Pour citer cet article :
Guerda Rodriguez, Eva (2020). Les causes probables de non-réalisation d’un partiel dans le cadre d’un dispositif hybride lors de la « continuité pédagogique » du Covid19 : mise en lumière du curriculum caché. Le cas des étudiant·e·s de la Licence 1 de sociologie en anglais pour sciences sociales. Revue Adjectif, 2020 T2. Mis en ligne mardi 28 avril 2020 [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article532
Résumé :
Ce contexte d’éducation à distance dans le cadre du Covid19 connait une recrudescence d’enquêtes sur les conditions de connexion des étudiant·e·s. Nous rendons compte, ici, d’une expérience qui a eu lieu dans la promotion des étudiant·e·s de première année de la Licence de sociologie de l’Université de Paris, lesquel·le·s ont dû faire pour la première fois leur partiel en ligne. L’ensemble des étudiant·e·s travaillent en dispositif hybride mais les étudiant·e·s de première année sont les moins habitué·e·s de l’ensemble de la Licence à ce type de travail à distance. L’objectif est de mieux comprendre les raisons de la non-réalisation de ce partiel, ouvert sur une semaine de lundi à dimanche à 15 heures, et ce faisant, de mettre en valeur le curriculum caché.
Nous avons recours aux données de connexion et aux déclarations des étudiant·e·s dans le cadre de messages dont elles/ils ont eu l’initiative. Il y eu davantage d’étudiant·e·s ayant fait le partiel que d’étudiant·e·s ayant validé leur S1 (168/153). Le curriculum caché (Perrenoud 1993) concerne, ici, l’autonomie organisationnelle et l’autonomie informatique. Nos résultats indiquent que pour 7/8 des étudiant·e·s défaillant·e·s l’une des causes inclut la procrastination, soit une cause qui n’est pas directement liée à la conjoncture du confinement.
Mots clés :
TICE en anglais Lansad, enseignement hybride, partiel d’anglais en ligne ; curriculum caché, autonomie organisationnelle, fracture numérique à l’université.
Eva Guerda Rodríguez Laboratoire EDA [1]
Ce rapport concerne la passation d’un partiel en ligne en anglais en licence de sociologie à l’université de Paris. En dehors de ce contexte qui a nécessité le recours au distanciel pour la « continuité pédagogique » pendant Covid19, le contrat pédagogique inclut quatre modules d’entraînement en ligne et un test semestriel de compréhension (écrite ou orale), soit deux épreuves : cette modalité de cours combine le présentiel et le distanciel.
Dans notre dispositif, le présentiel est le mode dominant mais les étudiant·e·s sont habitué·e·s aux activités en ligne pour l’apprentissage de l’anglais qui leur doublent presque leurs heures de cours habituelles en présentiel : nous avons ainsi trente-six heures de cours sur l’année et vingt-six heures en ligne. Le travail personnel est encadré via les activités en ligne. Dans le contexte du Covid19, c’est le distanciel qui est devenu le mode dominant. Pour éviter de léser les étudiant·e·s, la date du partiel initialement prévue a été conservée par rapport à la semaine de partiels en présentiel. Mais elle a été différée de deux jours afin que nos étudiant·e·s aient une semaine pleine qui inclut le week-end.
Dans notre contexte d’apprentissage de l’anglais, les Tice présentent de nombreux avantages pratiques pour l’apprentissage des langues et pour l’évaluation formative. Elles permettent d’abord de ne pas laisser les apprenant·e·s livré·e·s à elles/eux-mêmes pour ce qui est du travail personnel, comme c’était le cas lorsque les cours n’avaient lieu qu’en présentiel : on propose des activités auto-correctives avec rétroactions qui incluent des rappels grammaticaux, des focus sur les tournures et des extraits d’enregistrement audio. Les activités non-tutorées permettent de réviser des bases de grammaire et de travailler le lexique selon un système d’alternance fonctionnelle (Nissen 2015) : les activités de réception (compréhension orale et écrite) se font à distance ; les activités de production (écrite et orale) se font en présentiel. Par ailleurs, les Tice contribuent à une évaluation au potentiel davantage formatif qui prend mieux en compte les besoins spécifiques de chaque apprenant·e en fonction de son niveau et non plus du niveau attendu : dans le cas des tests sur la compréhension orale qui se font en ligne une fois par semestre, ce sont les apprenant·e·s et non leurs examinateur·e·s qui contrôlent le lecteur audio, et donc ce sont les étudiant·e·s qui contrôlent leur écoute.
