Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

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Formation des enfants du primaire à la programmation informatique avec Scratch : Observation et analyse du développement des compétences sous-jacente à la pensée informatique

Pour citer cet article :

Apedjinou, Akouété et Kouawo, Candide Achille Ayayi (2019). Formation des enfants du primaire à la programmation informatique avec Scratch : Observation et analyse du développement des compétences sous-jacente à la pensée informatique. Revue Adjectif, 2019 T4. Mis en ligne jeudi 17 octobre 2019 [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article505

Résumé :

Pour ne pas faire de l’enfant togolais un simple consommateur de technologie, à cette époque où le numérique est omniprésent dans le quotidien, une formation est proposée aux élèves du primaire d’une école de Lomé sur Scratch. Conçu pour initier les enfants et les adolescents à la programmation, Scratch est un logiciel qui permet de développer chez l’enfant des compétences en programmation et d’acquérir les compétences sous-jacentes à la pensée informatique. Durant l’année scolaire 2017-2018, 177 enfants des classes de Cours Élémentaire Deuxième année (CE2) et du Cours Moyen Première année (CM1) ont suivi, dans la salle informatique de leur établissement, une heure de cours d’informatique sur Scratch par semaine.

L’objectif de cette recherche est de comprendre et de vérifier l’apport de la programmation dans leur capacité à raisonner, à coopérer et à créer des jeux. La question principale qui sous-tend notre recherche est liée à la manière dont les enfants s’approprient des concepts informatiques via l’utilisation du logiciel Scratch et comment ils utilisent ces connaissances acquises pour trouver une solution à une situation problème. Pour ce faire, des observations sont faites et des entretiens ont été réalisés avec les formateurs et les élèves.

L’analyse des entretiens de même que les productions et les évaluations des élèves ont permis de mettre en évidence une assimilation des contenus de programmation informatique, le développement d’une certaine capacité d’analyse, de cohérence et de logique. Ces compétences sont sous-jacentes à la pensée informatique et sont des avantages liés à l’apprentissage du code par ces élèves.

Mots clés :

Informatique, pensée informatique, Scratch, compétences, Togo

*Institut national des Sciences de l’Éducation (INSE) / Université de Lomé -
Togo

1. Introduction

1.1. La place de l’informatique dans notre société contemporaine

La diffusion d’instruments numériques dans notre société pose vivement la question du rôle de l’école, suscitant ainsi l’intérêt pour une éducation à l’informatique ou encore, au numérique. En effet, depuis plusieurs années déjà, le numérique change profondément et rapidement la société dans laquelle nous vivons. Dans le domaine musical les cassettes en bande magnétique et les CD ont fait place à de nouveaux formats numériques et à de plateformes de téléchargement. En communication et en information, la presse écrite et l’audiovisuel se sont rapidement trouvés dépourvus face à une presse numérisée et gratuite, ou face aux agrégateurs de contenu que sont devenus les géants Google et les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et WhatsApp.

Les pays africains en particulier le Togo ne sont pas en marge de cette révolution numérique. Selon Lomé IT, un journal en ligne, environ 497 000 de Togolais ont accès à internet (mobile et fixe confondue) en 2016. Toutefois, précisons qu’il est difficile de déterminer avec certitude le nombre d’utilisateurs d’internet au Togo. En effet, un abonnement à internet est partagé par plusieurs personnes et beaucoup de personnes ont un accès à internet sur leur lieu de travail. Aussi, les cybercafés urbains, les « zones WiFi » et les forfaits internet des entreprises de téléphonie mobile sont les principaux moyens de connexion à internet au Togo. Par ailleurs les différentes politiques et stratégies initiées par le ministère togolais des Postes et de l’Économie numérique, démontrent l’engouement des Togolais dans l’utilisation des outils numériques.

Il est alors évident que tous les domaines de l’existence humaine sont confrontés à ce défi :

« des médias à l’automobile en passant par le tourisme, l’agriculture ou la santé, c’est désormais toute l’économie qui devient numérique » (Colin, N. et al, 2015).

Par ailleurs l’utilisation des données produites par chacun d’entre nous et le partage d’informations en ligne sont des moteurs de ce mouvement si puissant. D’après Berger, R. (2014), d’ici quinze ans, près de la moitié des emplois pourraient disparaître ou être profondément transformés.

De tels changements constituent une dynamique aux conséquences sociales importantes. Elles vont entraîner ou entraînent déjà de nouvelles représentations sociales, un changement de conception du monde et des mutations radicales auxquels il faut se préparer. Dans le système éducatif, elles font émerger des défis nouveaux comme la capacité de ce dernier à accompagner cette révolution. Le savoir change, ses modes de transmission et notre rapport à celui-ci également. Comme le rappelle Davidenkoff, E. (2014), ne pas s’intégrer à l’innovation c’est mourir. C’est là l’intérêt pour tout système éducatif de former les plus jeunes pour qu’ils grandissent non seulement avec un état d’esprit ouvert et éclairé sur ce nouveau mode de travail et de communication, mais qu’ils sachent également comment utiliser activement ces outils. Tel est le but que poursuit cette étude.

