Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Sesame Street et l’évaluation des technologies éducatives

dimanche 3 mai 2020 Eric Bruillard

Pour citer cet article :

Bruillard, Eric (2020). Sesame Street et l’évaluation des technologies éducatives. Revue Adjectif, 2020 T2. Mis en ligne dimanche 03 mai 2020 [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article533

Résumé :

A l’automne 2015, l’OCDE a communiqué sur certains résultats de PISA liés à l’utilisation de l’ordinateur. Il apparaissait que celle-ci n’était pas un facteur favorisant la réussite des élèves et que les technologies informatiques bénéficiaient plutôt aux élèves de milieu favorisé. Une telle déclaration a pu surprendre nombre d’observateurs peu au fait des impacts des technologies éducatives sur l’apprentissage des élèves, mais n’a pas surpris les spécialistes, connaissant depuis longtemps ce constat.

En effet, l’utilisation des technologies en éducation a une longue histoire, qui a commencé bien avant le numérique, et son étude a permis de mettre au jour quelques grandes questions que l’on retrouve aujourd’hui. A ce titre, l’histoire de la série télévisuelle Sesame Street est intéressante, cette série ayant joué un rôle très important, et peut donner des clés afin de mieux comprendre la situation actuelle. Nous allons relater cette histoire dans les pages qui suivent, ce qui nous permettra de discuter quelques grandes idées autour de l’évaluation de l’utilisation des technologies en éducation.

Mots clés :

évaluation, technologies nouvelles, télévision, Internet, inégalités

La saga de Sesame Street

« Avec pour mission d’aider les enfants du monde entier à devenir plus intelligents, plus forts et plus gentils, Sesame Street touche les enfants dans 150 pays et 70 langues. L’année 2019 a marqué 50 ans de mise en œuvre des avantages de l’apprentissage précoce pour les enfants, et nous avons célébré notre anniversaire historique avec nos fans et les familles tout au long de l’année. » [1].

Sesame Street a plus de 50 ans, poursuivant cette mission ambitieuse de rendre les enfants smarter, stronger and kinder. Elle est ainsi précisée par Rosemarie Truglio, première vice-présidente de Sesame Workshop [2], responsable du développement du programme interdisciplinaire sur lequel repose Sesame Street : le terme « plus intelligent » est défini par les compétences scolaires, pas seulement les bases de la lecture et du calcul, mais également une approche positive de l’apprentissage ; « plus fort » ne signifie pas seulement promouvoir la santé physique, mais aussi développer des compétences de résilience ; « plus gentil » c’est l’attention aux autres et des comportements sociaux tels l’empathie, la compassion et le respect (Truglio, 2019).

La naissance et le lancement de Sesame Street

L’histoire commence au milieu des années soixante dans une Amérique en pleine guerre du Vietnam. Le président Lyndon Johnson veut rendre la société plus équitable et le pays plus inclusif et notamment donner à plus d’enfants un bon départ dans leur apprentissage (lancement de Head Start en 1965, programme préscolaire américain destiné aux enfants défavorisés). L’objectif des créateurs de Sesame Street, Joan Ganz Cooney et Lloyd Morrisett, est de « donner aux enfants défavorisés les mêmes chances qu’aux enfants de la classe moyenne. » [3]

Selon John Blatt [4], il y avait des oppositions à l’époque, en particulier dans les États du Sud, du fait que l’éducation est une affaire locale aux États-Unis, il n’y a pas de programme scolaire national et que beaucoup considéraient que les enfants d’âge préscolaire trop jeunes pour se concentrer sur l’apprentissage. Néanmoins, le contexte était favorable (Rogers, 1972). La télévision était présente dans 96% des foyers aux États-Unis (mais seulement 63% pouvant capter la télévision publique) et les enfants d’âge préscolaire passaient souvent beaucoup d’heures devant la télévision. Il y avait un consensus croissant parmi les éducateurs : l’éducation des enfants devrait commencer bien avant l’âge de 5 ou 6 ans.

« Le besoin national d’un plus grand nombre de personnes mieux éduquées et l’exigence nationale de donner une chance équitable aux enfants défavorisés dès le départ impliquent que nous ne pouvons pas attendre le mot final et définitif des chercheurs, ni qu’il y ait suffisamment d’enseignants et de salles de classe pour accueillir notre population préscolaire. Nous devons commencer à chercher de nouveaux moyens et de nouvelles techniques pour résoudre nos problèmes d’éducation ». (Cooney, citée dans Berdik, 2020, p. 21).

Carnegie Foundation (vice président Lloyd Morrisett), la Ford Foundation, la Corporation for Public Broadcasting et le U.S. federal government fournissent un financement important (plus de 8 millions de dollars) pour une expérimentation de 2 ans.

Un point essentiel à souligner est l’association très étroite et constante avec la recherche [5], dans un modèle autour des différentes phases de planification, de production et d’évaluation : (1) élaboration d’un programme d’études pour les enfants de trois à cinq ans, (2) recherche formative pour façonner l’émission et (3) recherche sommative indépendante sur ce que les téléspectateurs ont appris.

Deux professeurs de Harvard ont été embauchés, Gerald Lesser pour la conception des objectifs éducatifs de l’émission et Edward Palmer, pour les recherches formatives et le lien avec les producteurs. Trois concepts ont été validés (Rogers, 1972) :

  1. Les enfants apprennent leurs lettres et leurs chiffres de manière kinesthésique (en les traçant) à partir du mouvement dans les films d’animation.
  2. La méthode du spot publicitaire est efficace pour attirer l’attention des enfants de 4 ans.
  3. La répétition est efficace pour enseigner aux jeunes enfants.

L’influence behavioriste est forte et il s’agit de réguler au mieux les comportements. Palmer a développé, ce qu’il a nommé le distracteur, pour tester si l’émission captait l’attention des jeunes téléspectateurs. Deux enfants à la fois dans le laboratoire regardent un épisode sur un écran de télévision et un diaporama à côté. Les diapositives changent toutes les sept secondes ; les chercheurs enregistrent le moment où l’attention des enfants est détournée de l’épisode. Ils peuvent ainsi évaluer presque chaque seconde de l’émission. Si un épisode captait l’intérêt des enfants 80-90 % du temps, les producteurs le diffusaient. En revanche, s’il ne fonctionnait que 50 % du temps, ils changeaient (ou supprimaient) le contenu.

La première émission est diffusée le 10 novembre 1969 : des critiques élogieuses, une certaine controverse et des taux d’audience élevés [6]. Grâce à Internet, on peut accéder aux différents épisodes [7], ainsi qu’aux synopsis de ces épisodes [8], comme on accède à de très nombreux rapports d’évaluation et à un grand nombre de publications.

Comme le déclare Lesser, Sesame Street « était une ambitieuse expérimentation sociale ». Son premier objectif selon Palmer (1970) était de « déterminer si les techniques et les approches populaires et efficaces pour la télévision commerciale peuvent être adaptées avec succès pour l’enseignement. »

Les premières évaluations et controverses (1970-1971)

Les premières évaluations sont effectuées par l’Educational Testing Service (Ball et Bogatz, 1970). Les résultats sont très encourageants. Sesame Street a bénéficié aux enfants des quartiers pauvres des villes et des zones rurales isolées ainsi qu’aux enfants des banlieues de la classe moyenne. Ceux qui ont regardé le plus ont appris le plus, quels que soient leur âge, leur sexe, leur situation géographique, leur statut socio-économique, leur âge mental et leur lieu de visionnage. Les enfants de 3 ans ont le plus profité du programme. Les compétences les plus prises en compte dans l’émission ont été les mieux apprises. Enfin, du côté équité, les enfants défavorisés qui ont beaucoup regardé ont dépassé les enfants de la classe moyenne l‘ayant peu regardé.

La grande presse n’est pas en reste et John Culhane signe un papier dans le New York Times en mai 1970 avec un intertitre choc : « Saint Vocabulaire ! Une émission éducative qui a du succès ! » [9]] Selon lui, l’utilisation délibérée des techniques de la télévision commerciale s’est montrée convaincante. Toutefois, des réserves se font jour. Ainsi, il rapporte les propos d’un enseignant de première année d’un quartier de Detroit qui déclare que l’ambition de Sesame Street semble irréalisable pour les enfants défavorisés du ghetto.

