Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Jeux sérieux : un état de la recherche sur la ludification à l’aide du numérique et au service de la gestion de classe

mercredi 17 octobre 2018 Matthieu Petit ; Virginie Robert

Pour citer cet article :

Petit, Matthieu et Robert, Virginie (2018). Jeux sérieux : un état de la recherche sur la ludification à l’aide du numérique et au service de la gestion de classe. Adjectif.net Mis en ligne mercredi 17 octobre 2018 [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article479

Résumé :

Cette contribution s’intéresse aux effets de l’utilisation d’outils numériques ludiques sur la gestion de classe (comportement des élèves, collaboration, apprentissage, etc.). Quels sont les effets de l’utilisation d’outils numériques ludiques sur la gestion de classe (comportement des élèves, collaboration, apprentissage, etc.) ? Dans cette contribution, nous présentons les différents outils numériques de trois études qui ont été recensées sur cette question, les méthodologies employées, ainsi que leurs résultats, regroupés selon quelques catégories émergentes.

Mots clés :

Apprentissage collaboratif, Gestion de classe, Jeux sérieux, Ludification, Numérique

Problématique

Dans le quotidien des enseignants, la gestion de classe continue d’être un enjeu majeur, voire une problématique. Ne se sentant pas suffisamment outillés à cet égard après avoir complété leur formation initiale, certains enseignants se considèrent inaptes face aux réalités de la classe d’aujourd’hui (diversité ethnoculturelle, présence accrue du numérique, nombreux élèves avec des troubles de comportement ou d’apprentissage, etc.) et ils quittent la profession (Tardif et Mukamurera, 2017).

C’est dans la mouvance d’une gestion de classe dite positive et démocratique – qui relève d’une posture humaniste et de gestes posés par l’enseignant afin de créer un climat de classe propice à l’apprentissage (Nelsen, Lott et Glenn, 2018) – que l’utilisation du jeu au service de la gestion de classe s’est développée.

Lorsqu’on réunit les intentions pédagogiques de situations d’apprentissage destinées à des élèves et un cadre ludique qui favorise l’autonomie, Sanchez, Young et Jouneau-Sion (2016) proposent l’utilisation du terme ludification (ou « ludicization »). Le terme ludification mettrait davantage l’accent sur les situations qui prennent place lorsqu’un individu accepte de jouer (et de s’engager) plutôt que simplement sur l’artefact, soit le jeu (ibid.).

Cependant, ce n’est pas parce qu’on joue qu’on apprend. Les jeux sérieux (avec ou sans support numérique) peuvent avoir un impact négatif sur les apprentissages s’ils sont trop pauvres au regard de leur portée pédagogique ou s’ils sont principalement utilisés pour récompenser les élèves qui répondent mieux (ou plus rapidement) que leurs pairs. D’ailleurs, cela irait à l’encontre d’une gestion de classe dite positive.

Il n’en demeure pas moins que certains jeux sérieux permettent que les apprentissages se fassent à l’intérieur de contextes potentiellement authentiques (par des simulations pouvant être réalistes) et de situations fournissant à l’élève des opportunités pour observer, imiter, acquérir et appliquer des comportements pour résoudre des situations problèmes (Brown, Collins et Duguid, 1989, dans Charoenying, 2010).

Afin que les créateurs de jeux sérieux puissent susciter l’engagement des élèves tout en favorisant des apprentissages ou des interactions positives, Charoenying (2010) propose le cadre suivant :

  • l’élève se trouve au centre des préoccupations lors de la conception d’un jeu ; il est important de considérer et revisiter la différentiation selon le public ciblé.
  • Les objectifs d’apprentissage ont intérêt à être clairs.
  • Les dynamiques de groupe sont à considérer ; les interactions interpersonnelles peuvent influencer la disposition affective de l’élève.
  • La complexité des règles peut être une bonne chose. Alors que certains contenus peuvent relever de jeux avec des règles simples, d’autres pourraient impliquer des règles plus complexes, afin de donner plus d’opportunités pour un engagement à plus long terme chez l’élève.
  • Le déroulement du jeu relève de la compétence de l’élève, mais il peut également être influencé par le hasard.
  • Le rythme du jeu peut offrir différents niveaux, selon les besoins de l’élève.

Dans un même ordre d’idées, McKnight et al. (2016) argumentent que la collaboration suscitée par certains jeux sérieux peut favoriser la construction de connaissances. Par l’impact de la collaboration entre pairs sur le climat de classe (Henri et Lundgren-Cayrol, 2003), l’utilisation de jeux sérieux en ligne misant sur un but commun ou partagé entre élèves peut également relever d’une gestion de classe positive : « What can change with and through technology are the range of interactions and conceptual possibilities of a game » (Charoenying, 2010, p. 153).

À notre connaissance, peu d’études se sont intéressées à la ludification de la gestion de classe, surtout en ce qui concerne des outils numériques. Par une recension des écrits, nous souhaitons mieux comprendre la façon dont les jeux sérieux en ligne utilisés dans certaines classes influencent le comportement des élèves, la collaboration et les apprentissages.

