Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

La place des TICE dans une pédagogie hybride de l’essai argumenté en classe de FLE

lundi 26 avril 2021 Benzi, Utzima

Auteur :

Benzi, Utzima

Pour citer cet article :

Benzi, Utzima (2021). La place des TICE dans une pédagogie hybride de l’essai argumenté en classe de FLE. Revue Adjectif, numéro thématique 1 : Productions d’écrits et technologies... Regards contemporains. Mis en ligne le 10-04-2021 [En ligne] http://www.adjectif.net/spip.php?article553

Résumé :

Cette contribution s’inscrit dans le domaine de la didactique du FLE en contexte bilingue franco-turc et s’intéresse à l’apport des TICE et de l’apprentissage collaboratif dans le processus d’acquisition de la méthodologie de l’essai argumenté, l’une des deux épreuves de production écrite du DALF C1. Afin de remédier aux difficultés constatées lors de l’analyse des productions textuelles d’apprenants de 12e (équivalent Terminale) d’un lycée privé bilingue francophone, nous avons mis en place un dispositif hybride combinant les prescriptions de différents courants méthodologiques et mobilisant plusieurs outils techno-pédagogiques. Notre présupposé didactique est que l’usage d’artefacts numériques au sein d’une formation associant les enseignements présentiel et à distance facilite la construction de compétences argumentatives et critiques, tout en créant un environnement éducatif stimulant la réflexivité et l’autonomie des apprenants, où s’estompent les frontières entre la salle de cours et les autres lieux d’apprentissage.

Mots clés :

Didactique du FLE, Enseignement secondaire, Essai argumenté, Productions d’écrits, TICE et apprentissage collaboratif, Turquie

1. Introduction

Dans un contexte marqué, à tous les niveaux du système éducatif, par le développement de l’usage des TICE dans les pratiques pédagogiques, l’exploitation des outils numériques constitue un potentiel précieux et une condition désormais nécessaire à l’enseignement-apprentissage des langues. Nombreux et particulièrement adaptés au contexte du Français Langue Étrangère (FLE), ils peuvent apporter une plus-value intéressante à l’acquisition de compétences de production écrite, tant en raison de leur multimodalité que de la diversité des approches collectives ou individuelles qu’ils permettent [1]. Partant de ce constat, nous avons élaboré un dispositif d’apprentissage hybride visant à faciliter la pratique de l’essai argumenté, dont nos apprenants doivent maîtriser les ressorts en vue de leur passation du C1 [2], notamment ceux qui envisagent une poursuite d’études en France, où la maîtrise du raisonnement structuré et de l’argumentation reste essentielle dans plusieurs disciplines du Supérieur.

Exercice à la fois exigeant et complexe, l’essai argumenté constitue une épreuve que la plupart d’entre eux redoutent, pour des motifs tant linguistiques que méthodologiques et culturels. Si l’on relève dans leurs écrits, par-delà les obstacles de nature langagière, une tendance à la description plutôt qu’à l’analyse ainsi qu’une absence de structuration des arguments, ces problèmes s’expliquent en partie par l’influence des conventions d’écriture qu’ils ont acquises au sein de leur culture, où le rapport à l’écrit est différent, tout comme ses contraintes et ses spécificités académiques. Bien que le texte argumentatif soit pratiqué régulièrement en Turquie, notamment dans le cadre des cours de littérature turque, sa méthodologie est cependant moins normative et ne répond donc pas aux attendus francophones [3].

Tenant compte de ces divergences et de la difficulté que représentent, pour tout apprenant FLE, le transfert et la structuration de la pensée logique dans une langue étrangère, nous avons mis en place des stratégies de remédiation adaptées aux besoins de nos élèves, de façon à permettre au plus grand nombre d’atteindre les objectifs d’apprentissage fixés. Plusieurs axes ont été retenus : une articulation présentiel-distanciel, un environnement techno-pédagogique, un travail de construction collectif et un tutorat par les pairs, un feedback et un accompagnement régulier du professeur. Après avoir évoqué les prémisses théoriques qui ont sous-tendu notre démarche et le cadre institutionnel dans lequel nous nous situons, nous présenterons le scénario pédagogique retenu, puis avancerons quelques réflexions mûries à l’issue de la première application du dispositif en question.

2. Présupposés théoriques

Les courants théoriques qui ont sous-tendu notre démarche relèvent de perspectives différentes mais complémentaires, en premier lieu de l’approche actionnelle, prônée par le CECRL (2001) [4], selon laquelle une langue est apprise pour que l’apprenant devienne un acteur social capable d’interagir de façon appropriée dans des contextes variés, qu’ils soient académiques, professionnels ou quotidiens, et de parvenir ainsi au résultat qu’il escompte : la réussite de sa communication langagière [5]. Du fait de son enracinement dans la linguistique de l’énonciation, cette approche préconise une focalisation sur le locuteur. Basée sur les notions d’interactions, de tâches et d’interculturel, elle vise à autonomiser l’apprenant dans son utilisation de la langue, de sorte qu’il soit capable de gérer lui-même ses difficultés et ses progrès, et d’inscrire ses apprentissages dans une dynamique de co-construction du savoir, horizontale et collaborative.

La seconde approche à laquelle nous nous sommes référée est la perspective interactionnelle-constructiviste héritée de Vygotsky et de Piaget, qui insiste sur le rôle de l’autre dans l’acquisition d’une langue étrangère et requiert la mise en œuvre d’un cadre de communication aussi authentique que possible, axé sur une démarche d’apprentissage collaboratif (Martinez, 1989) et (Olliver, 2014). Les compétences langagières y sont par conséquent perçues comme dynamiques et contextualisées, c’est-à-dire qu’elles varient en fonction des participants et de leurs rôles dans la situation d’interaction. La fonction de l’enseignant s’en trouve sensiblement modifiée : il n’est plus le dispensateur de savoirs constitués ailleurs, mais « le trait d’union entre une langue qu’il possède et des apprenants qui cherchent à se l’approprier » (Robert, 2008) autrement dit un facilitateur des apprentissages et des échanges.