« Ils n’ont aucune motivation pour la regarder, surtout à la maison. Alors que les mères noires et blanches de la classe moyenne encouragent leurs enfants à la regarder, la mère de la classe inférieure n’est pas là pour l’encourager. Nous avons essayé de regarder le film dans notre classe, mais les enfants n’ont pas été intéressés. Ils ont apprécié les numéros parce qu’ils étaient si rapides, mais ils ne voulaient pas regarder le reste. »

Il discute deux grandes questions : l’apport des techniques télévisuelles à l’éducation et le rôle éducatif de Sesame Street vis-à-vis de l’école : un complément ou un substitut ?

C’est certainement adapté pour la mémorisation « des nombres et des lettres sans tenir compte de leur signification ou de leur utilisation... sans tenir compte des différences entre les enfants… », selon Garfunkel de l’université de Boston, qui ajoute que « 30 secondes d’une chose, puis […] 30 secondes d’une autre, c’est nourrir un manque de pertinence et renforcer un type de processus intellectuel qui ne peut jamais s’engager dans une pensée soutenue et développée ». De même, pour Carl Bereiter (université de Toronto), Sesame Street est trop éloigné de l’enseignement « structuré », une émission « entièrement basée sur l’attrait du public et n’enseigne pas vraiment quelque chose en particulier ».

Les responsables de l’émission défendent l’idée de complément : « La télévision est un très mauvais substitut à un développement préscolaire complet. Toutes les choses affectives et certaines choses cognitives sont mieux faites par un enseignant. » (Cooney) ; nous fournissons une petite partie de ce qui doit devenir à terme une gamme complète de possibilités éducatives pour tous les enfants (Lesser).

Si l’enfant de la classe moyenne apprend les choses que la télévision peut enseigner de toute façon, dans un environnement riche en livres et en disques, et en conversations avec les parents, l’enfant du ghetto a besoin de beaucoup plus que d’un simple apprentissage cognitif. Peut-être que le plus important n’est pas dans l’acquisition de compétences cognitives et qu’un apport essentiel de Sesame Street est de faire ce que de nombreux enseignants ne peuvent pas faire en raison des circonstances : montrer des noirs et des blancs vivant en harmonie.

Ainsi, il s’agit indubitablement d’un succès, mais qui pose de nombreuses questions.

A la suite de la deuxième série d’émissions, on remarque un article de John Holt dans The Atlantic, qui soulève une autre question, reprenant une critique sur le comportement jugé trop passif des enfants. Selon lui, Sesame Street semble construite sur l’idée que son travail est de préparer les enfants à l’école. Elle pourrait se donner un autre objectif, celui de les « aider à apprendre ce que les écoles ne leur enseigneront peut-être jamais » et faire en sorte qu’ils soient capables d’apprendre du monde et des gens qui les entourent. Il critique également les kits pédagogiques, selon lui mal conçus. Par ailleurs, LeShan (1972) critique le fait d’enseigner trop tôt les choses qu’un enfant apprendra quand il sera prêt, en opposant une vision qualifiée de comportementaliste, enseigner en collant des choses de l’extérieur, à une vision dite humaniste, visant à chercher ce qui est déjà à l’intérieur et l’aider à émerger.

La notion de syndrome Sesame Street apparaît. Palmer (1971) insiste sur le côté ludique. Pour les enfants d’âge préscolaire, la plupart des situations d’apprentissage contiennent cet élément de plaisir, et l’émission fournit un enseignement dans un contexte agréable, non menaçant et non punitif, qui ouvre la voie à de futurs programmes d’enseignement pour les enfants. Michaelson (1972) discute des attitudes des étudiants qui sont habitués à apprendre en tant que divertissement, et des implications pour l’enseignement.

Enfin, Janet Rogers (1972) publie une première synthèse des évaluations et débats. Elle reprend certaines critiques précédentes, notamment d’avoir institué le rôle de sédentaire passif de l’apprenant. Faire participer les enfants serait la tâche la plus difficile. Mais les jeunes enfants imitent librement les actions physiques qu’ils observent à l’écran, ce qui accroît leur participation. Elle salue une grande réussite : son influence sur la télévision commerciale. Les trois chaînes de télévision ont créé de nouveaux départements de programmation pour enfants sous la direction de cadres supérieurs. De même, elle met en évidence un impact important sur les parents, plus attentifs aux types de programmes qui sont présentés aux jeunes enfants.

Premières thèses et nouvelles évaluations (1972-1974)

L’Educational Testing Service (ETS) poursuit ses évaluations (Bogatz et Ball, 1971 ; Ball et Bogatz, 1972), confirmant les résultats obtenus la première année : gains significatifs dans les compétences de base, aussi dans les domaines dits supérieurs de l’activité cognitive, pour les garçons et les filles, bonne préparation et bonne adaptation à l’école pour ceux qui ont suivi. Mais ils tiennent compte également des critiques formulées et affirment que de nombreux tests actuellement utilisés chez les jeunes enfants ne sont pas adéquats et que les personnes défavorisées ont eu tendance à ne pas regarder autant que les autres. Ce point va susciter beaucoup de discussions.

De premières thèses sont soutenues sur Sesame Street. D’abord Judith Minton soutient sa thèse en 1972 et publie un article en 1975. Selon elle, alors que l’on pensait que la télévision pouvait réduire le fossé éducatif séparant les enfants favorisés et défavorisés avant qu’ils n’entrent en première année, elle conclut que, bien que l’écart entre les sexes semble se réduire, il semble se creuser entre les classes sociales. Une conclusion à l’opposé des résultats fournis par les chercheurs de l’Educational Testing Service.

Loretta Long, une des actrices de Sesame Street, soutient une thèse en 1973. Elle examine le programme télévisé comme un modèle pour éduquer les enfants plus tôt avec une technologie moderne, et pour combattre le racisme éducatif qui détruit les enfants noirs et des minorités et à représenter le monde multiethnique et multiculturel dans lequel grandissent les enfants de la majorité et des minorités. Selon elle, Sesame Street a intégré un « programme caché », axé sur l’apprentissage affectif, afin de renforcer l’estime de soi des enfants noirs et des enfants des minorités. Cette perspective serait née des critiques de John Holt [10]], qui avait estimé que, lors de la première année, le programme avait tendance à utiliser les enfants comme « accessoires ». Avec la production de l’émission, elle dit avoir repensé toute leur attitude vis-à-vis de l’« enseignement » et tenter d’être un guide pour les enfants plutôt qu’une figure autoritaire avec toutes les réponses. Ainsi, chaque fois que cela serait possible, les enfants seraient à l’origine de l’action.

Selon cette perspective, le domaine cognitif ne serait plus au centre des missions d’éducation de Sesame Street.

Revoir les évaluations faites (1975)

Le livre de 1975 intitulé Sesame Street revisited (Cook et al., 1975) est un tournant dans l’analyse, même s’il reprend les critiques formulées dès l’origine. En effet, comme le souligne Howard Freeman dans son avant-propos, il s’agit d’« envisager Sesame Street du point de vue de son caractère de ’bien public’, plutôt que comme un programme novateur dont la valeur est incertaine ».

La question qui se pose est alors celle de l’effet de répartition de tout programme d’action sociale. Lorsque les programmes sont accessibles gratuitement à tous, qui en fait le plus grand usage ? S’ils sont librement disponibles et consommés de manière égale par les différents groupes sociaux, qui en bénéficie le plus ?

Cook et ses collègues mettent en œuvre une analyse secondaire des données recueillies depuis le début par l’ETS, en récupérant également d’autres données collectées par la production (CTW) et non utilisées par ETS, dont les évaluations ont été centrées sur l’apprentissage d’habiletés cognitives. Il s’agit de reprendre certaines des analyses menées, d’effectuer des analyses différentes pour répondre à certaines des questions de recherche initiales et d’explorer de nouvelles questions. Ils font d’ailleurs face à une difficulté : vouloir regarder les choses plus largement, sans avoir les données pour le faire.

L’un des points majeurs consiste à comparer les enfants qui sont encouragés à regarder et ceux qui ne le sont pas.

« le traitement expérimental était un encouragement à regarder Sesame Street. Les familles des enfants affectés à ce traitement ont donc été informées de la série, ont reçu divers matériels promotionnels (allant de brochures persuasives pour les parents à des macarons ’Sesame Street’ et autres souvenirs pour les enfants), et ont même reçu la visite hebdomadaire d’une demi-heure d’un membre du personnel formé par l’ETS pendant l’heure de diffusion du matin de ’Sesame Street’. ».