S’inscrivant dans les recherches réalisées dans le cadre de l’apprentissage de la programmation à l’école, cette étude présente la particularité d’être réalisée en Afrique subsaharienne et plus précisément au Togo. Elle vise à comprendre et à vérifier l’apport de la programmation sur la capacité des apprenants du primaire à raisonner, à coopérer et à créer des jeux. Le présent travail a pour objectif d’analyser la mise en place d’un enseignement initiant à la programmation informatique les élèves des Cours Elémentaire Deuxième année (CE2) et Cours Moyen Première année (CM1), âgée de 7 à 10 ans ; dans un contexte où la programmation est apprise à travers la réalisation d’une histoire animée sur la protection de l’environnement avec le logiciel Scratch. L’intérêt de cette étude réside d’une part dans la mise en évidence de l’importance et des avantages liés à l’apprentissage de la programmation avec Scratch par des élèves du primaire, à cette époque où tous les domaines de la vie sont envahis par le numérique, et d’autre part qu’apprendre la programmation via Scratch pouvait s’avérer motivant et bénéfique aux apprenants et, surtout, qu’une telle initiative n’avait encore jamais été réalisée.

1.2. Le cours d’informatique, comment moyen qui permet d’apprendre la programmation

Généralement quand on parle du cours d’informatique, beaucoup pensent à une initiation en informatique et à certains logiciels en occurrence de traitement de texte. Au Togo, la majorité des contenus de formation en informatique tant chez les jeunes et les moins jeunes se limitent généralement à ces préoccupations. Comme l’explique Naughton, J. (2012), les cours d’informatique actuels poussent les enfants à appréhender passivement les machines. Selon lui :

« au lieu d’éduquer les enfants au sujet d’une des technologies les plus révolutionnaires de leur jeune vie, nous nous sommes bornés à les entraîner à utiliser des programmes obsolètes. […] On a pensé qu’il fallait apprendre aux enfants à utiliser un ordinateur comme on apprenait à conduire une voiture, c’est-à-dire sans avoir besoin de comprendre comment fonctionne la machine pour l’utiliser. Toutefois, on n’oublie que les voitures ne dictent pas notre vie quotidienne tandis que l’informatique fait fonctionner le monde entier, contrôle nos communications, alimente nos téléphones portables, dirige nos comptes bancaires, conserve nos agendas, arbitre et espionne nos relations sociales, et compte même nos votes ». Naughton, J. (2012).

Aujourd’hui vu que les nouvelles technologies sont omniprésentes et font partie du quotidien, un cours d’informatique doit normalement aller au-delà de ces considérations. Il doit permettre non seulement un usage des outils numériques en tant qu’usager, mais aussi, et surtout en tant que concepteur. C’est-à-dire, donner à une personne la capacité de réfléchir ou de raisonner en vue de mettre en place une méthode ou un système de résolution d’un problème qui intègre ou pas l’usage des outils numériques. Le cours d’informatique ne doit plus faire de nous des consommateurs, mais des personnes-ressources qui proposent des solutions, visant à rendre plus facile la vie de notre entourage.

C’est entre autres pourquoi l’apprentissage de la programmation est aujourd’hui entré dans les salles de classe. Ainsi, enseigner l’informatique revient à enseigner ce que les chercheurs appellent « la pensée informatique ».
Initiée par Papert, P. (1981), cette éducation à la logique informatique se développe aujourd’hui de plus en plus grâce à des logiciels tels que Scratch ou Scratch Jr, et entre dans les salles de classe bien plus facilement qu’auparavant (Bugmann, J. et Karsenti, T., 2018).

Cette pensée qui sous-tend la rédaction des programmes informatiques est en fait une méthode de résolution de problèmes qui s’applique dans tous les domaines de la vie dès lors que l’on rencontre un problème ou que l’on souhaite mener un projet. La pensée informatique est :

« un ensemble d’attitudes et de connaissances universellement applicables [...] concrètement, face à un problème donné, se posent les questions suivantes : quel est son degré de difficulté ? (Wing, J. 2006).

L’informatique, parce qu’elle s’appuie sur des fondations théoriques solides, offre des outils pour répondre à ces questions. La pensée informatique est donc « une capacité de réflexion à différents niveaux d’abstraction » qui va bien au-delà de la capacité de programmation (Wing, J. 2006).

Selon Scott, J. (2012), la pensée informatique peut être scindée en cinq grandes catégories :

  • appréhender un problème et sa solution à différents niveaux (abstraction) ;
  • réfléchir aux tâches à accomplir sous forme d’une série d’étapes (algorithmes) ;
  • comprendre que pour résoudre un problème complexe il faut le décomposer en plusieurs problèmes simples (décomposition) ;
  • comprendre qu’il est probable qu’un nouveau problème soit lié à d’autres problèmes déjà résolus par l’élève (reconnaissance de formes), et
  • réaliser que la solution à un problème peut servir à résoudre tout un éventail de problèmes semblables (généralisation).