Au confluent de ces tendances, la stratégie de la classe inversée (flipped classroom) ; les cours, envoyés en ligne aux élèves, sont étudiés à la maison, tandis que les devoirs se font en classe ; nous a incitée à décloisonner la répartition présentiel/distanciel en établissant une continuité d’activités entre ces deux modalités d’enseignement (Bissonnette et Gauthier, 2012) et (Faillet, 2014). Héritière de la méthode « Peer instruction », développée dans des cours de physique appliquée à Harvard par le professeur Eric Mazur (1997), elle est fondée sur un repositionnement des cours magistraux dans les dispositifs de formation et privilégie, à travers la médiation numérique des savoirs, l’intégration de l’auto-apprentissage hors de la classe ainsi que la mise en place de séances de co-construction des savoirs dirigées par des groupes de pairs interdépendants les uns des autres. Ses principes impliquent donc à la fois une perte du monopole de l’expertise par l’enseignant, la régulation des apprentissages par les pairs et l’introduction de l’interactivité dans la formation [6].

3. Cadre institutionnel et scénarisation du dispositif d’apprentissage

Le scénario pédagogique élaboré s’inscrit dans la progression et les approches mentionnées, qui visent à créer des contextes de mises en situation propices au développement de nouveaux comportements et modes d’apprentissage. Il a été expérimenté auprès d’une classe de 12ème du lycée bilingue francophone Notre-Dame de Sion, établissement anciennement confessionnel labellisé « FrancÉducation » en 2014 [7]. Si les programmes d’enseignement qui y sont dispensés dépendent, comme ceux de toutes les écoles ex-congréganistes établies à Istanbul et Izmir, du ministère de l’Éducation nationale turque, le poids du français y est cependant très fort, la plupart des cours de DNL (disciplines non linguistiques telles les mathématiques, l’histoire, l’économie…) étant assurés dans cette langue. Le nombre d’heures de FLE y est en outre conséquent, oscillant entre 22 périodes hebdomadaires en classe préparatoire [8], 10 périodes en première (9e), en seconde (10e) et en troisième année (11e), et 9 en dernière année du secondaire (12e). Basée sur les référentiels de compétences du CECRL, la formation linguistique est élaborée afin de permettre aux apprenants d’atteindre le niveau A2+ à la fin de la classe préparatoire, le niveau B1 à la fin du lycée 1, le niveau B2+ à la fin du lycée 3 et le niveau C1+ à la fin du lycée 4. Les élèves passent d’ailleurs les certifications DELF et DALF proposées par l’Institut français de Turquie. Notons également que cet enseignement bilingue permet aux élèves qui obtiennent leur diplôme de fin d’études de bénéficier, à l’issue de leur scolarité, d’une dispense de baccalauréat et d’intégrer directement les universités françaises.

Deux mois avant la date prévue de passation du DALF C1, nous avons mis en place, à raison de 3 périodes de travail synchrone hebdomadaire complétées par les tâches à réaliser en distanciel, une séquence d’activités de 8 semaines avec les 27 élèves de notre classe de 12e [9]. Âgés de 18 à 20 ans, ces élèves, dont le niveau oscille entre le B2+ et le C1, peuvent tous justifier d’une pratique scolaire de l’argumentation, puisqu’ils ont passé l’année précédente le DELF B2, dont chacune des épreuves a un lien avec l’argumentation et impose au candidat d’être à la fois capable de comprendre et d’exprimer une opinion personnelle clairement, et de sélectionner et développer des arguments pertinents. Ils ont par ailleurs été amenés à pratiquer l’argumentation dans le cadre de leurs cours de littérature turque, sans suivre cependant de méthodologie spécifique. Axée sur la compétence de production écrite, la séquence proposée s’inscrit dans la continuité des apprentissages au programme du second semestre de 11e, où les élèves sont initiés à la méthodologie de la synthèse de documents, la première épreuve de PE (production écrite) du DALF C1.

Elle tient par ailleurs compte des recherches effectuées dans le domaine de la didactique de l’argumentation qui ont donné lieu, depuis l’émergence du champ des littéracies universitaires et l’apparition de nouveaux genres écrits générés par les TICE, à une pléthore d’études variées portant sur les enjeux et les réalisations de l’argumentation selon le type d’écrit attendu, mais aussi selon le contexte institutionnel, géographique ou disciplinaire (Douaire, 2004) et (Buty et Plantin, 2008). Essentiellement abordée, jusqu’au début des années 1990, sous l’angle linguistique et philosophique, – dans sa dimension à la fois discursive, textuelle, énonciative et communicationnelle –, l’argumentation a fait irruption, à partir des années 1990, dans les curriculums de français, devenant un objet disciplinaire à part entière. Bien que dans les textes officiels, elle soit souvent présentée comme liée à la pratique de tel ou tel autre exercice, notamment du paragraphe argumenté et de la dissertation, et de ce fait exclue de la culture humaniste, à laquelle elle ne fait que s’adosser en tant que genre (lycée) ou forme de discours à visée de persuasion (collège), de nombreux manuels et articles lui sont désormais consacrés.