L’effet de l’encouragement s’est révélé très important, influençant les résultats des tests d’attitude et des tests de compétences cognitives, au-delà même du temps de visionnage des émissions. Le fait de regarder Sesame Street était corrélé au climat éducatif à la maison et au score du prétest des élèves. L’émission a été davantage regardée dans les foyers de statut socio-économique élevé.

Quatre conclusions sont données quant à la question des écarts entre les groupes :

  1. Aucune preuve que les écarts ont été réduits du fait de Sesame Street (contredisant les conclusions de ETS)
  2. Peu d’éléments indiquent des effets significatifs d’un visionnement d’une seule saison de l’émission, à part des gains de compétences sur les lettres
  3. Si la série peut avoir des effets sur les résultats académiques, c’est dans le sens d’un accroissement des écarts pas de leur réduction
  4. Il semble que ses écarts sont accrus dans les domaines cognitifs, ceux pour lesquels Sesame Street rencontre le plus de succès dans son enseignement.

Ces résultats conduisent à un dilemme pour les responsables des politiques éducatives. Quel est le bilan lorsqu’un grand nombre d’enfants acquièrent certaines compétences à un âge plus précoce si cette augmentation absolue des connaissances est associée à une augmentation de la différence entre les groupes sociaux ?

Les auteurs déclarent enfin n’avoir trouvé aucune donnée de qualité suffisante pour évaluer la question cruciale des effets à long terme de la fréquentation de Sesame Street sur l’apprentissage et le développement social (op. cit., p.25), laissant largement ouverte la question l’impact national de l’émission (qui, nous le verrons, a été reprise très récemment).

Bilans et internationalisation après 1975

A partir de 1975, on peut considérer que c’est la fin d’un cycle. Les évaluations lancées ont été financées dès le départ pour accompagner le programme. Après, Sesame Street devient un exemple, certes qui va conserver une grande importance, mais qui n’est plus au centre des débats. Si, pour son lancement, la série dépendait quasi totalement des subventions, ses sources de financement se sont diversifiées, provenant majoritairement des licences et de la distribution. [11]

Ce qui fait que c’est la production qui commande les évaluations : celles liées à son processus de développement afin de permettre les ajustements, soit des évaluations plus fondamentales, mais plus longues et difficiles à mener. Pour Cooney (1976), s’il s’agit toujours d’un « laboratoire conçu pour stimuler le développement éducatif des enfants d’âge préscolaire », on est passé d’une approche axée sur l’enseignement des compétences cognitives de base à une approche axée sur le comportement de l’enfant : apprendre aux téléspectateurs ce que sont les émotions et comment elles fonctionnent, comment leurs sentiments influencent leur comportement et comment ils travaillent en tant qu’individus au sein de la société.

De nouvelles études (Paulson, 1974 ; Coates et al., 1976) suggèrent d’ailleurs que Sesame Street peut augmenter les types de comportements positifs tels que le renforcement positif et la coopération.

De précieuses leçons sur la télévision, l’éducation et les jeunes enfants sont tirées (Cooney, 1976) : la télévision peut enseigner (TV can teach), la répétition est effectivement efficace, la télévision ne punit pas. Et la principale, pour Sesame Street, est qu’« elle utilise délibérément la télévision pour enseigner sans cacher ses intentions éducatives et pourtant elle attire un public nombreux et dévoué de jeunes enfants de toutes les régions du pays » (Lesser, 1974, p.234)

Ainsi, les programmes divertissants ne sont pas forcément stupides, ni les programmes éducatifs ennuyeux, un mélange des deux peut attirer un large public d’enfants. Les enseignants en viennent à considérer la télévision comme un complément potentiel à leur enseignement et non comme un concurrent pour attirer l’attention des enfants.

Une bibliographie est mise à jour (CTW, 1976) et, en juin 1976, un numéro spécial du Journal of Communication (Volume 26, Issue 2) est consacrée à Sesame Street à travers le monde. 40 pays ont une version en anglais et 19 pays en d’autres langues (8 langues différentes). La production déclare chercher à maintenir des standards élevés de qualité de production tout en favorisant une adaptation appropriée à la culture de chaque pays. Ce qui n’est pas sans poser problème : comment ne pas transmettre ses propres valeurs dans la programmation d’un autre pays ? Ainsi, en Amérique latine, il convient de projeter, à travers les personnages une image paternelle forte. « Les adultes doivent être montrés encourageant les enfants à poser des questions et à interagir librement et ouvertement. Tout sentiment d’enseignement formel devrait être remplacé par une approche plus détendue et axée sur l’enfant. » (Palmer et al., 1976).

Une douzaine de pays ont documenté les effets de Sesame Street sur leur public d’enfants avec différentes visées : attrait de l’émission (Grande-Bretagne, Japon), caractéristiques de l’audience (Allemagne, Israël, Mexique…), gains (Chili), observation de petits groupes (Jamaïque, Israël…), comparaisons entre ceux qui regardent (viewers) et ceux qui ne regardent pas (non viewers), les rôles sociaux et les relations avec les adultes.

Une étude de terrain unique, réalisée en Jamaïque, mérite d’être citée. La télévision, a été présentée pour la première fois aux enfants des régions montagneuses et non électrifiées. À l’aide d’un système de vidéocassettes mobiles, les chercheurs ont fait visionner des cassettes vidéo de Sesame Street à ces enfants, enregistrant simultanément leurs réactions sur bande vidéo, et ont ensuite analysé les bandes pour déterminer les schémas d’attention. L’étude a révélé que les effets spéciaux, l’animation et la musique caractérisaient fréquemment les séquences populaires.

Un article postérieur, daté de 1984 (Mayo et al., 1984), retraçant le transfert Sesame Street au Mexique et au Brésil (Plaza Sésamo et Vila Sésamo) donne un éclairage différent. Les programmes mexicains et brésiliens ont attiré un vaste public d’enfants et d’adultes dans toute l’Amérique latine, mais les coproductions ont cessé après seulement deux ou trois saisons. On ne discerne guère d’effet à long terme dans la télévision pour enfants d’Amérique latine. Selon les auteurs de l’article, le succès à court terme et l’échec à long terme s’expliquent par la nature des relations fournisseur-récepteur et par l’accent mis sur le transfert de produits plutôt que sur la modification et l’ajustement des processus.

Dans un rapport de 1981 [12]], Sesame Street est mis en exergue, les auteurs suggèrent au ministère de soutenir des projets à son image : un exemple de projet à long terme d’une taille et d’une portée suffisantes pour avoir un effet sur une génération d’enfants d’âge préscolaire et pour sensibiliser le public aux capacités éducatives de la télévision. Il rappelle que le Bureau de l’éducation soutient Sesame Street depuis 1968 et que le financement total, 1968-1981, s’élève à 48,3 millions de dollars [13]]. Le nombre de téléspectateurs par jour est de 15 millions pour Sesame Street

En 1990, la revue ETR&D (Educational Technology Research and Development) propose un numéro consacré à Sesame Street, entièrement rédigé par les chercheurs, les producteurs et les cadres de CTW (Children’s Television Workshop), documentant la politique continue d’intégrer la recherche dans le processus de conception et de production de matériel éducatif (Mielke, 1990).

Pour Vaeria Lovelace (1990), après 22 ans, Sesame Street continue à être une expérience télévisuelle conçue pour préparer les enfants d’âge préscolaire, en particulier les plus pauvres les enfants des centres-villes, pour l’école. Son succès vient du partenariat unique entre les producteurs et chercheurs. Trois mécanismes institutionnels sont jugés essentiels pour explorer de nouveaux sujets, en savoir plus sur les enfants et la façon dont ils réagissent : (1) des séminaires sur le curriculum scolaire ; (2) le Writers’ Notebook [14]] et (3) les tests approfondis pour les enfants. Une étude de cas illustre le travail conjoint (chercheurs, producteurs et auteurs) pour un programme d’études en géographie.

On peut remarquer qu’en 1990, la portée de CTW s’est considérablement élargie pour inclure d’autres médias (vidéo à domicile, imprimés, logiciels informatiques), d’autres environnements d’apprentissage (écoles, organisations communautaires, après l’école, garderies) et d’autres cultures nationales.

En 1991, Murphy pour l’Educational Testing Service, publie une revue de littérature, financée par CTW comme un élément pour la célébration du 20e anniversaire de Sesame Street. Cette étude s’est concentrée sur les études empiriques (16 sur plus de 100) ayant collecté des données sur des enfants individuels. Son résultat principal est de montrer un impact positif significatif sur les compétences de pré-lecture et de préparation à l’école des enfants aux États-Unis, en Australie, au Canada, en Israël et au Mexique, effet suffisamment important pour avoir été mis en évidence dans les études portant sur de très petits échantillons.