La synthèse de ces différentes approches se résume à cette phrase de Julo , J.. (2002)., maître de conférences en sciences de l’éducation :

« l’une des variables qui caractérisent le plus un expert dans un domaine donné est sa manière de catégoriser un ensemble de problèmes qu’on lui propose ».

1.3. La programmation informatique à l’école primaire : Impacts sur l’apprentissage des élèves

Selon Minichiello, F. (2014), le Royaume-Uni s’affiche comme le premier pays à avoir introduit la programmation informatique à l’école primaire. En effet, en juillet 2014, un rapport de la commission européenne présente les compétences en programmation comme « une solution au chômage des jeunes et au déficit de qualifications dans les TIC », et invite les ministres à intégrer cet apprentissage dès le primaire (Vassiliou, A. & Kroes, N., 2014). C’est ainsi que le « code » est devenu une matière à part entière dans les écoles publiques anglaises dès septembre 2014.

L’Estonie a été précurseur en l’intégrant dans ces programmes dès 2012, puis d’autres pays industrialisés suivent comme Israël, la Finlande, la Corée du Sud et plus récemment la France et l’Italie. Les États-Unis ont rapidement rejoint la tendance en lançant l’initiative « l’heure du code ». Il a pour but d’initier les gens à la programmation notamment à l’aide du logiciel Scratch. En une heure, les participants peuvent avoir un aperçu de ce que veut dire « coder ». Ils ne sauront pas programmer en une heure, mais ils verront que c’est une activité amusante et créative qui peut être menée par tous, quelles que soient son origine ou ses compétences préalables. Cette initiative a rapidement pris une ampleur internationale et en avril 2016 plus de 230 millions d’élèves y ont déjà participé dans plus de 180 pays.

Tandis que ce projet s’étend toujours plus, montrant l’engouement pour cette discipline, l’introduction de la programmation informatique dans le programme de formation à l’école primaire n’est pas encore effective dans la plupart des pays africains. Au Togo, les expériences menées dans certaines écoles ou par certains centres de formation confirment que ces projets sont bien accueillis par les élèves et les parents, mais les institutions n’ont pas encore franchi le pas en mettant la programmation dans les programmes de façon officielle. Or de nombreuses expérimentations ont montré que l’usage bien pensé d’outils et de ressources pédagogiques numériques rend les enseignements plus stimulants, plus attractifs, et augmente la motivation, l’activité et l’engagement des élèves dans leurs apprentissages (Direction numérique du MEN du Canada, 2015).

Comme l’avait dit le philosophe et éducateur chinois Confucius « J’entends et j’oublie, je vois et je me souviens, je fais et je comprends » et Dewey par son leitmotiv « apprendre en faisant » (learning by doing), il est plus évident que l’apprentissage par l’expérience et par la manipulation a un impact plus grand sur l’apprenant qu’une simple mémorisation théorique. Le cours de programmation constitue alors un tremplin pour l’apprenant en permettant à ce dernier d’être l’acteur de son propre processus de construction de connaissances, à travers les différentes expériences et manipulations qu’il aura à mener. Par ailleurs il offre à l’apprenant :

« des opportunités extraordinaires pour le développement de quatre compétences-clés (pensée critique et capacité à résoudre des problèmes, créativité, communication, collaboration) et six qualités (curiosité, sens de l’initiative, ténacité, adaptabilité, leadership, conscience sociale et culturelle) requises pour le marché du travail du 21e siècle » (Institut Montaigne, 2016).

Quant à l’apprentissage de la programmation avec le logiciel Scratch, Romero, M., Noirpoudre, S. et Viéville, T. (2018 ) affirment que cet apprentissage permet l’amélioration de la performance scolaire des élèves, augmente leurs compétences en programmation et en résolution de problèmes et leurs permet d’avoir confiance en soi surtout face aux outils numériques. Selon Gaëtan Temperman, G. et al (2014), Scratch permet aux apprenants de développer des compétences en mathématique et leur permet d’avoir un gain de temps dans la résolution des exercices liés aux grandeurs, aux nombres et à la structuration spatiale. Komis, V. et Misirli, A. (2013), sont parvenus à ce même résultat après une étude réalisée avec les apprenants dont l’âge est compris entre cinq et sept ans.

À partir des résultats de ces recherches et les constats, on peut en déduire qu’avec Scratch, les élèves apprennent en se divertissant. Ce faisant, ils font des choix stratégiques qui leur permettent de développer une certaine autonomie et des compétences linguistiques, mathématiques, de raisonnement et de logique. Le logiciel Scratch est l’un de ces « jeux sérieux » où la concentration, la prise d’initiative et les capacités créatives sont sollicitées. Le jeu modifie le rapport aux apprentissages et permet à des élèves même au plus jeunes de trouver une autre source de motivation.

Ainsi en ce moment où la qualité des systèmes éducatifs des pays africains est recherchée, le fait d’intégrer les cours de programmation dans les programmes scolaires de façon officielle, et ceci dès le primaire, mais aussi de penser à comment le faire, devient une nécessité.