C’est le cas des travaux de la revue « Pratiques » (1980 ; 1981 ; 1992 ; 1994 ; 1997) et de « Recherches » (1988, 1991), qui explorent, du point de vue du champ didactique, quelques-uns des rapports complexes qu’entretiennent l’argumentation et la langue. S’y mêlent les contributions, riches d’orientations diverses et qui insistent sur la nécessité de tenir compte du travail quotidien des classes, de spécialistes de l’argumentation (Plantin, Moeschler etc.), de didacticiens de la langue maternelle (Masseron, Laparra, Garcia-Debanc etc.) et de linguistes et grammairiens reconnus (Combettes). Outre les recherches de Bernard Veck (1990) et de Violaine Houdart-Mérot (1998), qui ont accordé une place importante à l’argumentation au lycée, il faut également signaler les travaux de Suzanne-G. Chartrand qui s’est intéressée aux modalités d’enseignement de l’argumentation au secondaire, en divisant les différentes notions qui la composent et en les didactisant (Chartrand, 1995). Sur la lignée des postulats de l’interactionnisme social et de la modélisation des genres textuels définie par J.-P. Bronckart (1996), l’école de didactique du français de l’Université de Genève (Dolz, Noverraz et Schneuwly, 2001) a quant à elle élaboré, dans une perspective communicationnelle et instrumentale, un ensemble de séquences sur les genres argumentatifs à l’écrit et à l’oral du début à la fin de la scolarité obligatoire (Dolz-Mestre, Noverraz Schneuwly, 2001). Plus récemment, les travaux de F. Thyrion (1997, 2009, 2011) et de C. Scheepers (2013) ont proposé, au carrefour entre la didactique et les sciences du langage, une description des paramètres qui président à l’élaboration d’un écrit argumentatif, en mettant en avant les invariants que sont la thèse, les types d’arguments, le processus de contre-argumentation, l’ethos de l’argumentateur etc..

Bien moins étudié en didactique du Français Langue Étrangère, l’écrit argumenté a cependant fait l’objet de plusieurs études sérieuses, dont celle de C. Bazin-Mesnage qui, à mi-chemin des analyses sur le fonctionnement de la pensée argumentative et des travaux sur la production écrite en didactique des langues, rappelle qu’argumenter dans une langue étrangère, ce « n’est pas seulement maîtriser les prérequis d’un exercice rigoureusement banalisé ; c’est aussi et surtout faire l’épreuve du métissage, au carrefour des formes et des systèmes de pensée » (Bazin Mesnage,1998). Dans un article intitulé Construire l’argumentation ensemble, E. Suomela-Salmi s’interroge sur les stratégies discursives et les ressources langagières mises en œuvre, au niveau universitaire, par des apprenants finnophones de FLE dans un effort de co-construction d’un écrit argumentatif. Les articles de M.-P. Hamez sont quant à eux centrés sur les différentes étapes de l’enseignement de l’argumentation dans l’histoire des méthodologies de FLE, que celles-ci se réclament de l’approche communicative ou de la perspective actionnelle (Hamez, 2015). De façon plus généralisante M.P. Péry-Woodley a proposé, dans son étude Les écrits dans l’apprentissage : clés pour analyser les productions des apprenants (1994), un résumé de la façon d’analyser l’écrit, dont l’essai argumenté, en enseignement des langues étrangères.

Il convient à ce point de préciser que par « essai argumenté », nous entendons ici, selon la définition qu’en donne F. Thyrion dans son ouvrage L’écrit argumenté : questions d’apprentissage (1997), un texte trouvant sa logique interne dans une construction du scripteur déterminée par l’objectif poursuivi, dont la rédaction présuppose des décisions et des choix adaptés à la situation d’énonciation et cohérents par rapport à la finalité poursuivie. Rappelons enfin que le terme d’« essai argumenté », dans le cadre des épreuves du DALF C1, présente une certaine ambiguïté puisque le candidat peut être amené, selon les consignes, à écrire soit une lettre formelle, soit un article, soit un courrier aux lecteurs soit enfin un essai.

Nous entrerons à présent dans le détail de la progression de notre séquence, qui se pose pour objectif d’aider les apprenants à produire des textes articulés et compréhensibles, dans lesquels l’affirmation de leur position ne soit pas absente, et à leur donner les outils nécessaires pour répondre aux attendus du niveau C1 du CECRL en matière d’argumentation écrite.

Étape 1 (synchrone) : Brainstorming collectif sur l’argumentation avec réalisation d’une carte heuristique en temps réel. À travers une session de brainstorming menée avec l’application de cartographie Mindmeister, projetée en « live » via un rétroprojecteur, les élèves ont tout d’abord été amenés à rappeler les enjeux et finalités de l’argumentation et à réfléchir sur l’importance de la parole et du discours dans la société contemporaine. Le propos était de leur faire comprendre que toute argumentation naît d’une problématisation, qui questionne la validité des interprétations et des arguments mis en débat et impose au sujet de clarifier sa position en élaborant un raisonnement structuré, se concluant sur la justification du point de vue défendu. Afin qu’ils prennent conscience, d’un point de vue méthodologique, de la nécessité de réussir à dégager la « question argumentative », autrement dit le problème qui divise et structure le débat ou la réflexion (Plantin, 2017), plusieurs questions ciblées leur ont été posées : que se passe-t-il lorsque deux personnes communiquent, échangent ? Quels facteurs (contexte, statut social des individus en présence, codes d’interaction etc.) l’acte de communiquer fait-il intervenir ? À quoi sert l’argumentation ? En quoi la dynamique argumentative est-elle essentielle dans les relations humaines ? La mise en commun des réponses proposées a permis de commencer à construire une image des buts de l’apprentissage et à mettre en lumière l’intérêt de l’argumentation en tant qu’outil fondamental d’apprentissage du rapport à autrui et de la vie en commun. La carte mentale issue de la réflexion collective a ensuite été postée, dans sa version remaniée par un volontaire, sur l’espace Google Classroom de la classe.