Années 1990 à 2000 : réexamen des apports de Sesame Street : lien avec Internet

« Aujourd’hui, Sesame Street est la série la plus documentée de l’histoire de la télévision. Plus de 1 000 études ont examiné Sesame Street et son pouvoir dans des domaines tels que l’alphabétisation, la maîtrise des chiffres et la promotion d’un comportement prosocial, ainsi que des études sur des questions telles que l’attention des enfants.
Cet ensemble de littérature a non seulement contribué à notre compréhension de l’interaction des enfants avec Sesame Street lui-même, mais constitue également une part importante de la littérature sur l’impact éducatif de la télévision en général. On peut dire sans risque que, sans Sesame Street, la littérature de recherche sur les enfants et la télévision serait très différente de ce qu’elle est aujourd’hui, tout comme la forme de la télévision éducative elle-même. » (Truglio & Fisch, Children’s Television Workshop, 2001).

Vers la fin des années 90 et le début des années 2000, apparaissent deux points de vue sur Sesame Street  : un exemple positif, quand il s’agit d’apprendre par la télévision, une référence négative, quand il s’agit d’apprendre à la maison avec de nouvelles technologies (Internet, portables…).

a) Sesame Street et la télévision éducative

D’abord, côté télévision, l’utilisation de techniques de production courantes dans la télévision de divertissement a fait craindre que les enfants ne parviennent pas à développer leur capacité à maintenir l’attention dans des situations éducatives formelles. Selon Healy (1990), la nature visuelle de la télévision domine l’attention des enfants ce qui rend peu probable l’acquisition de compétences langagières à partir du visionnement et la rapidité du programme ne laisserait pas un temps suffisant pour traiter l’information autrement que superficiellement (Singer, 1980). Cela conduit à prédire un impact négatif de Sesame Street et à reprendre l’idée que les bénéfices constatés pour les classes moyennes étaient dus à la médiation de parents (Cook et al., 1975).

De telles affirmations ont conduit la production de Sesame Street à relancer une évaluation approfondie. Des études longitudinales, menées sur des cohortes d’enfants sur plusieurs années, vont être pilotées par l’université du Kansas, évaluation à grande échelle des effets cognitifs de Sesame Street, un peu plus de 20 ans après les travaux d’ETS : d’abord le Early window project (Wright et al., 2001) puis ce que l’on a appelé The recontact study (Anderson et al., 2001).

Pour le premier projet, les auteurs rappellent qu’en 1989, il n’était plus possible de mettre en œuvre un cadre expérimental en affectant aléatoirement les enfants pour regarder ou ne pas regarder les émissions, puisque pratiquement tous les préscolaires américains étaient familiers de Sesame Street. L’utilisation de journaux de bord pouvait renseigner sur les durées de visionnement.

Trois objectifs principaux étaient poursuivis : (1) documenter les formes de visionnage de l’échantillon de familles à faible revenu selon l’âge, le genre et les caractéristiques familiales ; (2) enquêter sur les liens entre les durées de visionnement et le temps consacré à d’autres activités et (3) déterminer dans quelle mesure regarder Sesame Street fournissait une bonne préparation pour l’école.

Plus de 250 familles ont participé avec un enfant préscolaire de 1990 à 1993.

Les résultats obtenus vont en grande partie confirmer les études précédentes : regarder très tôt la télévision éducative pour enfants semble contribuer à leur préparation à l’école. Les enfants de milieux défavorisés apprennent autant que les enfants de milieux favorisés par heure d’écoute, mais ils ne regardent pas assez pour profiter au maximum du programme.

Wright et al. (2001), comparant leurs résultats avec les critiques de Cook et al. (1975), affirment que :

  1. Alors que selon Cook et al., les effets du visionnage se sont mélangés aux effets de l’encouragement parental, selon eux, l’acquisition des compétences prévues dans le programme ne nécessite pas la participation des parents, aussi souhaitable soit-elle, mais se fait à la suite du seul visionnage.
  2. De même, selon Cook et al., cela aide les enfants défavorisés, mais aide davantage les enfants favorisés conduisant à accroître plutôt qu’à réduire l’écart entre les enfants privilégiés et les enfants défavorisés, alors que selon eux, les enfants des milieux favorisés ne gagnent pas plus que les enfants des milieux défavorisés par heure de visionnement, mais ces derniers ne regardent pas assez pour profiter au maximum des avantages du programme

L’implication est claire. Il faudrait transmettre un certain « encouragement à regarder » lorsque on travaille avec les parents d’enfants défavorisés et, de même, sensibiliser les enseignants des écoles maternelles et les prestataires de soins à domicile.

The recontact study va adopter une approche différente. Elle a consisté à interroger des adolescents qui avaient participé à une étude précédente : celle que l’on vient de présenter, Early window project, dans le Kansas (Huston et al., 1990), une étude à Springfield, dans le Massachusetts (Anderson et al., 1985). Bien que ces études avaient été conçues différemment et n’avaient pas les mêmes objectifs, elles partageaient des méthodes similaires et des journaux de bord identiques tenus par les parents.

L’objectif était de déterminer les relations entre l’écoute de la télévision par les enfants d’âge préscolaire et les adolescents et ce que l’on pensait être influencé par la télévision. Les adolescents ont été interrogés par téléphone sur l’utilisation des médias, les résultats scolaires et la motivation, la participation à des activités extrascolaires, la créativité, l’agressivité, les comportements liés à la santé et la satisfaction par rapport à la taille, au poids et à l’apparence. La plupart des participants ont obtenu leur diplôme d’études secondaires (Anderson et al., 2001).

Vis-à-vis des critiques de Singer ou Healy, les résultats montrent que le fait de regarder des programmes informatifs pour enfants, en particulier Sesame Street, était associé à des niveaux de performance scolaire plus élevés en anglais, en mathématiques et en sciences. De plus, les adolescents ayant regardé des programmes éducatifs tels Sesame Street avaient beaucoup plus de chances de lire des livres qui n’étaient pas nécessaires à l’école que leurs pairs qui en avaient peu regardé avant d’entrer à l’école. Quand on compare avec d’autres programmes, les divertissements commerciaux et les dessins animés ont eu un effet négatif ; regarder quotidiennement Sesame Street n’a pas augmenté l’audience des enfants dans d’autres catégories de programmes de télévision, ni ne les a rendus moins susceptibles de participer à d’autres activités.

Enfin, même si la télévision est vue de plus en plus négativement, pour Hay (2003), Sesame Street se déroulait « au bon endroit au bon moment » et peut être vu comme une exception à la pléthore d’émissions pour enfants de faible qualité, violentes et commerciales que la presse écrite caractérisait avant ses débuts. Elle a reçu un soutien après ses débuts et a été modifiée ses 30 dernières années en réponse aux opinions exprimées sur les représentations du sexe, de la race et de la classe des personnages.

Notons enfin que le chapitre consacré aux recherches sur l’apprentissage via la télévision, dans le Handbook of Research on Educational Communications and Technology, contient 65 instances de l’expression “Sesame Street”, montrant son importance dans les recherches sur l’apprentissage via la télévision.

b) Internet, les ordinateurs et Sesame Street

Le déploiement d’Internet et l’usage à la maison de technologies potentiellement utiles pour l’éducation vont raviver les critiques des années soixante-dix.

Ainsi, dans un ouvrage de 1995, Clifford Stoll émet beaucoup de réserves, notant que les ordinateurs favorisent un glissement vers des contenus éducatifs triviaux, éphémères ou peut-être même répréhensibles [15].

« Je vois un parallèle entre les objectifs de ’Sesame Street’ et ceux de l’informatique pour enfants. Les deux sont omniprésents, coûteux et encouragent les enfants à rester assis. Tous deux affichent des dessins animés, des chiffres criards et des bruits bizarres et aléatoires. Tous deux encouragent l’acceptation passive d’un média qui les suivra toute leur vie. Tous deux donnent la sensation qu’en regardant simplement un écran, on peut acquérir des informations sans travail et sans discipline. Et les deux scandent le mantra magique : ’Voici la façon amusante et sans effort d’apprendre !

