Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Résultats de l’EDUsummIT2019 au service de l’innovation pour l’éducation formelle des jeunes

Pour citer cet article :

Laferrière, Thérèse ; Cox, Margaret et Baron, Georges-Louis (2020). Résultats de l’EDUsummIT2019 au service de l’innovation pour l’éducation formelle des jeunes. Revue Adjectif, 2020 T1. Mis en ligne vendredi 31 janvier 2020 [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article510

Résumé :

Le texte qui suit propose une synthèse des résultats de l’EDUsummIT2019 (Sommet international sur les technologies de l’information en éducation), activité qui a mobilisé quelque 150 participants de 38 pays au cours de 2019. Il s’articule autour des désalignements énoncés et des alignements (modèles) requis en vue de dépasser les tensions, voire les contradictions, qui existent actuellement dans l’utilisation de la technologie en éducation. Les tensions identifiées se produisent entre les pratiques sociales en amont du curriculum, entre le curriculum et les pratiques d’enseignement et d’apprentissage et entre ces dernières et les pratiques d’évaluation des apprentissages, le développement professionnel des enseignantes et des enseignants, et la recherche sur les usages des technologies et des ressources numériques en salle de classe.

Mots clés :

Politiques publiques, Recherche en éducation

Thérèse Laferrière, Université Laval, Québec, Canada

Margaret J. Cox, King’s College London, Royaume-Uni

Georges-Louis Baron, Université de Paris, France

Ce qu’est l’EDUsummIT

L’EDUsummIT est une activité qui se tient tous les deux ans et qui réunit, dans un effort de dialogue, de concertation et de renforcement de leurs connaissances respectives, des chercheurs ainsi que des décideurs politiques et des praticiens de terrain intéressés aux technologies de l’information (Information Technology, ou IT). EDUsummIT fut fondé en 2007 par les rédacteurs en chef et éditeurs de section de la première édition de l’International Handbook of Information Technology in Primary and Secondary Education coordonné par Joke Voogt et Gerald Knezek (2008) et dont la seconde édition est parue en 2018.

Depuis sa création, les participants de l’EDUsummIT préparent des documents de travail, se réunissent en un même lieu, effectuent, par la suite, différentes présentations lors de conférences internationales et rédigent plusieurs publications de types variés. La première rencontre a eu lieu à La Haye (2009) et les suivantes à Paris (2011), à Washington DC (2013), à Bangkok (2015), à Borovets (2017) et plus récemment, à Québec (2019).

L’EDUsummIT2019 : une focalisation sur les alignements et désalignements

L’Université Laval était l’hôte officiel de l’EDUsummIT 2019, le King’s College London du Royaume-Uni étant le second. La Commission canadienne pour l’UNESCO a patronné l’événement et son organisation a été confiée au Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES) ainsi qu’au réseau PÉRISCOPE (Plateforme Échange Recherche et Intervention sur la SCOlarité : Persévérance et réussitE).

Le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec a financé le volet francophone, et des publications associées, rédigées en français, sont disponibles sous ce lien. C’était d’ailleurs la première fois que l’événement, qui se tient en langue anglaise, comportait un volet francophone. Les deux coprésidentes du programme de l’EDUsummIT2019 étaient Margaret Cox et Thérèse Laferrière.

Le thème « Apprenants et contextes d’apprentissage : de nouveaux alignements pour l’ère numérique  » a été choisi par les organisateurs de l’EDUsummIT 2019.

La notion d’alignement est assez polysémique. On peut vouloir aligner des arbres, rechercher un alignement avec une norme, suivre une ligne générale en somme. On peut aussi penser à l’alignement constructif de Biggs (1996), qui consiste à aligner des résultats d’apprentissage (learning outcomes) avec un enseignement reposant sur des activités d’apprentissage et l’évaluation des apprentissages réalisés. C’est ce sens général qui a été choisi, proche de l’idée de cohérence entre les éléments d’un système ou d’un sous-système.

Les perspectives des différents participants se sont croisées lors des échanges intensifs qui se sont produits à l’intérieur et entre les groupes de travail (GT) afin d’effectuer des états de situation et de repérer les désalignements actuels, notamment ceux en lien avec ce thème général.