Illustration 1 : Carte mentale obtenue après la séance de brainstorming sur l’argumentation

Étape 2 (synchrone) : Mise en situation à partir de sujets proposés par les apprenants. Afin de mettre en évidence, par-delà la finalité immédiate du C1, l’importance d’apprendre à maîtriser les stratégies de persuasion, nous avons demandé aux élèves de proposer chacun un sujet portant à controverse et de justifier oralement les raisons de leur choix. Cette séance de présentations et de débats devant un auditoire actif les a aidés à prendre conscience du caractère transférable des compétences qu’ils seraient amenés à acquérir dans le cadre du cours, tout en les obligeant à articuler leur prise de position sur la thématique choisie.

Étape 3 (asynchrone + synchrone) : Initiation à la méthodologie de l’essai argumenté par le biais d’une activité de compréhension orale et d’un questionnaire Google Forms. Pour la première étape du travail en distanciel, nous avons posté sur Classroom une capsule vidéo sur la méthodologie de l’argumentation, accompagnée d’un questionnaire Forms créé en amont. L’exercice a été paramétré de sorte que l’apprenant, en cas de mauvaise réponse, puisse se référer au commentaire inséré et comprendre les raisons de son erreur. Dans un second temps, l’activité a fait l’objet d’une séance de remédiation en classe, qui a permis de caractériser de façon plus approfondie la structure de base et les composantes du texte argumenté.

Illustration 2 : Extrait du questionnaire Google Forms soumis aux apprenants.

Étape 4 (asynchrone) : Réalisation avec PowToon d’une capsule vidéo de présentation de la méthodologie de l’essai argumenté. Afin de fixer les acquis théoriques et méthodologiques de façon plus dynamique, chaque apprenant a ensuite été chargé de réaliser, avec le logiciel d’animation Powtoon, une capsule vidéo retraçant les étapes de la démarche méthodologique à suivre.

La consigne était la suivante :

En vous inspirant de la vidéo précédemment étudiée, vous réaliserez une capsule vidéo de 2-3 minutes (maximum) dans laquelle vous présenterez la méthodologie de l’essai argumenté en jouant le rôle d’un professeur de français.

Vous aurez soin d’évoquer les différentes phases de rédaction d’un texte argumentatif et de spécifier comment procéder pour rédiger une introduction, un développement et une conclusion réussis.

Votre vidéo devra être créée avec le logiciel Powtoon (cf. https://www.powtoon.com/my-powtoons/#/), conçu pour aider à créer des présentations personnalisées. Faites attention : la maîtrise de cet outil nécessite un certain temps...

Illustration 3 : Capture d’écran d’une capsule vidéo créée par une élève avec Powtoon.

Étape 5 (asynchrone) : Activités progressives de repérage et de caractérisation de l’essai argumenté. Une série d’activités différenciées, conçues pour les guider vers une prise de conscience progressive des contraintes de structure et d’enchaînement propres à l’écrit argumentatif, leur a été ensuite proposée sur Classroom. Conformément au courant de la perspective actionnelle qui prône l’organisation de micro-tâches autour du but à atteindre, dans notre cas la rédaction collaborative d’un essai argumenté, ils ont successivement appris à distinguer les éléments constitutifs d’un texte argumentatif (thème, thèse, arguments [10], contre-arguments, énoncés illustrant l’argument), à structurer les idées essentielles et secondaires qui viendraient étoffer leur développement et à expliciter, par l’usage d’opérateurs logiques et de connecteurs argumentatifs appropriés [11] les liens marquant la progression du raisonnement et le développement des hypothèses avancées. Afin de donner davantage de sens à l’apprentissage, nous avons cherché, autant que possible, à contextualiser ces tâches intermédiaires en les inscrivant dans un cadre social et culturel familier aux élèves. L’activité portant sur la distinction entre thème et thèse était ainsi basée sur les conséquences du harcèlement au lycée, celle sur les connecteurs logiques avait pour support un article du Monde évoquant l’usage du Web pendant les examens scolaires.

Étape 6 (synchrone + asynchrone) : Dégager le plan d’un essai argumenté traité de façon intégrale. La plupart des apprenants turcophones ne connaissant pas les caractéristiques structurelles et discursives de l’essai argumenté français, nous leur avons proposé un exemple d’argumentation entièrement rédigé, dont ils ont eu pour tâche de retrouver le plan et de résumer en quelques mots les différentes parties [12]. Ce travail en mode asynchrone a fait suite à une séance en présentiel où nous avons lu, observé et déconstruit un texte argumentatif sur les nouvelles technologies de communication, afin que chacun comprenne l’objectif à atteindre.

La plupart des activités des étapes 5 et 6 étant à réaliser en dehors de l’espace-classe, selon un plan de travail défini et avec un accompagnement régulier sous forme de feedbacks, les élèves ont pu disposer du temps nécessaire pour s’approprier les compétences attendues et progresser à leur rythme. La correction s’est effectuée par le biais de fichiers auto-correctifs, postés sur l’espace virtuel de la classe après la date butoir indiquée pour chaque rendu. Le temps en présentiel a quant à lui été consacré à la reprise des exercices les plus complexes et à la clarification de certaines notions, ainsi qu’à l’organisation d’un Kahoot conclusif, qui a permis de revenir, de façon ludique, sur les éléments constitutifs de l’essai argumenté. Au terme de cette phase, les apprenants étaient à la fois capables de reconnaître la structure globale du discours argumentatif, d’en repérer les stratégies et d’identifier la valeur des connecteurs logiques les plus usités.

Illustration 4 : Extrait du Kahoot conclusif proposé aux apprenants.