1.4. Ancrage théorique de la recherche

L’expérience dont nous faisons cas dans cet article est relative au courant actuel de l’innovation pédagogique en ces moments où les connaissances numériques sont omni-présentes dans le quotidien de l’homme et font leur entrer dans la classe. Cette étude est exploratoire et cherche à vérifier la possibilité d’intégration d’une telle innovation dans les écoles africaines et togolaises en particulier. Dans cette perspective nous adoptons une démarche compréhensive, descriptive et interprétative. Initiée par Van der Maren (2014), ce courant fait appel aux théories de la cognition et de l’apprentissage situés (Lave, J. et Wenger, E., 1991 ; Suchman, L., 1987).

Ainsi, il ne sera pas question de collecter des données pour confirmer ou infirmer une hypothèse initiale, mais, sans a priori, de décrire l’action des acteurs et de proposer des éléments de réflexion pour montrer la faisabilité de l’approche pédagogique choisie. La réflexion inductive permet une construction progressive du sens faisant apparaître des éléments qui en fin de compte font système. Ce type de recherche accorde une place significative au vécu des acteurs (Longuet, F., 2018). Dans cette optique, nous avons été conduits à mettre en place un dispositif éducatif et créatif peu contraignant institutionnellement. Ceci dans le but d’avoir une approche objective vis-à-vis du vécu et du comportement des apprenants.

En matière de conception d’un dispositif fondé sur une démarche de recherche création pédagogique numérique, la littérature disponible est de plus en plus riche et abondante. Elle concerne aussi bien le corps professoral (Henri et Lundgren-Cayrol, 2003 ; Chanier et Cartier, 2006), les enseignants stagiaires (Longuet, F., 2018) que les apprenants. L’objectif de cette recherche étant de comprendre et de vérifier l’apport de la programmation avec scratch dans capacité des apprenants du primaire à raisonner, à coopérer et à créer des jeux, nous place dans l’approche initiée par Papert, S. (1981) dans sa perspective d’éducation des enfants à la logique informatique.

Les fondements du dispositif mis en place dans le cadre de cette étude reposent sur les études réalisées dans le cadre l’apprentissage avec Scratch par Wilson-Moffat (2010), Kalelioglu-Gülbahar (2014) et surtout sur les travaux de Bugmann, J., et Karsenti, T. (2018) et sur le dispositif conçu par ces derniers pour étudier l’apport de la robotique pédagogique humanoïde sur l’adaptation pédagogique chez les élèves ayant des difficultés dans l’apprentissage.

2. Méthodologie

2.1. Caractéristique de la population cible et collecte des données

Cette recherche est de type exploratoire. Elle s’est déroulée auprès de 177 apprenants des classes de CE2 et CM1, d’une école primaire privée de la ville de Lomé. Avec un effectif moyen de 28 apprenants, l’école en question dispose de 3 classes de CE2 et 3 de CM1. Chacune des classes est encadrée par un binôme de formateurs pendant le cours d’informatique, qui se tient dans la salle aménagée à cet effet. Avec une capacité de 30 apprenants, la salle informatique est dotée d’une quinzaine d’ordinateurs. 3 binômes de formateurs encadrent les 6 classes, à raison d’un binôme pour une classe de CE2 et de CM1.

Notre recherche s’est étendue sur une année scolaire (neuf mois) avec une intervention une fois par semaine auprès des acteurs concernés. Des interventions régulières ont été effectuées pour observer, collecter des photos de matériels pédagogiques, etc. L’observation est donc notre méthodologie principale. Elle est faite à l’aide d’une grille d’observation. Elle est complétée par des entretiens semi-directifs avec les enseignants et avec les élèves en entretiens individuels et de groupes focalisés de douze personnes. Les données issues des entretiens ont fait objet d’une analyse catégorielle (Vergés, P., 1992, 1994). Quant à la production des apprenants, elle a été soumise à une analyse à partir d’une grille d’évaluation.

En somme, notre recherche, menée entre octobre 2017 et juin 2018, a concerné 6 enseignants ainsi que 177 apprenants, dont 89 sont CE2 et 88 au CM1 ; répartis dans 6 classes. À raison de 3 classes par cours. Les données collectées ont fait objet d’une analyse qualitative et quantitative.

2.2. Caractéristique du logiciel Scratch : outil pédagogique utilisé 

Nous avons choisi d’utiliser le logiciel Scratch, parce qu’il présente une interface graphique simple, permettant d’apprendre les bases de la programmation à travers la création de petits jeux et de récits interactifs (figure 1). Il constitue une porte d’entrée pour des utilisateurs de tous âges vers un apprentissage plus poussé. Avec Scratch, les commandes ne sont pas tapées. L’utilisateur assemble des blocs représentant des instructions. En quelques minutes, on peut créer un petit jeu et montrer quelques notions de programmation sans devoir pour cela faire un véritable cours. Apprendre en jouant, en expérimentant, est l’objectif de Scratch.

Nous avons donc utilisé ce logiciel pour amener des élèves à s’intéresser à l’informatique et à s’initier à la programmation, tout en s’amusant. Cette pratique est, comme nous l’avons précisé, est récente et relativement absente encore aujourd’hui dans les pays subsahariens.