Chaque GT avait son sous-thème, choisi par le comité directeur international d’EDUsummIT2019 issu de l’examen des résultats des précédents EDUsummITs et de la seconde édition du manuel pré-cité. Chacun des GT était composé de 8 à 14 experts dont la plupart de renommée internationale et comprenait des chercheurs, des décideurs et des praticiens identifiés en raison de leur expertise et de leurs connaissances spécifiques dans les domaines qui avaient été sélectionnés pour leur pertinence. La liste ci-dessus donne la liste de ces groupes de travail.

  • GT1 : Développements technologiques : comment les interactions personne-machine se transforment avec l’innovation technologique ?
  • GT2 : Les apprenants, des « leaders d’apprentissage » : comment le leadership pour l’apprentissage émerge-t-il au-delà des modèles d’enseignement traditionnels ?
  • GT3 : Créativité pour les enseignants et l’enseignement.
  • GT4 : Le point sur l’apprentissage automatique : implications pour l’éducation.
  • GT5 : Utilisation sécuritaire et responsable d’Internet dans un monde connecté : enseigner la pensée critique et la responsabilité pour promouvoir le cyber bien-être.
  • GT6 : Replacer l’apprentissage dans l’analytique de l’apprentissage : optimiser l’apprentissage par l’analyse des données.
  • GT7 : L’apprentissage connecté : interaction humaine en ligne et interaction avec les ressources numériques.
  • GT8 : Raisonnement pédagogique et pratique réflexive : un référentiel pour l’enseignement à l’ère numérique.
  • GT9 : Développer les modèles conceptuels concernant l’intégration des technologies en éducation : implications pour les chercheurs, les praticiens et les décideurs politiques.
  • GT10 : Nouveaux paradigmes pour la recherche sur les technologies numériques : enjeux de pérennité et de passage à l’échelle de l’innovation.
  • GT11 : Alignements interculturels, enrichissement et différenciation : combler les lacunes grâce à̀ la technologie.
  • GT12 : Politiques nationales en matière de réforme curriculaire : qu’est-ce qui constitue un curriculum scolaire de qualité à l’ère numérique ?
  • GT13 : Coélaboration/création de connaissances en salle de classe et au-delà.

Cadre conceptuel

La troisième génération de la théorie de l’activité, mise en avant par Engeström (1999), suggère que lorsqu’une innovation se produit dans un milieu de travail donné, elle entraîne une certaine déstabilisation, engendrant des tensions et des contradictions (désalignements) au sein du système d’activité en place. C’est après que les acteurs concernés auront conçu en commun des modèles et les auront éprouvés afin de créer de nouveaux alignements qu’un système retrouvera une certaine stabilité et ainsi, pourra pérenniser l’innovation. C’est ce cadre conceptuel qui fut à l’origine du thème « Apprenants et contextes d’apprentissage : de nouveaux alignements pour l’ère numérique ».

Dans les systèmes d’éducation formelle, l’alignement entre les objectifs, les pratiques d’enseignement et d’apprentissage et l’évaluation des apprentissages est une nécessité. En proposant de nouvelles alternatives pour l’enseignement et l’apprentissage, les usages des technologies et des ressources numériques en classe primaire ou secondaire créent forcément des désalignements (Figure 1) qui devront être résolus pour que l’innovation puisse s’installer, perdurer, voire passer à l’échelle. Toutefois, lorsque l’objet central de l’activité d’un système n’est pas redéfini pour y intégrer l’objet de l’activité émergente, les tensions/contradictions qui produisent le désalignement ne conduiront vraisemblablement pas à de l’innovation durable qui prendra de l’expansion dans le système d’éducation concerné.

Nous avons invité les participants des groupes de travail thématiques à faire consensus autour de certains désalignements constatés, à formuler les nouveaux alignements requis et les actions à conduire.

Méthodologie

Nous avons extrait des rapports des groupes de travail, publiés sous la forme de Feuilles de route de l’EDUsummIT2019, les désalignements et les nouveaux alignements « émergents » énoncés. Nous avons regroupé plus de 90 % d’entre eux selon les catégories suivantes :

  1. Attentes sociales et politiques éducatives en amont de la définition des curricula ;
  2. Des objectifs aux pratiques d’enseignement et d’apprentissage ;
  3. Des pratiques d’enseignement et apprentissage à l’évaluation des apprentissages ;
  4. Développement professionnel des enseignants et pratiques d’enseignement et d’apprentissage ;
  5. Approches, méthodologies, résultats de recherche et pratiques d’enseignement et d’apprentissage

Les éléments extraits des résultats des échanges des groupes de travail thématiques étaient d’ordre général, explicatif ou évaluatif plutôt que descriptif mais certains étaient évidemment redondants, très complexes ou difficiles à saisir une fois sortis de leur contexte. De cette lecture transversale ont émergé des thèmes associés aux éléments du triptyque curriculum – pratiques d’enseignement et d’apprentissage – (conséquences pour l’) évaluation des apprentissages.