Étape 7 (asynchrone + synchrone) : Co-rédiger le plan d’un essai argumenté avec Google Docs. Après la phase de mise en situation et de modélisation, il s’agissait d’amener les élèves à parfaire leur compréhension du fonctionnement de l’essai argumenté en les faisant passer d’une pratique guidée vers une pratique autonome. Nous avons à ce stade favorisé l’apprentissage collaboratif via la plateforme Google Docs qui permet, depuis n’importe quel ordinateur connecté, de travailler à plusieurs simultanément sur un même document. En s’investissant dans une production commune, les élèves ont été invités à partager et à instaurer des interdépendances positives. Comme ils devaient élaborer une tâche complexe, l’ossature du document à remplir leur a été fournie, complétée par une consigne simple [13] et des rétroactions régulières. Il leur est revenu de choisir leur sujet et de se répartir le travail à effectuer, en désignant un responsable du pilotage et un responsable de la correction. Cette activité a été complétée, en présentiel, par l’analyse des cinq plans réalisés par les groupes, que les élèves ont dû évaluer, en en commentant les points forts et les points faibles, selon une grille comprenant 3 critères :

  1. La lisibilité : le plan est-il rédigé de manière claire et compréhensible et s’adresse-t-il au bon destinataire (maîtrise de la situation de communication) ?
  2. La cohérence : le plan proposé répond-il à la problématique, comporte-t-il des sous-parties pertinentes et équilibrées, couvre-t-il la totalité du sujet ? L’opinion défendue est-elle clairement exprimée ?
  3. La cohésion : l’articulation des arguments et des exemples est-elle pertinente, ainsi que l’utilisation des connecteurs ?
    L’évaluation formative et formatrice [14] intégrée à l’activité s’est donc faite sous le signe de la co-évaluation entre pairs.

Illustration 5 : Extrait de l’un des plans élaborés avec ses feedbacks correctifs.

Étape 8 (asynchrone + synchrone) : Co-rédiger un essai argumenté complet avec Google Docs. Restait l’étape la plus complexe, à savoir la rédaction, en petits groupes, d’un essai argumenté complet afin de vérifier l’acquisition articulée des principes et de la méthodologie étudiés. Pour cette phase aussi, le choix de l’écriture collaborative a été fait : il permettait à la fois d’évaluer le bien-fondé des stratégies énonciatives, organisationnelles et argumentatives déployées par les élèves et d’analyser leurs activités auto-réflexives sur le texte à produire, tout en leur consentant une prise en charge plus autonome des opérations à accomplir. Comme pour l’élaboration du plan de l’essai, nous les avons laissés libres de choisir leur sujet, en leur imposant cependant de désigner un responsable de la correction ainsi qu’une personne chargée d’écrire une synthèse des points positifs et des points négatifs du texte produit.

Afin d’améliorer la forme, le contenu sémantique et la qualité de leur écrit, nous leur avons recommandé de recourir au vérificateur d’orthographe et de grammaire « Le Robert correcteur » [15], dont l’interface est simple d’usage et l’accès gratuit pendant 30 jours. Les retours personnalisés ont quant à eux été apportés via l’extension de Chrome « Talk and comment » [16], qui permet d’enregistrer et d’insérer des commentaires vocaux sur toutes les applications de Google Suite, dont Docs. Nous n’avons volontairement corrigé aucune de leurs erreurs lexicales, grammaticales ou typographiques, limitant notre intervention à des feedbacks sur le respect de la consigne, la cohérence et la cohésion, ainsi que la capacité à argumenter, autrement dit aux critères retenus dans la première partie de la grille d’évaluation de la production écrite C1.

Illustration 6 : Exemple d’essai argumenté rédigé par un groupe avec les feedbacks oraux insérés via l’extension « Talk and comment »

En ce qui concerne l’évaluation des textes produits, chaque membre des équipes constituées a eu pour tâche de procéder à une auto-évaluation ainsi qu’à une évaluation des pairs de son groupe. Cette démarche a permis de distinguer les élèves s’étant vraiment investis dans le travail de production écrite de ceux ayant fait preuve d’une implication insuffisante. Deux notes distinctes, échelonnées de 0 à 15, leur ont donc été attribuées. La première correspondait à l’évaluation de la contribution individuelle au travail de groupe par les autres membres, la seconde était calculée en mettant en parallèle le résultat de l’auto-évaluation et la perception qu’en avaient les coéquipiers. L’objectif était d’une part de mesurer un éventuel écart de jugement entre l’auto-évaluation et celle faite par les pairs, d’autre part d’encourager les apprenants à adopter une posture réflexive sur la méthodologie de travail et les rapports interpersonnels. Voici la grille distribuée en présentiel à l’ensemble du groupe-classe :

Tableau 1 : Grille distribuée en présentiel

Étape 9 (synchrone) : Apprendre à se relire et se corriger en recourant au correcticiel « Le Robert ». La révision étant, elle aussi, un sous-processus de l’activité d’écriture, qui implique à la fois la relecture du texte produit et sa correction, nous avons consacré deux séances en présentiel au remaniement des essais argumentés écrits par les élèves. La classe a été divisée en 5 îlots, chacun regroupant les mêmes coéquipiers qu’en distanciel, et les élèves ont disposé de 20 minutes pour la révision et la correction orthographique de leur texte en s’appuyant dans un premier temps sur leurs propres compétences linguistiques [17]. Nous leur avons ensuite présenté l’interface du « Robert correcteur », que plusieurs d’entre eux connaissaient déjà pour l’avoir utilisée dans le cadre de l’activité précédente, ainsi que les différents outils que ce logiciel met à disposition des usagers, à savoir un correcteur automatique, des dictionnaires de références et des guides linguistiques pour produire des textes sans erreurs. Dans un second temps, chaque groupe a été chargé de détecter et de corriger sur ordinateur, à l’aide du Robert, les erreurs restantes. Une fois le texte émendé, une note a été attribuée aux différentes productions à partir de la grille critériée officielle du DALF C1.