Je ne suis pas d’accord. Apprendre n’est pas facile. Souvent, ce n’est pas amusant. Il faut du travail et de la discipline. Des chiffres dansant et des grenouilles chanteuses ne peuvent pas enseigner l’arithmétique. Les programmes informatiques brillants ne peuvent pas apprendre aux enfants à traiter les autres comme ils le feraient pour eux-mêmes’. (Clifford Stoll, 1995, p. 147).

Cette critique est notamment citée par Oppenheimer (1997) dans un article de The Atlantic The Computer Delusion, moment de backlash (sorte de retour de flamme) s’agissait de l’intérêt des ordinateurs en éducation.

Attewell et Battle (1999), dans une étude consacrée aux relations entre ordinateur à la maison et performances scolaires, montrent que si tous les élèves obtiennent de meilleurs résultats (aux tests de mathématiques et de lecture), les enfants issus de foyers à haut statut socio-économique obtiennent des gains éducatifs plus importants, de même que les garçons. Les minorités ethniques obtiennent beaucoup moins d’amélioration des performances que les blancs. Pour les auteurs, l’informatique à domicile peut générer un autre ’effet Sesame Street’ : « une innovation très prometteuse pour les enfants pauvres, qui leur permet de rattraper les enfants plus riches sur le plan éducatif, accroît en pratique le fossé éducatif entre les riches et les pauvres, entre les garçons et les filles, et entre les minorités ethniques et les blancs, même parmi ceux qui ont accès à la technologie. »

De même, la notion de fracture numérique, va rappeler ce qui s’est passé pour Sesame Street : au-delà de la fracture de l’accès, il y a ensuite une seconde fracture, celle de l’usage. Ainsi, Holloway et Green (2003) constatent que de nombreux parents adoptent l’accès à Internet comme un moyen d’améliorer les connaissances informatiques de leurs enfants et leurs possibilités d’éducation. Néanmoins, peu de recherches ou de discussions ont porté spécifiquement sur la façon dont l’accès à l’internet à domicile peut amplifier la fracture numérique en termes de possibilités pour les enfants.

Et le syndrome Sesame Street réapparaît, pour « décrire les étudiants qui s’attendent à se divertir au fur et à mesure qu’ils apprennent. » (Adam, 2006).

Sesame Street revisité cinquante ans après ! Une étude de Levine et Kearney très saluée

« Seuls 40 % des enfants de 4 ans sont inscrits dans des programmes préscolaires financés par l’État, dont une bonne partie est considérée comme de mauvaise qualité. Cela contribue à une grande inégalité dans les résultats scolaires… Les experts tendent à s’accorder sur le fait qu’une éducation préscolaire de qualité peut avoir un impact significatif en particulier pour les enfants défavorisés, qui autrement n’auraient peut-être pas été exposés aux éléments mis en avant dans les établissements préscolaires de qualité, tels que le vocabulaire et une bonne nutrition.
Mais qu’en est-il si une partie de la solution a toujours été Sesame Street ? »
Alia Wong (2015) The Atlantic.

A l’approche du cinquantenaire de Sesame Street, une recherche menée par des économistes Melissa Kearney et Phillip Levine via une méthode statistique assez particulière a eu un grand retentissement. Ils publient en 2015, un document de travail du National Bureau of Economic Research intitulé Early Childhood Education by MOOC : Lessons from Sesame Street.

Leur problématique concerne l’impact à long terme de Sesame Street : les enfants d’âge préscolaire exposés à Sesame Street lors de son lancement en 1969 ont-ils connu par la suite une amélioration de leurs résultats scolaires et de leur situation sur le marché du travail ?

Pour y répondre, ils exploitent les variations géographiques de la réception des émissions. Ils les relient aux données du recensement sur la situation de l’âge, le niveau d’éducation et les résultats du marché du travail respectivement en 1980, 1990 et 2000. Ils en concluent que Sesame Street a amélioré la préparation à l’école, en particulier pour les garçons et les enfants vivant dans des zones économiquement défavorisées. En revanche, ils déclarent ne rien pouvoir conclure quant au niveau d’instruction final et aux résultats sur le marché du travail.

L’idée que Sesame Street ait pu être le premier MOOC et a eu des effets importants sur beaucoup d’enfants est reprise dans plusieurs médias en juin 2015 : Jim Tankersley dans le Washington Post [16], Tez Clark, Vox [17], Alia Wong The Atlantic. [18]

« La plupart des Américains nés depuis le milieu des années 60 ont un sketch préféré ’Sesame Street’. » Cela a eu un très gros impact. Levine et Kearney ont indiqué quelles villes avaient un niveau élevé ou faible d’accès à Sesame Street. Ils ont ensuite utilisé les données du recensement pour suivre les enfants de ces villes tout au long de leur scolarité, afin de voir s’ils restaient au même niveau. Ils n’ont pas pu étudier les personnes individuellement, ni même déterminer si des personnes de certaines régions regardaient l’émission. Mais ils ont constaté un effet important et statistiquement significatif sur les progrès scolaires des enfants qui, en raison de leur lieu de résidence, étaient beaucoup plus susceptibles de pouvoir regarder l’émission.

La recherche de Kearney et Levine a finalement été publiée en 2019 dans une revue d’économie.

Elle boucle la boucle, en quelque sorte, en donnant une sorte de point final en reprenant des données en lien avec la première saison de l’émission. Les réactions dans les journaux ne sont pas dénuées d’un certain romantisme, notamment de quadragénaires se souvenant de ce qu’ils ont regardé à la télévision avant leur entrée à l’école. Un tel impact est très difficile à mesurer.

Enfin, la diffusion internationale de Sesame Street est impressionnante. Signalons une méta-analyse (2013), étude commandée par Sesame Workshop, synthétisant les résultats de 24 études menées auprès de plus de 10 000 enfants dans 15 pays [19]]. Elle conclut à des effets positifs significatifs de l’exposition à Sesame Street (diffusé à des millions d’enfants dans le monde entier), au plan cognitif (littéracie et numéracie), sur l’apprentissage du monde, y compris en matière de santé et de sécurité ; sur le raisonnement social et les attitudes envers les groupes marginaux. Les effets significatifs selon les différentes méthodes sont observés dans les pays à faible et moyen revenu ainsi que dans les pays à revenu élevé.

Du côté de l’éducation multiculturelle, Moland (2015), dans une étude au Nigéria, pays dans lequel Sesame Street déploie pas mal d’efforts pour enseigner la tolérance entre les groupes, il semble qu’une telle entreprise est particulièrement difficile. Pour l’auteur, le sort de l’éducation multiculturelle dépend peut-être moins de sa pédagogie que des contextes sociopolitiques dans lesquels elle se déroule, peut-être est-ce un luxe réservé aux pays où il existe un certain niveau de cohésion entre les groupes.

L’Americain Journal of Play [20]a consacré son numéro d’automne 2019 (volume 12, issue 1) à Sesame Street et son intérêt constant sur l’apprentissage au travers du jeu.

Notons enfin le lien qui se construit avec l’intelligence artificielle et l’agent conversationnel Watson [21], vu comme un nouvel ami dans la série. Mais c’est aussi l’indication que le contexte en 2020 n’est plus le même qu’au début de l’émission. Alors qu’il n’y avait qu’un seul téléviseur dans les foyers et que les parents regardaient en même temps que l’enfant,

« Maintenant, cependant, il y a plus de ménages avec plusieurs téléviseurs et les parents ne regardent pas nécessairement avec l’enfant. En outre, une grande partie de leur contenu vidéo est proposée par le biais d’un appareil personnel tel qu’un smartphone. Les conditions de visionnage ont donc beaucoup changé et pas toujours au profit de l’enfant ». (Lloyd Morrisett, Revisiting the Potential Uses of Media in Children’s Education by Chris Berdik, February 28, 2020) [22].

Pour terminer ce tour d’horizon, on peut s’interroger sur le modèle sous-jacent, celui supporté par CTW puis Sesame Worksop, la structure sans but lucratif derrière Sesame Street. Selon Jensen et Lustyik (2017), son statut « à but non lucratif » était, et est toujours, meilleur que celui des sociétés à but lucratif pour défendre les intérêts des enfants.

