qui n’acceptent que les informations trouvées dans les productions scientifiques dont les auteurs sont connus.
    Nous avons pu relever les caractéristiques de chacune de ces 3 catégories en matière de personnalité. Tandis que certains sont caractérisés par une grande ouverture à l’expérience et une grande compétitivité, d’autres tels que les étudiants effectuant une recherche rapide sont définis par la nervosité, la prudence et l’insouciance. Le constat en était que cette dernière catégorie nécessitait plus d’assistance et de suivi de la part des formateurs. En effet, cette façon de rechercher les handicapait et les empêchait de trouver les informations nécessaires pour réaliser convenablement leurs travaux pratiques.

A la lumière de ces résultats, la recommandation que nous pouvons adresser aux universités et aux instituts supérieurs est de prendre en compte ces aspects et d’adapter leurs formations et services en fonction des différents profils, ceci afin de mieux répondre aux besoins des étudiants. Cela permettrait à toutes les catégories d’étudiants d’améliorer leurs méthodes dans la recherche d’informations (tutoriels, cours, vidéos…) qui les aideront à comprendre leurs cours, à effectuer leurs devoirs et leurs examens pour ainsi favoriser leur réussite scolaire. Dans cette perspective, des formations dans la recherche d’informations continuelles devraient être faites afin de combler les lacunes de certains types d’apprenants.

Enfin, nous ne prétendons pas généraliser les comportements dans la recherche d’informations évoqués dans cette présente étude car cela nécessite des études supplémentaires. Ainsi, il serait intéressant de voir si des comportements similaires pourraient être trouvés chez d’autres populations.

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[1Maître de conférences assimilé, membre du LARSIC, EBAD/UCAD

[2Maître de conférences assimilé, membre du LARSIC, EBAD/UCAD et Chercheur associé au Laboratoire GERIICO de l’Université de Lille.


 

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