L’objectif de cette étude est de mieux comprendre les motifs qui ont causé la non-réalisation du partiel pour les huit cas d’étudiant·e·s qui se sont manifesté·e·s soit après coup ou au préalable et pour qui la validation de la première année (désormais L1) est un objectif. En étudiant ces facteurs, nous comptons mettre en lumière un curriculum caché et analyser les prérequis nécessaires au bon déroulement des partiels en ligne, dans le cas de notre dispositif. Nous nommerons désormais ces derniers les « étudiant·e·s défaillant·e·s ».
La notion centrale de cette étude est celle du curriculum caché défini par Perrenoud comme « la part des apprentissages qui n’apparaît pas programmée par l’institution scolaire, du moins pas explicitement » (Perrenoud 1993). Deux formes d’autonomie apparaissent comme un prérequis celle qui relèverait du domaine technique et organisationnel, c’est-à-dire que les étudiant·e·s doivent organiser et gérer leur temps afin de rendre les activités dans les dates butoirs imparties (Nissen 2012).
La population de cette étude concerne les huit étudiant·e·s défaillant·e·s qui se sont manifesté·e·s par l’envoi de messages à leur initiative à leur enseignante. L’objectif de ces messages était de justifier leur défaillance et de demander la réouverture du partiel afin de leur permettre de le faire. L’intérêt d’étudier les messages envoyés par les étudiant·e·s est de mettre au jour les pré-requis nécessaires pour mener à bien cette tâche. Cela révèle le curriculum caché dans cette épreuve à distance, c’est-à-dire des savoir-faire dont nous n’avions pas conscience en tant qu’enseignante lors des cours en présentiel avec activités en ligne.
Nous avons fait passer un questionnaire sur les conditions d’équipement informatique au moment de la réalisation du partiel que nous prenons en compte, ici, pour situer les justifications des défaillant·e·s. La question s n’était donc pas d’ordre général mais portait sur l’instrument de la réalisation. Sur un total de cent cinquante-deux répondant·e·s cent quarante-sept ont réalisé le partiel et cinq ne l’ont pas fait. Il y a donc onze étudiant·e·s qui ont fait le partiel sans répondre au questionnaire.
Cette étude repose sur les deux types de données : un premier type de données est factuel, un autre est déclaratif. Les données factuelles sont celles issues de la connexion en ligne ; les données déclaratives sont constituées des messages des défaillant·e·s appelant à la réouverture du partiel en ligne. Les deux types de données sont confrontés afin de mieux comprendre les difficultés des apprenant·e·s, au-delà de leurs discours et au-delà de leurs perceptions.
Nous partons du principe que les étudiant·e·s sont bien les auteur·e·s des activités en ligne. Nous n’avons aucun moyen technologique de contrôler l’autorité des réalisations en ligne. Une limite supplémentaire doit être signalée par rapport aux données dont nous disposons : elles ne concernent, en outre, que ceux et celles qui se sont spontanément manifesté·e·s, ce qui signifie qu’il y a une part qui nous échappe. L’échantillon ne vise donc pas à la représentativité.
4.1. Généralités sur le taux de participation par rapport aux étudiant·e·s ayant validé le S1
La majorité des étudiant·e·s ont déclaré avoir disposé de wifi et d’un ordinateur personnel pour la réalisation du partiel.