2.3. Mise en place d’un dispositif créatif et éducatif : méthodologie adoptée

Dans le cas de cette recherche et pour faciliter l’apprentissage du Scratch par les apprenants de CE2 et CM1, nous avons opté pour une pédagogie par projet. Le projet choisi en commun accord avec les apprenants a pour titre : la protection de l’environnement. S’inscrivant dans le cadre des apprentissages par compétence, le projet en question laisse une forte place aux imaginaires ce qui n’est pas le cas des apprentissages scolaires classiques où tout est balisé et repose sur des exercices d’application. D’où la nécessite un dispositif particulier, qui permet la création pédagogique. Basé sur la dynamique sociale, l’engagement et le numérique, ce dispositif ouvre la voie vers une pédagogie expérientielle (Dewey, 1938/2011), impliquant, l’holistique qui favorise « l’empowerment » des acteurs (Freire, 1974). Ce qui implique le fait de mettre les apprenants dans des « situations problèmes ». Conditions qui favorisent une activité collaborative et l’expression de leur créativité. Dans cette perspective, les compétences principales à acquérir sont : l’assimilation des connaissances, la maîtrise des fonctionnalités du logiciel et leur application par les apprenants dans la réalisation du projet.

Ainsi, en partant du fait que les apprenants savent lire, écrire et peuvent faire une phase cohérente (sujet-verbe-complément), cette technique a permis de partir des compétences qu’ils ont afin de déconstruire les compétences que les apprenants doivent manifester ou acquérir à la fin du projet en savoirs et savoir-faire. Compétences qu’ils acquièrent progressivement à travers la réalisation d’une histoire de trois pages sur la protection de l’environnement avec le logiciel Scratch.

Ainsi au fur et à mesure que le projet progresse, les apprenants auront à acquérir dans un premier temps les techniques de recherche d’information sur l’internet, d’une part et d’autre part des savoirs relatifs au style rédactionnel, à la nature, son utilité et comment la protégée (familiarisation avec le concept du développement durable) tout en actualisant ses savoirs sur la propreté et l’hygiène. Puis à découvrir Scratch à travers ses fonctionnalités et son interface. Dans un second temps, utiliser ces savoirs pour faire des recherches et collecter des informations pertinentes sur le sujet sur le net ou auprès des personnes-ressources, prendre la parole et exposer le contenu de sa pensée en toute cohérence, scénariser son histoire et utiliser Scratch pour réaliser le projet.

Dans le but de maximiser la transmission des connaissances et leurs capitalisations par les apprenants pendant les activités d’enseignement/apprentissages ; la réalisation du projet s’est faite en deux étapes. La première que nous nommons « activité débranchée » est faite sans ordinateur et a consisté à avoir des séances des discussions suivies de recherches sur la protection de l’environnement avec les apprenants. Axée essentiellement sur la transmission des savoirs, cette étape est clôturée par une séance de mime des différentes séquences de l’histoire à réaliser par les apprenants. Ce qui est du ressort des savoir-faire. Cela avait pour objectif de stimuler non seulement la pratique langagière des élèves et leur faire acquérir le goût de la recherche, mais aussi de les amener vers une compréhension de la façon dont la programmation se fait avec Scratch. Il s’agissait pour nous d’une étape primordiale dans la compréhension du fonctionnement de l’informatique et de la programmation par les élèves.

La seconde étape relève beaucoup des « savoir-faire numériques » et a consisté à utiliser le logiciel Scratch sur ordinateur pour « donner vie » au projet. Une fois le logiciel lancé, son interface présente 3 zones distinctes : une zone où l’on voit ce que nous programmons et où notre animation prend vie au fur et à mesure des instructions que l’on communique à l’ordinateur (zone de la scène), une zone où se trouvent toutes les séries d’instructions, appelées « blocs », permettant de faire avancer, tourner, sauter son personnage (zone des blocs), et une dernière zone où sont glissés tous les blocs afin de définir le script souhaité (zone du script). Comme exemple de script écrit par les apprenants nous avons : une fois le message de la sonnerie reçu, apparaître puis dire « youpi c’est la récréation » et attendre pendant 5 secondes.

En assemblant les blocs par un simple clic de souris, les élèves voient immédiatement le résultat de l’enchaînement d’actions qu’ils proposent. C’est visuel et concret, car ils voient le personnage choisi s’animer. Ils doivent résoudre des problèmes de logique afin que les actions s’enchaînent dans le bon ordre. Classés par couleur, les blocs sont regroupés par thème, les blocs liés à l’apparence du personnage, ceux liés au mouvement ou encore ceux qui vont produire du son. Le logiciel dispose d’une bibliothèque de « lutins » (nom donné par Scratch aux personnages) et de fonds d’écran. Mais l’élève peut également imaginer et créer ses propres personnages ou décors à l’aide de la palette d’artiste mise à disposition. L’élève peut insérer autant de lutins qu’ils le souhaitent et les faire interagir entre eux. Pour chaque lutin, un script différent peut être mis en place, mais il est également possible de dupliquer les instructions d’un lutin à un autre.