Gloria Ladson-Billings, dans un article consacré à cinquante ans de politique compensatoire en éducation aux Etats-Unis, avoue qu’elle plaçait ses enfants devant la télévision chaque après-midi pour regarder Sesame Street dans ses premiers jours. Elle appréciait sa valeur éducative et sa manière innovante d’atteindre les enfants sans les traiter avec condescendance. Elle dit n’avoir pas pensé à Sesame Street comme à un programme d’éducation compensatoire. Elle soutient dans son article, « qu’en dépit de ses efforts les plus sérieux, les cinquante années de la loi sur l’enseignement primaire et secondaire (ESEA) n’ont pas contribué à réduire les disparités de réussite entre les élèves à faible revenu et leurs pairs de la classe moyenne. ». Elle conclut son article ainsi :

« Cependant, avec tous les merveilleux atouts que Sesame Street apportait aux jeunes enfants des communautés urbaines à faibles revenus, il n’y avait aucun moyen d’exclure les familles à revenus moyens et élevés de la possibilité de bénéficier et de développer ce que le programme offrait.

Par exemple, bien que les enfants de familles à faibles revenus puissent regarder une heure de Sesame Street chaque jour, les familles à revenus moyens et riches pouvaient améliorer cette heure de visionnage avec du matériel auxiliaire tel que des livres, des marionnettes parlantes (comme Tickle-me-Elmo), et plus tard des vidéos du programme.

Bien que Sesame Street puisse aider les étudiants à faible revenu à se préparer à l’école, il a également donné un coup de pouce aux élèves à revenu moyen et élevé, car leurs parents plus instruits étaient susceptibles de créer des extensions qui étendraient leurs compétences en lecture et en mathématiques au-delà de celles offertes par Sesame Street. » Ladson-Billings (2015).

Recherches et évaluation des TIC

Dans l’exemple de Sesame Street que l’on vient de détailler, le lien avec la recherche a été constant, à la fois dans la conception, dans l’accompagnement et dans l’évaluation. On peut y voir un exemple de design-based research, c’est-à-dire un processus d’amélioration continue associant pratique et recherche. D’ailleurs un spécialiste de la EdTech (technologie éducative), voit dans Sesame Street des leçons à tirer pour les innovateurs (Tom Kenyon, 2018) [23] : (1) Intégrer la recherche pédagogique et la pédagogie dans le processus de création ; (2) Faire participer le public selon ses propres modalités ; (3) Adopter la grammaire de votre média ; (4) Expérimenter et itérer pour maintenir l’attention et (5) Faire des tests d’efficacité.

La suite du texte discute la question de l’évaluation des bienfaits éducatifs des technologies éducatives autour de cinq thèses ou idées clés. La première est en apparence la plus simple, est–ce que l’on apprend quelque chose ? Est-ce que l’on apprend mieux que … ?

Idée 1 : On apprend grâce à (programme TV, logiciel, Mooc…)

Quelle que soit la technologie, la méthode… que l’on prône, la question qui est posée est celle de la preuve de son efficacité pour l’enseignement et l’apprentissage. Cela s’énonce simplement : est-ce qu’avec ceci (la technologie ou la méthode en question), on peut apprendre cela (quelque chose que l’on peut définir et mesurer), et surtout, comme on est le plus souvent dans une forme de comparaison, est-ce que l’on peut apprendre plus, mieux, plus rapidement qu’avec autre chose…

Mais cette simplicité d’énonciation cache une grande complexité s’agissant d’éducation et d’apprentissage.

Pour Sesame Street, apporter une possibilité de formation alors qu’il n’y en avait pas, donne des résultats positifs et non contestés. Mais qu’apprend-on ? des gestes simples ; à mémoriser des chiffres ou des lettres ; des choses facilement mesurables ?

La première chose est de vérifier que le temps passé n’a pas été inutile et que l’on a bien acquis quelque chose. Les méthodes traditionnelles, correspondant à la mesure d’un écart entre un prétest et un posttest, conduisent au respect de nombreux impératifs.

D’abord, choisir ou concevoir des tests et les échantillonner… Cela suppose de contrôler un échantillon, déterminer des variables dépendantes et indépendantes, etc. Ce que l’on a vu avec Sesame Street, c’est que selon les tests utilisés, on n’obtenait pas les mêmes résultats (thèse de Minton en 1972 ; critiques des tests par Ball et Bogatz, 1972) mais que l’on pouvait avoir appris d’autres choses (des comportements sociaux par exemple) toutes aussi importantes, voire même plus importantes : une meilleure estime de soi, une meilleure disposition pour les études, etc. En fait, on peut constater une grande diversité dans les « effets » que l’on peut chercher à mettre en évidence.

Il faut contrôler si on veut pouvoir mesurer et comparer : bien connaître les variables que l’on mesure et minimiser les effets éventuels de variables cachées. En gros, c’est l’expression : toutes choses étant égales par ailleurs, on peut affirmer que… Mais contrôler n’est pas neutre et a des effets. Ainsi, les populations suivies peuvent réussir mieux du fait de l’attention qui leur est portée au long de l’expérimentation (les encouragements dans Sesame Street).

A quel moment administrer les tests : juste après, quelque temps après… trouver d’autres modes de comparaison. Pour Sesame Street, les évaluations ont été faites d’abord après une série (Educational Testing Service) ; puis revues 3 ans après (Sesame Street revisited, Cook et al., 1975), puis en suivi longitudinal sur 3 ans (The Early Window Project), puis quelques années après (The recontact study), puis quasiment un demi-siècle plus tard (étude des économistes, Kearney et Levine, 2019).

Bien évidemment, la question suivante, si on a appris quelque chose, est-ce bien grâce à l’émission, la méthode, le logiciel, etc. utilisé ? Si le groupe contrôle ne fait rien et n’apprend rien, on peut raisonnablement penser que c’est ce qui a été fait qui a donné des fruits. L’un des critiques pour Sesame Street (LeShan, 1972) venait du fait que les enfants pourraient également apprendre un peu plus tard, de manière peut-être plus efficace et plus complexe (critique des présupposés comportementalistes).

Une autre question centrale apparaît : est-ce que tous apprennent ? L’ensemble des débats autour de Sesame Street illustrent bien cette interrogation et sa complexité. Quelles populations différencier (genre, CSP des parents, race, etc.) ? Cette question fait couler beaucoup d’encre, nous allons la reprendre un peu plus loin.

Chercher à mesurer l’efficacité des technologies est le plus souvent une mauvaise question. Elle est liée aux types de mesures effectuées, à la difficulté à isoler une variable explicative quand un effet est révélé, à tenir compte des phénomènes d’appropriation (élèves, enseignants), voire à la définition même des technologies (qui se transforment sans arrêt). Les mesures sont essentielles dans des perspectives d’ajustement et d’amélioration, mieux comprendre les difficultés, les points de blocage, les réussites, mais elles permettent peu de trancher. Cela aide également à connaître toutes les variables qui peuvent intervenir et à prendre en compte dans les projets éducatifs.

Douglas Engelbart (inventeur de la souris, des premiers hypertextes, avec l’idée forte d’augmenter notre intelligence collective [24]) proposait une alternative pour montrer les apports de la technologie. Il ajoutait un poids à un stylo et demandait à quelqu’un d’écrire avec ce dispositif, montrant alors toute la difficulté à accomplir cette tâche. Il suffisait alors d’enlever le poids pour pouvoir écrire de manière beaucoup plus aisée.

Pour terminer, dans cette interrogation « est-ce qu’on apprend avec… », plus elle est générale, moins elle est scientifique. Ou plus exactement, elle peut intervenir a posteriori mais cela donne des choses très générales et peu explicatives. [25]]

On trouve ainsi beaucoup d’articles prétendant comparer « numérique et papier ». Ce n’est en général pas le contenu des articles ou les expériences faites qui posent problème, mais la généralisation hâtive qui est en tirée : on observe un contexte très particulier, en opposant deux modalités, obtenant des résultats. Que l’on en tire des leçons locales, certes, mais que l’on en infère des résultats globaux, c’est le plus souvent hors de propos. Peut-on mesurer l’apport éducatif de l’électricité ? Quel sens aurait de faire un groupe contrôle n’utilisant l’électricité vis-à-vis d’un groupe test pouvant en bénéficier ?

La seconde idée a trait au temps passé et aux tâches effectivement réalisées.

Idée 2 : Plus on en fait (regarde, travaille, s’exerce, clique…) Plus on en sait (apprend, réussit, résout…)

Cette deuxième idée clé peut être vue comme une sorte de loi générale de l’éducation : plus on travaille, plus on apprend ou, plus exactement, plus on a de chances d’apprendre. Avec Sesame Street, plus on visionne le programme télévisé, plus on apprend. Le résultat est statistique : certains travaillent beaucoup et ne réussissent pas alors que d’autres travaillent peu et réussissent.