Résultats

Nous allons maintenant successivement présenter, pour chacun des principaux thèmes qui se sont dégagés, les constats et les modèles ayant fait l’objet d’un consensus. Il convient de garder à l’esprit que ces énoncés supposent des conditions similaires minimales qui ne sont actuellement pas remplies partout, y compris un accès facile et bon marché à un Internet rapide dans une situation de paix et de prospérité suffisantes.

Ce qui suit est une synthèse à plusieurs voix d’un évènement très riche qui fournit l’interprétation d’experts sur des positions nationales et mondiales actuelles partant de leurs nombreuses années d’expérience dans ce domaine. Cette interprétation est en plus appuyée sur les EDUsummITs précédents et les deux éditions du manuel déjà mentionné ci-dessus. Ce qui est développé ci-dessous est basé sur la première étape de l’analyse des résultats des groupes de travail qui, à la suite de leurs délibérations à EDUsummIT2019, seront développés plus avant dans des documents et des rapports qui s’appuieront sur des résultats de recherche plus récents encore et les politiques futures.

Attentes sociales et politiques éducatives en amont de la définition des curricula

Désalignements énoncés

Est-il encore besoin de souligner que les objectifs des décideurs politiques ne sont pas toujours alignés sur ceux des éducateurs ? Par exemple, ces derniers se concentrent sur les jeunes dans leur globalité alors que les décideurs politiques se concentrent davantage sur l’efficience et la rentabilité ou que le rôle de la technologie dans les systèmes éducatifs est déterminé par des forces extérieures (intérêts commerciaux, entités gouvernementales, intérêts politiques, propagande, etc.) plus que par une focalisation sur le mieux-être numérique de l’apprenant.

Une grande partie du discours populaire sur l’éducation du 21e siècle désigne la créativité comme une aptitude à la pensée critique, mais le système offre peu de soutien et de lignes directrices pour mettre en œuvre ces éléments de prise de risque créative et d’échecs productifs.

Par ailleurs, il existe une tension entre l’engouement suscité par les pratiques fondées sur les données (“data-informed practice”), et un manque de compréhension suffisante des enjeux relatifs aux biais possibles, à la confiance envers les données et l’éthique des données, ce qui entraîne des contrecoups dans le public ainsi qu’une aversion aux risques quant à leur utilisation.

Nous assistons également à la montée d’une nouvelle classe d’influenceurs sociaux, d’entrepreneurs et de leaders qui profitent de la puissance des réseaux et des médias sociaux et qui y interviennent énormément. Toutefois, cette intervention est souvent problématique, car quelles voix et quels points de vue ont désormais le plus d’influence auprès des politiques et même des enseignants en classe ? Enfin, aucun consensus n’existe relativement aux caractéristiques qui définissent les modèles conceptuels dans le domaine de l’intégration de la technologie en éducation (par exemple, par rapport aux théories, taxonomies et cadres).

Bien qu’en éducation l’accent soit de plus en plus mis sur la création de contenus (par exemple, le référentiel de compétences des TI pour les enseignants par l’UNESCO), des questions se posent quant à la manière dont elle devrait être abordée dans les politiques éducatives et mise en pratique dans les écoles. Les désalignements sont fréquents quand il s’agit de création de contenus et les nouvelles pédagogies et technologies adoptées peuvent conduire, à leur tour, à plus de désalignements.

Modèles proposés

L’exemple de certains pays comme la Finlande et le Sri Lanka, suggèrent qu’il est possible de tenter de sortir les politiques éducatives des courts cycles des élus politiques et ainsi de disposer d’un calendrier plus réaliste pour des consultations éclairées par la recherche et la rétroaction. Toute la question est bien entendu de savoir comment procéder.