Illustration 1 : interface du logiciel Scratch 2.0

3. Résultats

Après exploitation et croisement des données collectées lors de cette recherche, et en lien avec nos objectifs de recherche, nous avons pu identifier une assimilation des contenus de programmation informatique mis à la disposition des apprenants, et une série d’avantages et d’inconvénients liés à l’apprentissage du code, par des élèves du cours primaire.

3.1. Assimilation rapide par les élèves des contenus de programmation informatique avec le logiciel Scratch

L’analyse de la production des élèves a permis de mettre en évidence une assimilation rapide des connaissances en programmation informatique, mise à la disposition des apprenants. Pendant l’année scolaire, les apprenants sont évalués sur la familiarisation avec le logiciel Scratch et sur la maîtrise de ses fonctionnalités et de leur application pour la réalisation du projet.

La familiarisation des apprenants avec le logiciel s’est faite rapidement. En effet ces élèves qui n’avaient reçu aucune formation en informatique, du moins à l’école, se sont rapidement adaptés aux nouvelles conditions d’apprentissage et aux matériels didactiques (les ordinateurs). Leur familiarisation avec les composantes d’un ordinateur (en occurrence avec l’écran, le clavier et la souris) en un temps record, a rendu plus aisé le premier pas des apprenants avec Scratch.

La quasi-totalité des apprenants est capable de lancer Scratch et pointer les différentes zones de son interface en se servant de la souris, avec une certaine dextérité. En dépit du fait qu’ils ont des difficultés à se remémorer des noms de chacune des zones Scratch, la plupart des apprenants arrivent à associer à chaque zone, la fonctionnalité correspondante.

L’acquisition et la manifestation des compétences relatives à la maîtrise des fonctionnalités du logiciel et leur application par les apprenants dans la réalisation du projet se sont aussi faites rapidement. Si la majorité des apprenants maîtrise la procédure qui permet d’importer un arrière-plan (une image de fond) et un lutin (un personnage), avec Scratch et sont capables de le réitérer à chaque fois que le besoin de fait sentir dans le projet ; leur capacité à comprendre le principe de codage d’un lutin et à le reproduire est remarquable. En effet, coder un lutin revient à écrire un programme (script) avec les blocs de Scratch, qui permet à un lutin de faire une action spécifique. Pour que le programme puisse fonctionner, les blocs doivent être agencés de façon cohérente et selon une certaine logique. Ainsi, il existe un programme pour faire parler un lutin, le cacher, le faire apparaître, ou envoyer un message à un autre lutin.

La maîtrise et la compréhension du processus de codage d’un lutin par les apprenants leur ont permis de développer une certaine capacité d’analyse, de cohérence et de logique, qui sont en fait des compétences sous-jacentes à la pensée informatique. En effet, coder un lutin, revient à réfléchir à l’action que doit mener le lutin en question et aux différentes catégories de blocs de Scratch à utiliser ; puis à comment organiser et agencer de façon logique les types de blocs pour écrire un programme qui permet au lutin de réaliser l’action appropriée et d’anticiper sur les éventuelles actions à venir, de même que les interactions possibles de ce lutin avec les autres.

La mise en pratique ou la répétition du processus de codage d’un lutin par les apprenants dans la réalisation du projet choisi leur a permis de se familiariser d’une part avec la notion d’algorithme, de décomposition, de reconnaissance de formes et de réutilisation d’une solution ; et d’autre part à faire preuve d’une analyse, d’un raisonnement et d’une certaine créativité. Par exemple pour « faire parler un lutin », l’apprenant réfléchit à quelles catégories de blocs à utiliser et comment les organiser (notion d’algorithme et de décomposition). Sa créativité lui permet de définir le message que doit délivrer le lutin. De par le raisonnement et la logique, l’apprenant utilise ce message pour prévoir le comportement d’un ou des autres lutins pour la suite du projet (reconnaissance de formes et de réutilisation d’une solution).

3.2. Effet de la programmation informatique avec Scratch sur les apprenants

Les observations réalisées ont permis de mettre en évidence que l’apprentissage de la programmation informatique avec Scratch à des effets positifs sur l’apprentissage des apprenants. En effet il est remarqué une forte motivation des apprenants à utiliser Scratch, le développement de collaboration entre les élèves et entre élèves et enseignants ; et une stimulation de la créativité des élèves.

3.2.1. Une forte motivation des élèves pour utiliser le logiciel Scratch

L’analyse des propos des formateurs et des élèves, de même que les observations réalisées ont permis de mettre en évidence le développement d’une forte motivation des élèves à se rendre au cours d’informatique et une ambiance de groupe très positive avant et pendant les cours d’informatique ou de programmation avec Scratch. En effet, avant même que la tranche horaire définie pour le cours d’informatique ne débute, les apprenants se mettent en rang devant la salle informatique et sont impatients d’y mettre pied. La plupart sont mécontents une fois que la sonnerie de l’école qui marque la fin du cours d’informatique retentit. Certains préfèrent ne pas partir et rester dans la salle informatique pour évoluer sur leurs projets.