Pour pouvoir réaliser les activités et le partiel en ligne, il faut disposer d’équipement informatique et d’une connexion à internet. Sur cent-quarante-deux répondants à la question de l’équipement, les 3/4 des étudiant·e·s ont déclaré avoir disposé de wifi et d’un ordinateur personnel (84%). 11% disent, certes, avoir un ordinateur familial à partager mais 4/146 étudiant·e·s déclarent avoir utilisé un téléphone pour unique outil, ce qui représente environ 3% de la promotion.
Plus d’individus ont réalisé le partiel que de personnes ayant validé le S1 de la Licence.
Cent soixante-huit étudiant·e·s ont fait le partiel sur cent-cinquante-trois à avoir validé le premier semestre de la Licence de sociologie, soit un taux de participation de 110% au partiel en ligne. En chiffres absolus, cela représente quinze de plus au partiel que d’individus ayant validé le premier semestre de la licence : ce résultat est donc encourageant par rapport aux résultats du partiel en présentiel.
4.2. Quid des huit étudiant·e·s défaillant·e·s qui se sont manifesté·e·s ?
Huit étudiant·e·s défaillant·e·s se sont manifesté·e·s et nous ont donné des raisons diverses pour demander la réouverture du partiel ou pour justifier leur défaillance. Parmi elles/eux, quatre ont répondu au questionnaire et ont indiqué ne pas avoir réalisé le partiel. Lorsque des problèmes précis sont évoqués, nous partons du principe que ces derniers sont porteurs d’un message. À ce titre, ils doivent être pris au sérieux au-delà de leur caractère anecdotique qui peut prêter à sourire : nous examinons ici les raisons qu’elles/ils mettent en avant et tentons de les expliquer.
L’ensemble de ces six étudiant·e·s ont fait les activités en ligne au S1 mais Rébecca n’a pas fait les activités en présentiel.
1/8 étudiante, Gina, écrit : {{}}“Les horaires du partiels ont changer 5 fois et je me suis juste perdue dans les mails et les devoirs que tout le monde avaient”. Rappelons que nous avons fait l’effort de ne pas changer les dates et horaires du partiel par rapport aux partiels en présentiel et que pour ce faire, nous avons ajourné la date du test de compréhension semestriel.
Après ce tour d’horizon d’ensemble, voyons à présent les hypothèses susceptibles d’expliquer cet état des choses. Pour chacun des motifs apparents évoqués, nous tenterons d’identifier les pré-requis.
4.3. L’autonomie technique : savoir utiliser les outils informatiques
4.3.1. Savoir distinguer l’institutionnel et le personnel : l’adresse électronique
Deux problèmes techniques peuvent entraver le bon déroulement de la formation avec les plateformes numériques : la première concerne la réception de tous les messages, la seconde concerne leur envoi.
4.3.2. Savoir relier son adresse courriel personnelle à l’adresse institutionnelle : recevoir les messages
La malaisance avec les nombreux dispositifs en ligne semble longue à désapprendre : il s’agit de l’autonomie informatique relevée par Nissen (2012).
Sous l’hypothèse que les étudiant·e·s consultent plus régulièrement leur boîte courriel personnelle que celle de leur université, les auteurs/autrices de ce type de messages n’ont pas relié leur boîte courriel institutionnelle à leur boîte mail personnelle, ce qui explique qu’ils/elles n’aient pas reçu les messages envoyés depuis le forum. Or une fois la boîte de messagerie institutionnelle reliée à la boîte courriel personnelle, les messages parviennent aux destinataires pendant toute la durée de leur scolarité universitaire. L’absence de cette bonne pratique est donc néfaste ; or ce problème de transmission des messages peut être facilement évité.
Lorsque Jérôme, qui a manqué le partiel initial, a écrit le dimanche soir à son enseignante, c’est l’ingénieure pédagogique à qui le message a été transféré qui lui a répondu en lui en expliquant le principe de l’ENT et de la boîte courriel institutionnelle qu’il s’agissait de relier. Mais deux semaines plus tard, Jérôme renvoie un second courriel à l’ingénieure pédagogique qui indique qu’il n’a pas mis en pratique les conseils précis qui lui ont été donnés : consulter sa messagerie institutionnelle et/ou relier celle-ci à sa boîte courriel personnelle. Il pose en effet une question à laquelle la réponse a déjà été donnée et qui a dû lui parvenir dans son adresse courriel institutionnelle.