On pourrait établir un cadre solide par l’intermédiaire d’une concertation constructive et permanente où toutes les parties concernées (élèves, parents, enseignants, décideurs politiques, entreprises, ONG et autres partenaires) peuvent se faire entendre dans le processus de réforme de sorte à réduire le déséquilibre des pouvoirs, ce qui inspirerait de la confiance, un sentiment d’appartenance et un engagement accru de tout un chacun.

Il conviendrait pour cela de concevoir la réforme du curriculum comme un processus itératif (par exemple, le nouveau processus de réforme du curriculum des Pays-Bas implique six périodes de consultation) éclairé par la recherche qui envisage et conçoit le curriculum en cocréation avec toutes les parties prenantes. La consultation devrait faire partie de chaque période d’une réforme des pratiques, c.-à-d. qu’une rétroaction et une explication des décisions prises devraient être fournies aux parties prenantes dans le cadre de chaque période (transparence).

Des objectifs aux pratiques d’enseignement et d’apprentissage

Désalignements énoncés

Les curriculums traditionnels incorporant les prescriptions se concentrent sur le contenu, mais la technologie numérique permet de mettre l’accent sur les processus. De fait, elle est souvent davantage utilisée pour améliorer l’apprentissage traditionnel que de tirer parti des possibilités qu’elle offre pour rendre l’apprentissage plus expérientiel pour tous les apprenants. L’accent est alors facilement mis sur l’établissement de limites et de règlements, plutôt que sur une approche fondée sur les forces qui englobe un développement équilibré des compétences vers l’empathie, la compassion, l’autorégulation, la conscience de soi, la sensibilisation de la communauté et les structures d’appui. Les technologies numériques génériques et les activités en classe sont souvent perçues par les chefs d’établissement et les enseignants comme des accessoires qui prennent du temps. Par conséquent, les utilisations appropriées des technologies sont laissées aux enseignants pionniers dévoués qui sont en minorité dans la plupart des écoles.

De plus, l’informatique est compartimentée et n’est pas intégrée dans l’enseignement et l’apprentissage tandis que les enseignants sont de plus en plus appelés à prendre des décisions en classe sur la base des données fournies par des logiciels développés par des sociétés commerciales tierces. Les algorithmes qui génèrent ces données ne sont pas transparents, ce qui pose des difficultés aux enseignants pour prendre des décisions efficaces.

Modèles proposés

De nouvelles formes d’organisation de l’enseignement et de l’apprentissage offrent des possibilités de prises de risques créatives. Elles sont différentes entre les différents niveaux d’enseignement.

Par exemple, dans de nombreux pays développés, des programmes sur mesure se composant d’une variété de cours dispensés en ligne sous diverses formes sont disponibles partout où existent des possibilités de connexion haut débit abordables. Les cours peuvent générer différentes opportunités d’apprentissage comprenant de nouvelles possibilités (p. ex. visites virtuelles de musées, bibliothèques, zoos et/ou interactions avec les médias sociaux). Pour certains pays, ces possibilités étaient limitées avant la disponibilité des technologies, tandis que d’autres ont fourni des programmes plus riches offrant de nombreuses possibilités au cours de ces mêmes décennies.

À l’école primaire des possibilités existent, reposant sur plus de quatre décennies de recherche et de résultats d’apprentissage. Par exemple le “Knowledge Building” offre une intégration holistique de la théorie, de la pédagogie et de la technologie pour acculturer les élèves à un authentique travail gnoséologique, avec de nouvelles méthodes d’évaluation et des pratiques épistémiques interdisciplinaires et soutenues par des réseaux d’innovation internationaux.

Dans l’enseignement de second degré, où les enseignements sont puissamment structurés par les disciplines existantes, une approche transdisciplinaire est possible à la marge dans le système actuel si elle est suscitée par les autorités pédagogiques. Elle exige des enseignants qu’ils adoptent de nouvelles méthodes de travail et des conceptions renouvelées de la pratique enseignante, lesquelles impliquent des comportements créatifs de prises de risques. Dans les années supérieures de l’enseignement secondaire, le programme est dominé par des programmes d’examens nationaux imposant de nouvelles restrictions aux possibilités pour les enseignants d’incorporer des innovations dans leur enseignement. L’intérêt récent pour la pensée entrepreneuriale, les préférences créatives, y compris celles du design, et le développement itératif sont également d’autres exemples.