Illustration 2 : extrait de l’attitude des apprenants pendant une séquence de cours

Le fait de participer à une activité amenant, selon les élèves, « à constater de façon concrète ce qu’ils sont en train d’apprendre », a fortement stimulé la motivation des élèves, comme en témoignent certaines de leurs déclarations :

-*moi, j’aimé importer un lutin dans Scratch …

-*j’ai beaucoup aimé le fait de lui faire parler …il a dit mes mots.

-*C’est un cours que j’aime beaucoup, j’arrive à faire ce que je vois dans les dessins animés.

Certains élèves, qui selon les professeurs titulaires « n’étaient pas bons en classe » (les élèves suivent le programme normal avec leurs maîtres et ne viennent dans la salle informatique que pour les cours d’informatique), n’étaient pas seulement motivés, mais aussi très impliqués. Ce qui fait que leurs performances ou rendements pendant les devoirs d’informatique sont au-dessus de ce qu’ils ont en classe. À titre d’exemple, une maîtresse nous confia ceci :

« comment se fait-il que cet apprenant à toujours de bonnes notes en informatique, alors qu’en classe il a toujours des difficultés… ? »

3.2.2. Un impact sur la collaboration entre les élèves

Il est également mis en évidence une collaboration entre les élèves lors des séances de cours, mais aussi entre les élèves et les enseignants, et une plus grande entraide entre les élèves lors des séquences du cours.

Pendant la réalisation du projet, les élèves devaient ainsi trouver la solution à un problème rencontré dans la programmation et comprendre pourquoi telle ou telle programmation ne fonctionnait pas et trouver la solution idoine pour y arriver. Ils recommençaient alors leurs programmes jusqu’à ce que ces derniers soient fonctionnels (exemple : envoi et réception de message par un lutin). Comme les apprenants sont en binômes, cette démarche se fait souvent à deux et les formateurs sont là pour guider les apprenants dans leur apprentissage. À ce titre, ils sont souvent sollicités par les apprenants pour venir constater leurs résultats.

3.2.3. Une stimulation de la créativité des élèves

Aussi, le cours d’informatique dispensé, notamment la programmation avec Scratch, a permis aux élèves de développer leur créativité, tout particulièrement quand il s’agissait de créer des pages d’histoire, surtout pendant les évaluations.

Il est également mis en évidence le développement d’un sentiment de compétence et, plus généralement, une meilleure estime de soi pour ces élèves. D’autant que les élèves ont le sentiment de développer de nouvelles compétences : le cours d’informatique permettait aux apprenants d’élargir leurs connaissances et d’apprendre de nouvelles choses. Par ailleurs, ils arrivent à percevoir ou à toucher du doigt l’aspect pratique des connaissances mises à leur disposition.

4. Discussion

Ayant pour objectif de comprendre et de vérifier l’apport de la programmation dans la capacité des apprenants du primaire (classe de CE2 et CM1) à raisonner, à coopérer et à créer des jeux ludiques ; les résultats de cette étude ont mis en évidence de nombreux avantages éducatifs liés à l’apprentissage du logiciel Scratch en contexte éducatif chez les enfants, et pas uniquement en ce qui concerne l’apprentissage pur et simple du code. L’assimilation par les élèves des contenus de programmation informatique avec le logiciel Scratch, qui s’est fait remarquer par une familiarisation des apprenants avec l’interface du logiciel en un temps record, et dans la manière dont elles évoluent dans la réalisation du projet choisi, leur a permis de développer une certaine capacité d’analyse, de cohérence et de logique, qui sont en fait des compétences sous-jacentes à la pensée informatique : compétences susceptibles d’être transféré dans d’autres domaines.

Outre la compréhension et l’assimilation des contenus de formation en programmation par les apprenants, un autre avantage majeur est constaté : c’est la fréquence élevée des interactions entre les participants lors des séances de programmation avec Scratch. En effet, les élèves étaient très enthousiastes et collaboraient bien plus que lors de leurs enseignements traditionnels (Karsenti, T., et Bugmann, J., 2018). Rappelons à cet effet que certains apprenants qui rencontraient des difficultés dans les contenus classiques se sont fait remarquer par leur créativité et leur participation. Ce qui conforte le fait que l’apprentissage du code avec un logiciel de la programmation visuel présente un réel avantage pour les élèves considérés comme ayant des difficultés d’apprentissage (Karsenti, T. et Bugmann, J., 2018).

Cette étude relance le débat sur l’importance et la nécessité d’introduction des pédagogies nouvelles dans les écoles africaines et de leurs contextualisations. En effet le dispositif créatif et éducatif construit est inspiré des théories socio-constructivistes. Construit au tour de l’apprenant, il favorise son activité et le travail collaboratif avec ses pairs et les formateurs, tout en intégrant les variables sociales. Ce qui a permis l’assimilation des connaissances par les apprenants en un temps relativement court et la manifestation des compétences sous-jacentes à la pensée informatique. Car en situation d’apprentissage, si la construction d’un savoir est personnelle, celle-ci s’effectue, cependant, dans un cadre social. Ainsi, le développement intellectuel de l’enfant ne peut se concevoir sans les interactions sociales entre lui et son environnement (Bruner, 1962 et Vygotski, 1934). Effectivement, l’individu n’est pas seul, il est entouré d’autres personnes qui ont un impact sur lui et son développement. Le dispositif mis en place a permis de le constater.