Étape 10 (asynchrone) : Vérification de l’ensemble des notions abordées via Google Forms et rédaction individuelle de deux essais argumentés. Un questionnaire final est venu compléter les tâches synchrones et asynchrones proposées tout au long de la séquence. Avant la date de passation du DALF C1, les élèves ont également rédigé, de façon individuelle cette fois, deux autres essais argumentés où ils ont pu réinvestir les compétences acquises. La grille d’évaluation de la production écrite C1 a, dans ce cas aussi, servi de support à la notation des deux activités.

Illustration 7 : Extrait du questionnaire final Google Forms soumis aux apprenants.

4. Synthèse des résultats dans les phases présentielle et distante

4.1. L’approche hybride différenciée

Au terme de la séquence, nous avons soumis aux élèves un questionnaire Forms, sans recueil des adresses mail et donc anonyme, visant à connaître leur point de vue concernant le dispositif hybride mis en place. Bien qu’ils aient tous un accès facilité aux nouvelles technologies et soient donc en mesure, pour la plupart, de s’approprier relativement facilement les outils et usages numériques mis en œuvre, la rupture didactique impliquée par le scénario pédagogique adopté en a démobilisé certains, qui ont éprouvé des difficultés à se familiariser avec la combinaison entre les modalités distancielle et présentielle, et à prendre en main, en dépit du tutorat technique fourni, les TICE utilisées. Les réponses ont également mis en lumière la grande diversité qui existe entre les apprenants au sujet de leur envie et de leur capacité à être autonomes : en dépit des échanges de mails, des feedbacks réguliers et de l’intégration d’outils de planification de leur travail, une partie d’entre eux s’est dite réticente face au degré d’autonomie qui leur était laissé dans la réalisation des tâches en ligne. Si pour les meilleurs le fait d’être en partie acteurs de leur formation s’est révélé être une source de satisfaction, pour d’autres cette liberté a été vécue de façon parfois anxiogène.

Certains apprenants ont en outre estimé que le nombre d’exercices auto-correctifs, de quiz et de tâches diverses postées sur leur espace virtuel avait entraîné, durant les deux mois de mise en pratique du dispositif, une surcharge de travail assez importante. La plupart d’entre eux ont cependant convenu que la présence de la modalité distancielle avait été enrichissante, qu’elle leur avait permis une certaine souplesse organisationnelle et qu’ils avaient apprécié de connaître les objectifs et le contenu du cours avant de venir en classe, même si certains points, en l’absence de l’étayage habituel de l’enseignant, étaient imparfaitement assimilés. Ils ont également mis en avant, pour les cours en présentiel, l’intérêt qu’il y avait à préparer en amont des questions conceptuelles et méthodologiques précises, portant sur l’un ou l’autre des problèmes rencontrés, questions qu’ils se seraient sans doute abstenus de poser dans le cadre d’un cours traditionnel, par timidité ou par appréhension du jugement des autres. Ils ont enfin estimé que le principe de la classe inversée avait détendu l’atmosphère des cours en mode synchrone et que les interactions entre l’enseignant et les élèves s’en étaient trouvées renforcées.

4.2. L’utilisation des technologies pour les productions écrites

Grâce à l’introduction, dans la pratique de la production écrite, de technologies que nous avions jusqu’alors réservées à l’acquisition et/ou au développement d’autres compétences, les élèves ont eu l’impression, dans l’ensemble, de bénéficier d’un apprentissage plus individualisé, attrayant et interactif. Ils ont ainsi trouvé que l’espace de Google Docs était d’un usage simple et agréable et qu’il rendait le travail de l’écriture moins contraignant en permettant un gain de temps appréciable, notamment dans le cas d’opérations de correction. Les travaux de rédaction collaborative en ligne leur ont en outre permis de progresser à leur rythme, de manière non linéaire. Même si chacun des devoirs impliquait une concertation en amont pour décider du sujet à exploiter et des tâches de chacun, les élèves étaient ensuite libres de compléter progressivement leur texte, de déplacer des segments à volonté, de procéder à la réécriture de certains passages. La section des commentaires, qu’ils fussent écrits ou vocaux, les a rassurés en rendant tangibles l’encadrement et le suivi de leur travail. Ils ont particulièrement apprécié les observations audios insérées via l’application « Talk and comment », plus étayées et vivantes que celles écrites.

Le recours au correcticiel « Le Robert » a été perçu comme une aide efficace à la correction ainsi qu’à l’acquisition d’une attitude plus distanciée vis-à-vis des erreurs commises. Nous avons fait en sorte que cette étape se déroule en présentiel pour éviter que les apprenants ne se contentent de passer leur texte au correcteur sans consulter les explications d’ordre grammatical, orthographique et étymologique fournies dans l’interface du correcteur et dans les guides et dictionnaires linguistiques. Bien que les deux séances consacrées à cette activité aient été insuffisantes, nous avons cherché à faire en sorte que les élèves amorcent une véritable réflexion sur la langue et qu’ils créent des liens entre leurs erreurs et les commentaires proposés afin d’en éviter certaines lors d’activités ultérieures de production écrite. En définitive, il est apparu que parmi les outils numériques exploités dans la séquence, les plus facilitants aux yeux des apprenants étaient les feedbacks oraux postés sur Google Docs, la capsule vidéo sur la méthodologie de l’argumentation, la possibilité de recourir à des auto-correcteurs en ligne et le fait de travailler sur l’espace collaboratif de Docs. À la question de savoir si l’usage des TICE les avait ou non aidés à mieux assimiler la méthodologie de l’essai argumenté et à produire des textes répondant de façon satisfaisante aux exigences du DALF C1, les élèves ont été unanimes à en reconnaître l’utilité et les avantages.