4.3.3. Savoir utiliser le bon outil d’envoi de messages : le piège du NEPASRÉPONDRE
Dans sa réponse au questionnaire, Rébecca explique avoir envoyé un courriel mais on ne sait pas à qui elle l’a envoyé.
« Bonjour, Je n’ai pas pu faire mon partiel , j’ai envoyé un mail avec demande d’accusée de réception en vain je n’ai pas reçu de réponse.[...] ».
Si ce qui est dit est vrai, alors il est sans doute probable que Rébecca ait répondu à l’un des messages de l’ingénieure pédagogique directement depuis le message reçu dans sa boîte mail institutionnelle via le forum. Or cette démarche ne peut pas fonctionner puisqu’il s’agit d’une adresse NEPASRÉPONDRE. Ainsi, dans les premiers mois d’envois de messages depuis le forum, il était indiqué dans chaque message que la réponse à ce message précis ne parviendrait pas à la destinataire et il était spécifié au sein de chaque message l’adresse courriel institutionnelle de l’ingénieure pédagogique.
4.3.3. Savoir se repérer dans les ENT : la confusion entre l’Environnement Numérique de Travail (ENT) de l’université Descartes et la plateforme des activités en ligne du Pôle d’Élaboration de Ressources Linguistiques (PERL)
Depuis le début de l’année académique Aminata et Céline, qui n’ont encore jamais fait les activités d’entraînement en ligne, ont écrit “en urgence” le vendredi ou le samedi soir. Elles sont toutes deux persuadées de ne pas avoir de compte en ligne. Or il s’avère à la lecture de leur message qu’elles n’ont pas suivi la procédure indiquée pour se connecter et confondent leur identifiant ENT avec leur numéro matricule qui est requis pour entrer dans la plateforme des activités en ligne. Aminata a écrit via la messagerie de la plateforme en ligne et a obtenu une réponse. L’échange reproduit ci-dessous montre qu’elle pense avoir écrit à son enseignante des cours en présentiel : « je l’ai signalé à vous directement en cour ». Elle s’est donc adressée par « hasard » à la personne en mesure de l’orienter en se situant sur la bonne plateforme.
Quant à Céline, elle a fait les choses différemment : elle s’est adressée, d’une part à son enseignante et non pas à l’ingénieure pédagogique, et d’autre part elle l’a fait une journée après Aminata, le samedi soir passées 19 heures. On constate ici que l’étudiante qui s’adresse à la mauvaise interlocutrice et qui confond les ENT – celle de l’université et celle de la réalisation des activités en ligne - n’a pas réalisé le partiel alors que celle qui a posté son message sur la plateforme adéquate a pu résoudre le problème et débloquer sa situation, même si elle ignorait à la fois qui elle s’adressait et qu’elle s’adressait à la personne en mesure de l’orienter.
4.3.4. Savoir distinguer le présentiel et le distanciel : la confusion des rôles du présentiel et en ligne, l’exemple de l’enseignante et de l’ingénieure pédagogique
On peut constater que tous les messages envoyés excepté celui d’Aminata sont envoyés à l’adresse courriel de l’enseignante des cours en présentiel. Cela indique une confusion des rôles dans ce format qui combine les cours en présentiel et à distance. Les étudiant·e·s s’adressent à une personne avec qui elles/ils ont coutume d’interagir directement en personne, au lieu d’interagir avec celle qui leur envoie les messages quant aux activités concernant la plateforme. Le concept de l’espace virtuel semble donc confus.