Des pratiques d’enseignement et d’apprentissage à l’évaluation des apprentissages

Désalignements énoncés

De manière ironique, contrairement aux visions d’un l’apprentissage du 21e siècle mettant l’accent sur l’initiative et la découverte, de nombreux environnements éducatifs se concentrent sur des pratiques qui vont à l’encontre de la prise de risques créative et de l’échec productif (p. ex. tests à enjeux élevés et des approches de notation fondées sur les récompenses/pointages). Il y a concentration de l’évaluation sur des instantanés statiques des réalisations individuelles ; l’évaluation individuelle est désalignée avec la collaboration et la création. L’évaluation n’est pas conforme aux résultats escomptés.

Modèles proposés
Des méthodes d’évaluation formative sont en cours d’élaboration ou ont été développées plus largement pour des programmes d’études récents axés sur les processus dans les pays qui, jusqu’à présent, se concentraient uniquement sur les évaluations sommatives. L’évaluation formative fournit une rétroaction continue à l’apprenant en interaction avec l’enseignant pour permettre à l’enseignement de répondre à la progression de l’apprenant (Black et Wiliam, 1998). Cette évaluation collective transformatrice est soutenue par une technologie collaborative et offre de meilleures opportunités pour l’enseignant en classe.

L’enjeu est de repenser la finalité de l’évaluation et d’explorer les possibilités de nouvelles formes d’évaluation (p. ex. rétroaction intrinsèque à partir de matériel informatique ; IA / exploration de données / analyse de l’apprentissage ; portfolios ; microaccréditation / badges, etc.).

Développement professionnel des enseignants et pratiques d’enseignement et d’apprentissage

Désalignements énoncés

Un peu partout dans le monde, on constate une déconnexion entre les programmes actuels de formation des enseignants et les besoins de ces derniers pour utiliser la technologie numérique dans les salles de classe.

Nous disposons actuellement de modèles sur les connaissances des enseignants et sur leur prise de décision ; cependant, ces modèles sont actuellement partiels et déconnectés les uns des autres. Nous n’avons pas de modèle intégré tenant compte des attitudes, des croyances et des dispositions des enseignants ainsi que de leurs connaissances pour mieux comprendre leur processus décisionnel.

La prévalence accrue des logiciels d’analyse de l’apprentissage, souvent imposée par les dirigeants du système ou des écoles, menace d’automatiser de nombreuses décisions de classe et de [ramener] les enseignants à des gestionnaires plutôt qu’à des décideurs professionnels actifs.

Modèles proposés

L’amélioration du statut de l’enseignement en tant que profession est capitale dans la mesure où « la qualité d’un système éducatif ne peut dépasser celle de ses enseignants » (Barber et Mourshed, 2007). Dès lors, la valorisation et le renforcement de la profession sont fondamentaux pour attirer des personnes d’envergure qui s’engagent dans un développement professionnel continu. Cette mesure va de pair avec un système de soutien solide pour assurer un enseignement de qualité adapté à l’ère numérique.

Les expériences de collaboration en classe, les simulations numériques ou les scénarios textuels faisant appel à des équipes d’enseignants en exercice et d’étudiants en enseignement offrent des occasions d’enrichir son répertoire de décisions. Cela pourrait être l’occasion d’établir une base de données, tout en rendant explicites de nouvelles possibilités et processus pour les étudiants en formation initiale.

Pour que les enseignants utilisent au mieux les ressources informatiques, il est important que les développeurs de logiciels détaillent également les algorithmes de prise de décision en langage clair. Cela permettrait aux enseignants de comprendre la base des recommandations formulées par le logiciel et de prendre des décisions indépendantes quant à la pertinence de ces recommandations pour leur pratique en classe. Ce processus serait facilité si un code de conduite pour les développeurs, qu’ils soient commerciaux ou pédagogiques, était élaboré par des décideurs connaissant bien la profession enseignante.

Approches, méthodologies, résultats de recherche et pratiques d’enseignement et d’apprentissage

Désalignements énoncés

Un des problèmes identifiés par les groupes de travail EDUsummIT successifs a été est le manque d’alignement entre les politiques, la recherche et la pratique. De tels désalignements peuvent causer des problèmes lorsque les politiciens cherchent à légiférer sur des recherches par le biais desquelles ils demandent des résultats qui sont, de préférence, conformes à la doctrine du jour. Cela limite la recherche objective pour découvrir le véritable impact sur l’enseignement et l’apprentissage à la suite de leurs dernières initiatives technologiques axées sur les politiques. Les recherches menées sans associer les praticiens peuvent également conduire à des difficultés de prise en compte.