Un tel résultat peut apparaître simpliste, et plutôt décevant puisqu’il correspond au sens commun. Mais s’il est utile de le rappeler, c’est qu’il est périodiquement retrouvé, avec nos techniques contemporaines permettant de collecter et de traiter énormément de données.

Ainsi, dans un billet du blog EdTech Researcher (Reich, 2014) énonce ce qu’il nomme la loi de Reich : (1) Les étudiants qui font des choses font plus de choses ; (2) Les étudiants qui font des choses, font mieux que les étudiants qui n’en font pas.

Adapté aux Mooc, la loi s’énonce ainsi : « plus un étudiant clique, plus il a de chances de réussir » et comme le précise Reich : « Nous disposons de téraoctets de données sur ce que les élèves cliquent, mais peu de compréhension de ce qui change dans leur tête. »

Bien évidemment, ce qui manque demeure la compréhension fine des processus d’apprentissages qui ne peuvent se limiter à des données comportementales. Néanmoins, cette loi n’est pas vraiment universelle et, s’agissant des technologies, des limitations ont été repérées depuis longtemps. Ainsi, concernant la télévision, le discours s’est inversé et trop la regarder a vite été vu comme défavorable, voire néfaste, notamment s’agissant d’obésité ou de certaines formes d’addiction. Sur cette question, une recherche publiée à l’automne 1998 (Wenglinsky, 1998) [26] a fait couler beaucoup d’encre.

A partir de l’analyse des résultats des tests nationaux (NAEP) [27]]) en mathématiques pour 6227 élèves (niveau CM1) et 7146 élèves (classe de 4e), il a tiré plusieurs conclusions :

  1. les élèves de 4e qui utilisent l’ordinateur pour la résolution de problèmes réussissent mieux que ceux qui font avant tout de l’EAO (enseignement assisté par ordinateur, drill and practice)
  2. ceux qui passent plus de temps sur ordinateur réussissent moins bien que les autres
  3. ceux encadrés par des enseignants ayant bénéficié d’une formation TIC réussissent mieux.

Avant les années 2000, cette étude apportait un résultat important, montrant que les méthodes prônées depuis longtemps par les chercheurs semblent donner de bons résultats (résolution de problèmes, etc.). Un autre aspect essentiel est souligné est le fait que tout repose sur les enseignants et qu’en conséquence, il est important de bien les préparer. Enfin, dans le cas étudié, passer plus de temps sur ordinateur est néfaste et c’est la manière d’utiliser la technologie qui compte et non pas le temps passé. Ce qui conduit à la troisième idée clé.

Idée 3 : Ce n’est pas le temps passé qui importe mais la qualité de… (ce que l’on regarde, ce que l’on fait, sur quoi on travaille…)

On retrouve cette idée dans les études des années 90 sur la télévision, comparant Sesame Street et d’autres programmes de télévision destinés aux enfants, on obtient des résultats opposés quant au visionnement. Certains programmes ont des effets néfastes pour la scolarité des enfants. Aujourd’hui, personne ne pourrait penser que plus un enfant regarde la télévision, meilleurs seront ses résultats scolaires, ou plus un enfant utilise l’ordinateur ou Internet, meilleures seront ses notes à l’école.

Dans la recherche de Wenglinsky (1998), certains enfants passaient beaucoup de temps à jouer sur ordinateur plutôt qu’à travailler et c’est plutôt le cas des enfants des classes défavorisées, noirs et hispaniques, ce qui explique facilement le manque de résultat dans les tests en mathématiques.

Un tel résultat permet à nouveau de mettre en garde quant aux généralisations abusives : papier vs numérique, apport du numérique (en général), des simulations (lesquelles), des jeux sérieux (un jeu sérieux avec des caractéristiques dans un contexte…), et qu’il importe de vérifier la qualité des activités effectuées par les apprenants.

On a cité en introduction de ce chapitre, le rapport OCDE de septembre 2015, à partir des données de l’enquête Pisa 2012 : les élèves utilisant très fréquemment les ordinateurs à l’école obtiennent de bien moins bons résultats. Rien de très nouveau, si ce n’est de bénéficier d’une étude internationale, croisant de nombreux contextes nationaux différents et réaffirmant un résultat compatible avec les recherches en éducation. Pour Francesco Avvisati, « ce n’est pas la quantité d’utilisation qui compte mais la qualité éducative des usages » [28].

Le rapport de l’OCDE conseille ensuite aux différents pays d’adopter une approche différente pour exploiter les possibilités offertes par les nouvelles technologies à l’école et propose quelques principes généraux, que l’on peut commenter brièvement : [29]

  1. Les compétences de bases plus déterminantes que l’accès aux outils : la fracture d’accès cache souvent une seconde fracture, celle des usages et la qualité de ces usages dépend des compétences de base des utilisateurs
  2. Les technologies ne constituent pas un facteur de motivation des élèves, voire elles peuvent conduire à une dégradation du climat scolaire : on déclare souvent que les technologies nouvelles motivent les élèves, alors qu’il s’agit le plus souvent d’un simple effet de nouveauté qui disparaît dès qu’une utilisation devient régulière, obligeant sans cesse à renouveler les technologies à utiliser. Cela fait marcher le « commerce », pas forcément l’éducation !
  3. Compétences fondamentales requises dans les environnements numériques peuvent et doivent être enseignées : en effet, la simple utilisation des technologies ne garantit en rien une maîtrise suffisante, notamment pour des utilisations à finalité éducative. Un des rôles de l’école est certainement d’aider à construire une familiarité et une maitrise suffisantes des technologies pour qu’elles soient utilisables de manière « banale » dans les apprentissages.
  4. L’intérêt des outils numériques se révèle en fonction des objectifs éducatifs fixés.
  5. L’effet positif se voit quand les outils ont été introduits depuis plusieurs années et qu’ils sont maîtrisés par les enseignants.

La dernière affirmation insiste sur un effet de cumulation, de système, non sur des innovations sporadiques qui n’ont que des effets de surface sur les systèmes éducatifs.

Pour enchaîner, il apparaît clairement que la qualité des utilisations dépend de différentes conditions, et notamment de certaines caractéristiques des populations concernées. Cela conduit à différencier les populations face à l’utilisation des technologies.

Idée 4 : L’usage des technologies creuse l’écart entre les populations (défavorisées vs. CSP+)

Ce résultat a été abondamment discuté dans les évaluations successives de Sesame Street. On peut mettre dans le panel que ceux qui ont suivi le programme entier ou se demander quelle part de la population l’a regardé et si des débats contradictoires ont été menés, un résultat est resté stable tout au long des différentes études : les enfants des familles défavorisées ont moins regardé le programme que les autres.

C’est d’abord le cas pour des technologies qui sont utilisées à la maison davantage qu’à l’école : la télévision, Internet, les Mooc… En fait des technologies et des offres circulent dans la société, il faut en général payer les dispositifs techniques (le téléviseur, l’ordinateur ou la tablette et l’accès Internet) et des « programmes » gratuits sont alors offerts. La question est notamment de savoir qui va suivre ces programmes et quelle va être la qualité de ce suivi. On parle d’effet Matthieu, référence biblique, venant d’un passage de l’Évangile selon saint Matthieu, selon lequel « on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a ». Cet effet Matthieu désigne les mécanismes par lesquels les plus favorisés tendent à accroître leur avantage sur les autres. Cela correspond bien aux technologies [30]].

La reconnaissance de cet effet, quand on essaye de favoriser une certaine équité, conduit à la mise en place de politiques compensatoires.

Une thèse récente consacrée aux Mooc pose la question en ces termes : de l’égalité formelle aux usages réels : déterminants et effets du suivi des MOOC dans les trajectoires socio-professionnelles (Eléonore Vrillon, sept. 2018) [31]. La problématique traitée est explicitée comme suit : « Dans quelle mesure l’égalité formelle d’accès aux MOOC se traduit-elle par une égalité des chances pour les individus de les utiliser, d’y réussir et d’en tirer des bénéfices (objectifs et subjectifs) ? »

Pour répondre à cette question, Vrillon a mis en place des questionnaires au sein de 12 Mooc différents joués sur la plate-forme FUN (France Université Numérique [32]). Elle a analysé les 5709 réponses d’inscrits au sein de ces Mooc, a réinterrogés un an plus tard 1778 d’entre eux, et a effectué 32 entretiens.