Aminata pensait manifestement s’adresser à son enseignante des cours en présentiel malgré le fait que les messages envoyés par l’ingénieure pédagogique depuis le forum et qui parviennent aux étudiant·e·s dans leur messagerie sont signés du nom de cette dernière. Les premiers temps, celle-ci indiquait que c’était à elle qu’il fallait écrire en cas de problème sur la plateforme et son adresse courriel est indiquée dans la plateforme sur la page d’accueil.
4.4. Savoir s’organiser
4.4.1. Consulter sa messagerie universitaire
L’hypothèse de l’absence de consultation de la messagerie universitaire correspond à l’autonomie organisationnelle. Un étudiant, Jérôme, explique n’avoir reçu aucun message et indique aussi, dans un autre courriel n’avoir qu’ “une seule [adresse courriel]” , ce qui montre qu’il semble ignorer que l’université ne communique que via la messagerie institutionnelle disponible dans l’ENT :
Bonjour Madame, j’ai enfin réussi à me connecter à mon compte PERL, cependant, le test à été fermé à 15H alors qu’aucun messages ne présageait cet horaire. De plus, ma situation personnelle ne me permettait pas d’avoir accès à internet avant ce jour.
Ici, l’argument concernant le problème de connexion est avancé pour soutenir le fait de ne pas avoir été informé de l’horaire, qui a été rappelé à trois reprises sur le forum.
Une autre étudiante, Calista, indique qu’elle a été informée - sans préciser comment - de la date de fermeture du partiel mais elle déclare ignorer l’heure. La tournure passive donne à penser qu’il s’agirait de l’aide de pairs (par un post sur le groupe Facebook créé par les étudiant·e·s ? Aide de la part de camarades qui l’auraient prévenue spontanément ?... ) Dans son message, envoyé une heure après la fermeture du partiel, l’étudiante indique que sa connexion très faible sur son téléphone se renouvelle le lendemain. Il peut s’agir là d’une coïncidence malheureuse mais il semble que son débit aurait suffi à faire le partiel, s’il n’avait déjà été fermé. En outre, son message semble révéler également qu’elle n’a pas connaissance du contenu du partiel puisque le terme employé « rédiger » n’est pas approprié. Au-delà de l’anecdote, ces éléments indiquent qu’elle n’a pas consulté le message envoyé par l’ingénieure pédagogique qui spécifiait la forme du partiel, la date et l’heure, et cela explique qu’elle ait contacté son enseignante des cours en présentiel plutôt que l’ingénieure pédagogique.
J’ai été informé que la date limite du test était jusqu’au 29 inclus.
Or je viens d’essayer de me connecter pour rédiger le travail et il m’a été indiquer sur le site que l’heure de clôture était effective depuis 15.
Y a t’il une solution pour que je puisse le faire ?
Merci par avance,
Cordialement
Il semble ressortir de ce type de messages que les personnes dans cette situation, soit ne consultent pas leur boîte institutionnelle de l’ENT, soit oublient les contenus des messages. Elles sont donc fragilisées lorsque le présentiel est interrompu ainsi car elles/ils ne peuvent interagir directement avec l’enseignant·e et/ou avec les pairs, même si elles/ils peuvent utiliser les groupes qu’ils/elles ont créés (Facebook) et s’appuyer sur les camarades de promotion grâce au téléphone. Ce type d’étudiant·e·s sollicitent également par courriel leur enseignant·e des cours en présentiel pendant la période de confinement au lieu de solliciter la personne chargée de la plateforme, l’ingénieure pédagogique.
4.4.2. Savoir gérer les délais : la procrastination, une pratique majoritaire
L’observation des données de connexion montre que la procrastination est une pratique majoritaire dans la promotion observée : ainsi seulement soixante-dix personnes ont fait le partiel les quatre premiers jours de son ouverture et le reste l’a réalisé dans les quarante-huit dernières heures, ce, alors même que ces deux jours n’ont pas été annoncés officiellement par l’enseignante en présentiel qui a donné les dates correspondant à la semaine de cours. L’ingénieure pédagogique a fait trois relances.