D’un autre côté, il est difficile de produire des extrants issus des approches en recherche qui soient signifiants et pertinents pour les décideurs. Dans de nombreux cas, la culture organisationnelle éducative ne réunit pas les conditions nécessaires pour appuyer la collaboration des chercheurs et des autres partenaires de la recherche participative dans de nouveaux paradigmes d’apprentissage et d’enseignement.

Par ailleurs, peu de lignes directrices permettent de trouver des modèles conceptuels adaptés aux différents objectifs, contextes et parties prenantes.

Modèles proposés

Les changements nécessaires pour remédier aux désalignements présentés ci-dessus, identifiés par les groupes de travail, sont fondés sur l’intégration systémique et holistique de la recherche, de la pratique, de la technologie et de l’action politique par le codéveloppement des connaissances. L’essentiel, encore une fois, est de savoir comment cela peut être réalisé dans des pays aux cultures, ressources et priorités différentes.

L’établissement d’un lien entre la science des données et les sciences de l’apprentissage nécessite une multidisciplinarité et des cadres améliorés tels que ceux que l’on trouve dans la recherche en sciences naturelles. Il est donc nécessaire de faire progresser la recherche pédagogique sur la base d’un modèle plus inclusif pour proposer les théories et les méthodes analytiques les plus efficaces.

Discussion et conclusions

Cette lecture transversale des désalignements énoncés par les différents groupes de travail met en évidence que le triptyque objectifs et prescriptions – pratiques d’enseignement et d’apprentissage – évaluation des apprentissages doit retrouver un nouvel alignement, que les attentes et les politiques sont fragmentées, que l’informatique est compartimentée et non intégrée dans l’enseignement et l’apprentissage.

Ces désalignements résultent de l’avancement des connaissances et des pratiques pédagogiques, des nouvelles attentes sociales et des politiques en place, de l’évolution des interactions personne-machine, du flou qui s’installe entre l’apprentissage formel et informel, des changements dans les modèles de leadership et de plusieurs influences émergeant de l’informatique. Formulé autrement, de tels changements nécessitent de nouveaux alignements entre les programmes traditionnels et innovants, entre les apprenants et les enseignants, entre l’apprentissage et l’évaluation, etc. Ils ont des implications à long terme pour les décideurs, les praticiens et les chercheurs.

Références

Barber, M., & Mourshed, M. (2007). How the world’s best-performing school systems come out on top. London : McKinsey and Company.

Biggs, J. (1996). Enhancing teaching through constructive alignment. Higher education, 32(3), 347–364.

Engeström, Y. (1999) Innovative learning in work teams : analysing cycles of knowledge creation in practice. In Y. Engeström et al (Eds.) Perspectives on Activity Theory (pp. 377-406). Cambridge, UK : Cambridge University Press.

Black, P. & Wiliam, D. (1998). Inside the Black Box : Raising Standards Through Classroom Assessment. Phi Delta Kappa, October, 1-13.

Laferrière, T. et Cox, M. J. (dir.) (2019). Feuilles de route de l’EDUsummIT2019. Récupéré de https://edusummit2019.fse.ulaval.ca/sites/edusummit2019.fse.ulaval.ca/files/edusummit2019_feuilles_de_route.pdf

Voogt, J, Knezek, G, Lai, Kwok-Wing, & Christensen, R. (Eds.) (2018). Second Handbook of Information Technology in Primary and Secondary Education. Springer International Handbooks of Education. New York : Springer. DOI https://doi.org/10.1007/978-3-319-71054-9_105

Liens

Nous référons les acteurs aux feuilles de route de l’EDUsummIT2019, lesquelles contiennent aussi les stratégies et actions suggérées par les groupes de travail thématiques, afin de retenir celles qui s’avéreront les plus prometteuses dans leurs propres contextes pour effectuer les alignements de manière à réussir l’éducation en recourant aux technologies et ressources numériques.

https://edusummit2019.fse.ulaval.ca/sites/edusummit2019.fse.ulaval.ca/files/edusummit2019_feuilles_de_route.pdf


 

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