Les résultats obtenus montrent que l’égalité formelle d’accès ne suffit pas à une appropriation par tous. Les usages restent principalement le fait d’individus détenant un capital humain élevé, bénéficiant d’une « insertion professionnelle assurée », coutumiers de la formation professionnelle et ayant d’intenses pratiques culturelles. Plus qu’une nouvelle voie d’accès à la formation, les MOOC semblent constituer un moyen supplémentaire, nécessitant des prérequis implicites.

Par ailleurs, s’agissant de la formation à distance, des études récentes confirment le même type de résultat.

Justin Reich [33]] rappelle l’idée qui prévalait dans la recherche sur les technologies, que celles-ci étaient plutôt une sorte de mécanisme de « livraison » (delivery mechanism) n’ayant pas d’impact direct sur les résultats dans les apprentissages, autrement dit pas de différence significative entre l’enseignement en face et face (présentiel) et l’enseignement à distance. Ce résultat simple était accepté et constituait une sorte de point de départ pour les décideurs politiques, les chercheurs et les administrateurs, un guide sur les limites du discours acceptable, du chercheur, etc. et un résultat simple et accessible pour les non-spécialistes. Il est ensuite apparu que l’enseignement dit hybride (blended) pouvait être légèrement meilleur.

Or, des recherches depuis une dizaine d’années, prenant en compte les questions de race, de statut économique et des résultats antérieurs montrent des inégalités claires tant dans l’accès que dans les usages :

  1. Accès : la majorité des apprenants de race et de milieu aisés sont plus susceptibles d’avoir la possibilité d’utiliser les outils numériques
  2. Usage : La majorité des apprenants de race et de milieu aisés sont plus susceptibles d’utiliser la technologie à des fins créatives (versus drill and practice), et avec plus de mentorat et de soutien d’adultes

Figure 1. améliorations et écarts entre population avec l’usage de technologies éducatives

Ainsi, on peut dire que le « ‘pas de différences significatives » vue comme une position canonique ou, comme le dit Reich, le fait stylisé d’une base de recherches, n’a pas tenu compte ni de la race, ni du statut socio-économique, ni des résultats antérieurs. Il convient de faire preuve d’une grande prudence lorsqu’on propose un apprentissage en ligne à des apprenants vulnérables parce que les résultats sont généralement pires que dans un contexte de face à face.

Remarque : le confinement face au coronavirus conduisant à la mise en place de la supposée « continuité pédagogique » par des enseignements à distance a spectaculairement mis en évidence ce que l’on vient d’expliquer. Si l’accès est a priori le même pour tous, ce sont les déjà favorisés qui peuvent les plus en bénéficier, les autres décrochant ou montrant des difficultés à suivre et les parents n’ont pas forcément la possibilité d’aider. Ce sont les associations qui ont tenté de mettre en œuvre des formes de politique compensatoire.

Par ailleurs, on peut noter encore la présence de Sesame Street, qui donne des conseils aux parents : Find rituals, be flexible, take a breath [34].

Cela conduit à la dernière idée clé, celle de médiation.

Idée 5 : La médiation (enseignants, famille…) joue un rôle majeur

Avec des technologies en société, l’apprentissage est individuel et ne se déroule pas en classe. Le rôle des parents et du milieu social devient central. S’agissant de Sesame Street, selon les études, les résultats montrent ou non des bénéfices différenciés selon l’aide ou non des parents. En tout cas, les encouragements, les discussions, les ouvertures vers une diversité d’usages sont des facteurs favorisant certainement les apprentissages.

Sesame Street était extérieur à l’école et la production de l’émission s’est positionnée comme fournissant une offre complémentaire à l’école et surtout pas un substitut à d’autres possibilités. Les enseignants sont responsables ensuite. Dans l’enseignement à distance, c’est le rôle central joué par les tuteurs et les accompagnateurs.

En ce qui concerne le rôle des enseignants, les recherches menées notamment dans le projet ACOT (Apple Classroom for Tomorrow), montraient, avec les technologies numériques, la nécessité pour les enseignants de changer leur approche (apprentissage par projets), de passer la la posture du « guide on the side instead of the sage on the stage” et l’adoption d’une vision constructiviste de l’apprentissage. Mais cela n’est pas simple à mettre en place et on peut se demander si une approche constructiviste ou socioconstructiviste est bien adaptée à tous les enfants ?

Perspectives

A l’issue de ce tour d’horizon, nous pouvons relever, d’un côté, la complexité des évaluations à mener en éducation et, de l’autre, l’intérêt des débats qui se sont tenus autour des évaluations de Sesame Street. Ils ont certainement permis à l’émission d’évoluer, en tenant compte, autant que possible, des critiques formulées à son encontre.

L’évaluation n’est ni un processus neutre ni un processus totalement externe qui n’a aucune influence sur ce qu’il est censé produire. A l’exception des évaluations post n’intégrant aucune interaction avec les personnes, comme celle menée par les économistes en 2015 sur Sesame Street, mais qui sont très peu explicatives, elles ne peuvent éviter, en quelque sorte, de se gauchir avec les protagonistes et leur contexte.

Les méthodes utilisées contraignent ce que l’on peut trouver. Selon Reich, notamment grâce aux technologies numériques qui permettent de traiter de grandes masses de données, les méthodes ont changé : une insistance plus forte sur des méthodes causales rigoureuses, du fait d’une puissance de collecte et de calcul suffisants, se déroulant dans des cadres plus authentiques non dans des « serres ». Alors que d’anciennes études s’avéraient parfois trop limitées pour permettre l’examen de sous-populations ; les nouvelles études examinent une variété de groupes vulnérables et au-delà d’études à court terme et comportant des mesures ad hoc ; on peut s’appuyer sur des résultats à long terme, comme les notes obtenues dans les cours et l’obtention d’un diplôme.

En tout cas, la société actuelle est demandeuse d’évaluations en éducation et il faudrait pouvoir montrer l’efficacité indubitable des choix opérés. Ce que l’on peut constater, ce sont les résultats insistants, montrant l’augmentation des inégalités avec le recours aux technologies, sans mise en œuvre de mesures complémentaires à leur utilisation. Viser l’émancipation grâce à la formation est un objectif sans conteste louable, mais très difficile à mener. Les technologies, sous une apparence d’ouverture, renforcent trop souvent les cloisonnements sociaux.

Références

Adams Dennis (2006). Wireless Laptops in the Classroom (and the Sesame Street Syndrome) Viewpoint September 2006/Vol. 49, No. 9 Communications of the ACM.

Anderson, D. R., Field, D. E., Collins, P. A., Lorch, E. P., & Nathan, J. G. (1985). Estimates of young children’s time with television : A methodological comparison of parent reports with time-lapse video home observation. Child Development, 56, 1345-1357.

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[5"Without research, there would be no Sesame Street“ (selon Cooney, 2001).

[9[“Holy Vocabulary ! An Educational Show That’s a Hit !”

[10[Article paru dans The Atlantic en mai 1971

[12[Report of the U.S. Department of Education Task Force on Learning and Electronic Technology

[13[Incluant un autre projet de CTW, The Electric Company.

[14[Document de référence pour les auteurs et les producteurs, alimenté par les séminaires et contenant des informations de base, des lignes directrices et des suggestions pour chaque objectif.

[19[Des rapports venant de Australie, Bangladesh, Canada, Egypte, Inde, Indonésie, Israël et Palestine, Kosovo, Mexique, Nigeria, Irlande du Nord, Afrique du Sud, Tanzanie, Turquie.

[25[On peut y voir une sorte de principe d’incertitude et un compromis entre la précision et la possibilité de généraliser : ce qui est très profondément étudié.

[27[Le NAEP (National Assessment of Educational Progress) est le programme d’évaluation des progrès dans le système éducatif américain, mené aux États-Unis par le centre américain des données statistiques en éducation (https://nces.ed.gov/nationsreportcard/).

[30[The Matthew Effect in Educational Technology : https://blogs.worldbank.org/edutech/matthew-effect-educational-technology . Georges-Louis Baron juge, avec raison, le rapprochement peu convaincant avec la parabole de Matthieu 25, 14-30, mais elle est reprise ici en raison de sa diffusion aux Etats-Unis.

[33[Conférence invitée à Odense, IARTEM conference.

[34[Sesame Street’s pandemic advice for parents : ’Find joy within the moment’ https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2020/apr/10/sesame-street-coronavirus-advice-parents-children?CMP=Share_iOSApp_Other


 

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