On constate toutefois que Jérôme, Céline et Nabila ont tous les trois réagi entre deux heures et dix heures après la fermeture du partiel. Le message de Nabila a été envoyé à 01h04 du matin pour avertir de ses problèmes de connexion. L’expérience a montré que les étudiant·e·s ayant envoyé un message le samedi à l’ingénieure pédagogique ont reçu une réponse et ont rendu leur partiel - c’est le cas, par exemple, d’Aminata (cf. tableau 2).
4.5. L’ensemble des facteurs évoqués et la procrastination comme pratique cumulative
Nous avons indiqué que la majorité de la promotion a fait le partiel ouvert sur une semaine dans les quarante-huit dernières heures. Il s’avère que la procrastination n’est pas une pratique isolée mais une pratique cumulative qui se surajoute aux autres facteurs émis en hypothèse : les sujets qui ne sont pas à l’aise avec le distanciel, ne consultent pas l’ENT et procrastinent pour résoudre l’ensemble de ces problèmes sont également ceux qui n’ont pas réalisé le partiel en ligne.
Tableau 1 : vue d’ensemble des données collectées par rapport à l’équipement informatique et à la connexion internet pour les étudiant·e·s n’ayant pas fait le partiel s’étant manifestés
7 n’ont pas fait le partiel et ont écrit après la fermeture | 1 n’a pas fait le partiel et a prévenu au préalable de ses problèmes de connexion | |||
---|---|---|---|---|
primo-connexion à la plateforme | déclarent entre-autres des problèmes de connexion | déclare ne pas avoir d’ordinateur | perdu·e· dans les informations | |
Céline | Jérôme, Thibaut, Nabila, Aliyah*Yasmina* | Aliyah*Yasmina* | Gina | Mathilde |
* étudiantes qui déclarent cumuler deux handicaps : l’absence d’ordinateur et l’absence de connexion internet fiable
5.1. Le curriculum caché révèle que la réalisation d’activités en ligne fait appel à des compétences qui sont tenues pour acquises pour la génération des « natifs d’internet »
L’examen des raisons évoquées montre que les étudiant·e·s doivent naviguer en évitant bon nombre de pièges qui ne leur sont pas enseignés directement à l’université. À l’avenir, cela pourrait être résolu si les enseignantes d’anglais en présentiel en proposaient une formation spécifique, en présentiel, à leur arrivée à l’université ou des rappels récurrents pendant les cours.
5.2. Pour 7/8 personnes défaillantes, la procrastination semble faire partie des facteurs de défaillance
Pour les huit étudiant·e·s défaillant·e·s une des justifications qui apparaît quant à la date et l’heure d’envoi de leurs messages à leur enseignante en présentiel inclut la procrastination ; six déclarent avoir eu des problèmes matériels (pas d’ordinateur, pas de connexion). Une seule a prévenu au préalable. Il est donc possible que la principale raison de non-réalisation de ce test ouvert sur une semaine de lundi à dimanche soit l’oubli et/ou la procrastination. Pourtant aucun de ces termes n’a été utilisé. Il s’agirait donc dans ce cas d’un problème d’autonomie organisationnelle mis en exergue par le fait que les étudiant·e·s n’ont pas la possibilité de communiquer entre eux en présentiel comme c’est le cas habituellement. L’autre problème, qui concerne le matériel d’équipement nécessaire aux activités en ligne, est atténué en temps de non-confinement par la mise à disposition par l’université d’ordinateurs et d’une connexion internet ; mais on constate qu’une seule étudiante sur les trois dans ce type de situation n’est pas concernée par la procrastination et c’est celle qui a prévenu au préalable de son problème de réseau.
5.3. Une absence de corrélation entre la contrainte matérielle et la réalisation du partiel
Si l’on regarde les messages envoyés par rapport aux problèmes rencontrés par trois des étudiant·e·s qui ont fait le partiel, on constate que les problèmes évoqués sont semblables à ceux des autres ne l’ayant pas fait. Mais la différence réside dans le moment de la réalisation du partiel qui a ouvert le 23 mars à midi.