4.3. La perception de l’écriture collaborative

De la même manière, la combinaison entre l’usage des outils numériques et le travail collaboratif a été jugée bénéfique et stimulante. Certains élèves, mal à l’aise à l’écrit et ne réussissant pas, en temps normal, à mobiliser leurs stratégies de production écrite, se sont sentis encouragés par les remarques et le soutien de leurs pairs. Ceux d’un niveau plus élevé ont en effet endossé le rôle de superviseurs en répartissant les tâches de chacun et en aidant les membres du groupe à atteindre le/les objectif(s) fixé(s). Le regroupement par choix libre a permis l’instauration d’un climat de confiance, d’échanges mutuels et de coopération, sans qu’il y ait eu à notre connaissance de tentative, par l’un ou l’autre des élèves, de monopoliser l’attention du groupe ou de s’octroyer davantage de droits. En dépit du non-respect de certaines dates-butoirs, la plupart des élèves ont mesuré les avantages de l’écriture collaborative et en ont apprécié, tant en mode asynchrone que synchrone, l’esprit d’émulation et la convivialité.

5. Pour conclure

S’il n’existe, certes, aucun miracle dû aux TICE dans le domaine de la production d’écrits en FLE, le dispositif que nous avons expérimenté constitue une alternative intéressante au modèle transmissif traditionnel de la méthodologie de l’essai argumenté, et comporte des avantages certains, particulièrement ceux de l’audiovisuel, de l’autonomisation des apprentissages et de l’individualisation du rythme de travail des apprenants. L’intégration de ressources médiatisées au sein d’une séquence organisée de façon hybride et axée sur une dimension collaborative et interactive forte nous semble en effet avoir apporté une plus-value pédagogique intéressante, en permettant aux apprenants de manipuler les objets d’apprentissage dans une perspective communicative (entre pairs), en les rapprochant autour des tâches à produire et en les confrontant à de nouvelles perspectives rédactionnelles, avec des écrits soumis à l’observation de leurs co-équipiers, résultant d’une écriture conjointe et les engageant donc plus personnellement. Ils ont aussi fait preuve, tout au long du processus d’apprentissage, de capacités d’appropriation très rapides qu’ils pourront utiliser dans d’autres disciplines.

Les contraintes d’une telle mise en œuvre ont cependant été importantes, notamment en raison du caractère chronophage de la conception en amont des ressources et des outils pédagogiques ainsi que de l’accompagnement nécessaire des élèves. Afin de proposer une articulation adéquate entre cours en présence et à distance, il nous a en effet fallu scénariser minutieusement chacune des activités d’apprentissage, choisir et didactiser les supports audiovisuels, les téléverser ensuite sur Google Classroom. Nous avons en outre dû répondre aux mails des élèves, nombreux lors de la phase de prise en main technique, et poster régulièrement des feedbacks correctifs et des annotations, en veillant à ce que les apprenants s’approprient les corrections et les intègrent dans leurs écrits, et ce parallèlement à la préparation des cours en présentiel. La mutualisation des liens et des préparations d’autres collègues et/ou l’utilisation de ressources déjà disponibles sur la Toile aurait pu représenter une alternative intéressante.

En ce qui concerne la tâche finale à réaliser, à savoir l’essai argumenté prévu par les consignes, le bilan reste mitigé. Les textes résultant du processus de rédaction collective relèvent en effet davantage de l’écrit informatif ou descriptif que de celui argumentatif, montrant que les stratégies argumentatives ne sont pas encore maîtrisées de même, nous semble-t-il, qu’un certain nombre de compétences linguistiques et organisationnelles afférentes, telle l’utilisation d’un niveau d’expression formelle correspondant aux circonstances ou la capacité à relier clairement les idées exprimées. En outre, les élèves développent insuffisamment leurs arguments, produisent des contre-arguments souvent peu crédibles, et n’emploient que rarement des marques de modulation qui leur permettaient de nuancer leur point de vue. Si leurs écrits sont thématiquement élaborés et témoignent d’une prise en compte du destinataire et de la nature de la question discutée, ils laissent cependant transparaître un niveau encore faible d’élaboration argumentative et de linéarisation structurelle, au sens d’ordonnancement des informations et de spécification de leur mise en relation. Sans doute cette séquence aurait-elle dû être complétée, en amont, par des exercices spécifiques tels que le débat argumenté, au cours desquels les apprenants auraient été véritablement mis en situation d’argumentation, ce qui aurait permis de faire fonctionner le discours argumentatif à travers la collaboration orale entre les élèves. Il aurait également fallu expliciter davantage le processus de mise en œuvre du texte argumentatif, en évoquant le modèle traditionnel de division du discours rhétorique et les fonctions spécifiques de chaque étape, notamment de l’inventio (trouver des arguments), de la dispositio (classer et enchaîner ces arguments) et de l’elocutio (mettre le propos en phrases). Notre dispositif aurait enfin dû s’échelonner sur une période de temps plus longue, afin de permettre aux élèves de mieux assimiler l’ensemble complexe de notions que l’étude des procédés et des techniques argumentatives présuppose. Quoi qu’il en soit, cette expérience nous aura permis d’explorer des pistes intéressantes pour l’amélioration de la compétence écrite d’argumentation de nos apprenants et de leur proposer une approche moins normée et plus vivante de cette épreuve du DALF C1.

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7. Applications utilisées

Google Chrome Talk and comment : application gratuite permettant d’enregistrer et d’insérer des commentaires vocaux sur toutes les applications de Google Suite.

Google Classroom : plate-forme d’apprentissage gratuite dédiée aux écoles dont le but est de simplifier la création et la diffusion de cours et d’exercices de façon numérique.