La manière dont les activités d’enseignement apprentissage sont prises en compte par le dispositif, ainsi que les types d’exercices proposés, le processus interactionniste de recherche de solutions et les discussions menées avec les apprenants, ont contribué non seulement à la maturation biologique des apprenants (Piaget, 1936) mais aussi au développement de leurs structures cognitives. Les séances de synthèses qui suivent chaque cours et les mises en situation de réalisation ou conception d’une page d’histoire avec le logiciel Scratch, ont permis une mise en évidence la « zone de développement proximal » :

« … distance entre le niveau de développement réel (déterminé par la résolution indépendante des problèmes par l’individu), et le niveau de développement potentiel (déterminé par la résolution des problèmes sur une orientation d’un adulte ou en collaboration avec ses camarades plus capables) » (Vygotski, 1934).

Ce qui a permis de laisser la classe s’exprimer en encourageant les discussions et la collaboration entre apprenants et entre apprenants et formateur, dans le but de permettre aux apprenants de maximiser les connaissances reçues. Car à travers la constante actualisation de la « zone de développement proximal » l’apprentissage développe plusieurs processus internes propres qui arrivent quand l’enfant interagit avec d’autres personnes et quand il coopère avec ses camarades. Quand une nouvelle représentation est intériorisée, elle devient partie de l’acquisition et un élément du développement indépendant de l’enfant.

En somme, si « ce que l’enfant sait faire aujourd’hui en collaboration, il saura le faire tout seul demain » (Vygotski, 1934), les théories socio-constructivistes représentent un atout pour le système éducation des pays africains et particulièrement le Togo, non seulement pour l’apprentissage du Code, mais dans l’organisation de tout le dispositif d’enseignement apprentissage et peu importe la matière. À cette heure où l’efficacité de l’école africaine est recherchée, il serait bien d’outiller les formateurs sur les implications pédagogiques du socio-constructivisme, dont les plus importantes selon Bruner (1962) sont :

  • La prédisposition : l’individu doit être prédisposé pour qu’il apprenne. Pour cela, les aspects des expériences et le facteur affectif sont très importants ;
  • La structure et forme d’enseignement : l’ensemble des connaissances (contenu) à être appris doit avoir une structure spécifiée ;
  • La séquence et ses applications : l’ensemble des connaissances (contenu) doit avoir une séquence efficiente ;
  • La forme et distribution de récompense : les aspects d’application de récompense et punition doivent être présents dans le processus d’enseignement-apprentissage.
    Ainsi, l’enseignant devient un médiateur ayant un grand rôle important dans la façon dont le contenu à apprendre est présenté, à travers le concept d’étayage.

5. Conclusion

De nos jours où l’apprentissage du code à l’école a de multitude impacts éducatifs (Smith, Sutcliffe et Sandvik, 2014), et que cet apprentissage est devenu obligatoire dans plusieurs pays tels que les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Suède et le Canada, se pose alors la question de savoir si le système éducatif des pays africains, et celui du Togo en particulier doit continuer par faire fi de ce dernier dans les programmes d’enseignement, à cette époque où le numérique est omniprésent dans le quotidien et que l’efficacité de l’école est tant recherchée.

C’est dans cette optique qu’une formation en programmation est proposée aux élèves du primaire d’une école de Lomé sur Scratch. Ayant pour objectif de comprendre et de vérifier l’apport de la programmation dans leur capacité à raisonner, à coopérer et à créer des jeux, cette recherche a montré que de telles initiatives sont possibles dans le contexte africain et togolais d’une part et d’autre part que la programmation informatique développe la capacité d’analyse, de cohérence et de logique des élèves.

Nous avons pu relever à quel point un tel dispositif est en mesure d’amener de multiples opportunités pour tous les élèves. Ainsi, bien plus qu’un simple espace de jeux ou de distraction, Scratch s’avérer être un allié pour l’éducation des jeunes par le développement de compétences en codage, mais aussi de diverses compétences et connaissances qui appartiennent au domaine scolaire ainsi qu’à la vie professionnelle et sociale. En effet il permet aux apprenants d’avoir une attitude réflexive devant un problème. Attitude qui consiste à faire preuve d’observation, à analyser une situation en vue de faire ressortir un problème, et de proposer la solution idoine à travers un processus de raisonnement, de logique, de structuration de la pensée et de créativité. Ces compétences sont en fait sous-jacentes à la pensée informatique, qui constitue la démarche qui sous-tend l’écriture des programmes informatiques.

Cependant, il est à noter que très peu d’élèves et écoles togolaises, voire africaines, bénéficient, à ce jour, d’une formation en programmation dès leur plus jeune âge pour les préparer au futur. Il est alors intéressant de chercher à initier tous les élèves, futurs membres de la société, à cette nouvelle technologie qui risque d’être encore plus présente dans la société de demain (Hood, Lemaignan et Dillenbourg, 2015).

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