Tableau 2 : horaires de réalisation du partiel et problèmes évoqués par les étudiant·e·s ayant communiqué par courriel avec les enseignantes
{{}} | pas d’ordinateur | pas de wifi/ problème de connexion internet | primo connexion à la plateforme |
horaire | 23 mars 2020 18:51 | 27 mars 2020 14:58 | 28 mars 2020 17 : 06 |
étudiant·e·s | 1 étudiante a fait les 2 sujets sur son téléphone | 1 étudiante | 1 étudiante : Aminata |
On constate également une absence de corrélation entre la contrainte matérielle et la réalisation du partiel : ainsi, une étudiante a réalisé son partiel le premier jour, sur son téléphone intelligent, quatre heures après l’ouverture. Elle n’a pas fait un seul sujet mais les deux intégralement ; elle souhaite faire connaître à l’ingénieure pédagogique que c’est le premier sujet qu’elle souhaite comptabilisé dans sa moyenne et non le second. Ainsi, malgré le problème matériel qui semble avoir conduit l’étudiante à faire ce partiel qui requiert trois compositions sur son téléphone, elle a rendu non pas un, mais les deux sujets proposés.
Chaque année, il y a des étudiant·e·s qui ne font pas le test de compréhension semestriel en ligne, manifestement par oubli : nos chiffres sont semblables. Environ une dizaine d’étudiant·e·s ne font pas le test de compréhension une fois par semestre et elles/ils ne tentent pas de négocier a posteriori car notre contrat pédagogique a explicité qu’elles/ils étaient évalué·e·s sur leur capacité à s’organiser et non seulement sur leur travail pendant la tâche (cf. Guerda Rodríguez 2018). Ainsi, l’année passée, sur 335 inscrits, 165 avaient fait le test semestriel, soit 50%. Cette année sur 283 inscrits, 168 ont fait le partiel en ligne, soit 60%, ce qui fait dix points de pourcentage de plus.
Cette année, le nombre des étudiant·e·s à avoir réalisé le partiel est donc plus grand en termes absolus mais également proportionnellement par rapport aux années antérieures pour le test de compréhension semestriel. L’année antérieure, année d’implantation du dispositif hybride, ils étaient 155 à avoir effectué le test semestriel sur 355 inscrits soit 46% seulement. Comment expliquer cette différence en termes d’effectifs et de proportions à la faveur de la promotion de cette année ? Cela peut être dû à plusieurs facteurs : soit à l’échantillonnage, soit au fait qu’il se soit agi d’un partiel au coefficient 40% et non pas d’un et non pas d’un test semestriel au coefficient 15%, soit encore au fait que cette année, les partiels ont dû être effectués à distance en raison des grèves du premier semestre .
Nous nous garderons bien de conclure quoi que ce soit par rapport au travail en ligne dans son ensemble de cette analyse qui se limite à un partiel ; mais nous constatons que, dans le contexte du Covid19, les étudiant·e·s ont davantage réalisé les examens en ligne que les deux années précédentes.
Guerda Rodríguez, E. (2018). La Participation des étudiants aux activités en ligne dans le cadre d’une formation en présentiel amélioré. Le cas de l’apprentissage de l’anglais en licence de sciences humaines et sociales. Mémoire de master 2 en sciences de l’éducation sous la direction d’Éric Bruillard (non publié).
Nissen, E. (2012). ’Autonomie dans une formation hybride : qu’en dit l’apprenant ?’. Les Langues modernes, n° 3. pp. 18‑27. Disponible en ligne : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00785958
Nissen, E. (2015). ’Articuler le présentiel et le distanciel’. Récupéré sur MOOC plateforme FUN Enseigner et former avec le numérique en langues : https://www.fun-mooc.fr/c4x/ENSCachan/20006S02/asset/FH-3-transcription.pdf.
Perrenoud, P. (1993). Curriculum le formel, le réel, le caché. Disponible en ligne : http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1993/1993_21.html
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