Google Docs : plateforme qui permet, depuis n’importe quel ordinateur connecté, de travailler à plusieurs simultanément sur un même document.

Google Forms : application permettant de créer un questionnaire à plusieurs.

Google Meet : infrastructure sécurisée de Google permettant une téléconférence dans laquelle les participants sont reliés par des circuits de télévision transmettant paroles, images animées et documents graphiques.

Google Suite : suite d’outils et de logiciels de productivité incluant Forms, Docs, Classroom…

Kahoot : application permettant de générer des QCM interactifs et de rendre des révisions communes plus ludiques.

Mindmeister : permet une session de brainstorming grâce à une application de cartographie projetée en « live » via un rétroprojecteur.

Powtoon : logiciel d’animation gratuit pour créer des vidéos d’animation ou des clips animés.

Robert correcteur : correcticiel, vérificateur d’orthographe et de grammaire dont l’interface est simple d’usage et l’accès gratuit pendant 30 jours. Il permet, outre les corrections, de consulter des explications d’ordre grammatical, orthographique et étymologique fournies dans l’interface et dans les guides et dictionnaires linguistiques.

[1Parmi les technologies Web 2.0 exploitables afin de développer les compétences de production textuelle chez les apprentis scripteurs figurent ainsi les wikis, les weblogs, les forums, les réseaux sociaux, etc.

[2C’est à partir du niveau B2 qu’apparaît le genre de l’essai argumenté dans les épreuves du DELF (Diplôme d’études en langue française) puis du DALF (Diplôme approfondi de langue française).

[3Les élèves disposent en effet d’une liberté beaucoup plus grande, tant dans le choix du nombre de parties que dans la progression de l’exposition des arguments, l’insertion d’exemples et de contre-exemples n’étant d’ailleurs pas exigée, contrairement aux spécifications du CECRL (Cadre européen commun de référence pour les langues, document publié par le Conseil de l’Europe en 2001).

[4Le second chapitre du CECRL propose une définition de l’approche actionnelle, qui sous-tend l’ensemble de la démarche pédagogique préconisée par le Conseil de l’Europe. La perspective privilégiée, y lit-on, est de type actionnel « en ce qu’elle considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier ». Cf. Cadre européen commun de référence pour les langues, op. cit., p. 15.

[5Nous empruntons cette expression à Tagliante (2005).

[6Les apprenants doivent en effet s’approprier de façon autonome, hors de la classe, des contenus médiatisés scénarisés en amont, tandis que les cours en présentiel sont centrés sur des échanges et des mises en situation mobilisant les contenus afin d’en renforcer l’appropriation.

[7Créé en 2012, le label « FrancÉducation » est attribué par le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) « aux filières d’excellence bilingues francophones proposant un enseignement renforcé de la langue française et d’au moins une discipline non linguistique en français, conformément au programme officiel du pays d’accueil » (cf. https://www.labelfranceducation.fr/). En Turquie, 13 établissements bénéficient actuellement de cette labellisation, dont 8 sont situés à Istanbul, 4 à Izmir et 1 à Ankara.

[8Dans ces établissements privés d’enseignement général bilingue, les élèves non francophones doivent suivre une première année nommée « classe préparatoire », qui est consacrée à l’apprentissage intensif des bases de la langue française.

[9La séquence comprenait 24 heures de travail en présentiel et à peu près autant, pour les apprenants, en distanciel.

[10Notons qu’en ce qui concerne les différents types d’arguments, nous n’avons retenu, dans un souci de simplification, que cinq des neuf « forms of reasoning » proposées par Toulmin, Rieke et Janik (1984).

[11Nous avons en effet distingué les « organisateurs textuels » (ou opérateurs logiques) tels que ensuite, puis, enfin, d’une part…d’autre part…, qui constituent des balises à l’intérieur d’un texte, des connecteurs qui sont quant à eux « des mots de liaison et d’orientation, qui articulent les informations et l’argumentation d’un texte », les mettant au service de l’intention argumentative générale de celui-ci (Plantin, 1989 ; Luscher 1994)

[12Voici le sujet auquel répondait la rédaction proposée : « Vous participez à la rédaction du journal de votre lycée. Étant donné que les nouvelles technologies prennent de plus en plus de place dans votre vie de lycéen vous décidez de rédiger un article sur ce sujet que vous intitulez : ’Peut-on affirmer qu’Internet favorise la communication avec les autres ?’. Donnez votre avis en 500 mots ».

[13La consigne donnée était la suivante : « Par petits groupes de 4 ou 5 élèves, choisissez 1 sujet argumentatif qui suscite votre intérêt et élaborez, de façon collaborative, un plan détaillé. Chaque groupe devra désigner un responsable du pilotage et un responsable de la correction. Inscrivez bien vos noms et prénoms dans l’un des Google Docs ci-dessous. / N’oubliez pas que tout peut être sujet à débat : Les salaires des athlètes professionnels sont-ils trop élevés ? Les téléphones cellulaires devraient-ils être totalement interdits dans les lycées ? Les humoristes peuvent-ils rire de tout ? Dans le domaine de l’environnement, les citoyens français/turcs font-ils suffisamment d’efforts ? À qui revient la responsabilité de nettoyer les écosystèmes ? La mode ne sert-elle qu’à nous faire dépenser inutilement notre argent ? Les émissions de téléréalité sont-elles intéressantes ou est-ce une perte de temps ? / Pensez à soigner votre plan. Il s’agit d’une habitude à prendre. Un travail cohérent et structuré est un travail qui mérite 50% des points de la note. Gardez ce conseil en mémoire ! ».

[14Cf. Nunziati (1990) et Bonniol, M. Vial (1997).

[17Des polycopiés de leur essai leur ont été distribués en début de séance.


 

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