Ainsi, cette recension tente de répondre à la question suivante : quels sont les effets de l’utilisation d’outils numériques ludiques (i.e. « jeux sérieux ») sur la gestion de classe (comportement des élèves, collaboration, apprentissage, etc.) ?

Méthode

Afin de répondre à notre question de recherche, nous avons opté pour une recension d’écrits de type systématique (Fortin et Gagnon, 2015 ; Whittemore et Knafl, 2005). La recherche d’articles a été menée dans les bases de données suivantes : Academic Search Complete, Cairn, Computers & Applied Sciences Complete, Education Source, ERIC, Érudit, Francis, LearnTechLib, Pascal, ProQuest Central et PsycInfo.

Une première sélection d’articles a été effectuée en tenant compte des critères suivants : articles évalués par les pairs, publiés entre 2010 et 2018, présentant une recherche empirique, rédigés en anglais ou en français, et traitant d’outils numériques utilisés pour ludifier la gestion de classe. Divers descripteurs [1], tant en français qu’en anglais, ont été choisis.

Le corpus de cette première phase de recension comprenait au départ onze articles. De cette sélection, nous avons rejeté huit publications pour différentes raisons. Tout d’abord, dans leur résumé, cinq articles présentaient des jeux sérieux, mais ne mentionnaient pas la présence de l’utilisation d’une plateforme numérique. Ils ont donc été rejetés lors de la deuxième phase de sélection. Ensuite, deux autres articles ont été rejetés puisqu’ils ne présentaient finalement pas de résultats d’une recherche empirique. Finalement, un article a été rejeté puisqu’il présentait non pas des résultats, mais une réflexion sur les enjeux liés à la ludification. Parmi les articles rejetés, certains ont tout de même servi à établir notre problématique.

C’est donc par l’analyse de trois articles scientifiques que nous tentons de répondre à notre question de recherche. Ce petit nombre d’études constituant une limite à notre recension, notre analyse présente un état de la recherche qui ne peut pas faire l’objet d’une généralisation, mais qui apportera certaines pistes de réponse.

Résultats

D’abord, nous présentons les différents outils numériques utilisés dans les articles recensés. Nous exposons ensuite une synthèse des méthodologies et des résultats de ces trois recherches.

Outils numériques des études recensées

Les outils numériques recensés sont Classcraft, ClassDojo et WeExplore. Voici une présentation de chacune de ces plateformes accessibles en ligne.

Classcraft

L’étude de Sanchez, Young et Jouneau-Sion (2016) porte sur l’utilisation de la plateforme en ligne Classcraft (Classcraft.com). Ce dernier est un jeu sérieux au service de la gestion de classe, inspiré par l’univers fantastique des jeux de rôle (Donjons et dragons). Classcraft se joue en équipe, de manière collaborative, et les élèves y gagnent des points selon leurs comportements positifs. Ces points donnent accès à de véritables privilèges (pouvoir écouter de la musique en classe, par exemple) et à des options pour la personnalisation de leur avatar (une nouvelle armure pour le personnage de guérisseur, par exemple).

« The objective of Classcraft is to transform the classroom into a role-playing game for the duration of the school year » (ibid., p. 500). L’un des buts de l’utilisation de Classcraft est notamment de transformer l’expérience des élèves en classe en y ajoutant une dimension ludique. Par exemple, une évaluation formative (en préparation pour une évaluation sommative) peut prendre la forme d’un combat collaboratif contre un monstre.

Créée par un enseignant au secondaire du Canada, la plateforme Classcraft peut être considérée comme une métaphore de la vie en classe (qui peut comporter son lot de surprises et d’aventures). La ludification qu’elle engendre favorise ainsi la création d’un espace réflexif dans lequel les joueurs peuvent ajuster leurs comportements puisque leurs gestes sont immédiatement suivis d’une rétroaction. L’espace de jeu peut donc encourager une certaine autonomie chez les élèves quant à la régulation de leur comportement en classe (ibid.).

The Good Behavior Game sur ClassDojo

The Good Behavior Game (GBG) est un jeu, non-numérique, utilisé par des enseignants pour la gestion de classe. Dans ce jeu, les élèves de la classe sont divisés en équipes. Après avoir clarifié ses attentes au regard du comportement des élèves, l’enseignant est responsable de donner des points pour renforcer de bons comportements et d’en enlever pour décourager les mauvais comportements. Un nombre de points à atteindre est prédéterminé et les élèves dont l’équipe atteint le nombre de points voulu reçoivent une récompense. Ce type de jeux peut donner lieu à des améliorations significatives quant au climat de classe. Des études ont évalué l’efficacité de The GBG et ont déterminé qu’il est efficace pour diminuer les mauvais comportements et augmenter les bons comportements au regard de l’engagement scolaire (Lynne, Radley, Dart, Tingstrom, Barry et Lum, 2017).

Dans leur étude, Lynne et al. (2017) transposent le jeu GBG vers la plateforme ClassDojo (classdojo.com), un outil numérique disponible en ligne pour la gestion des comportements d’élèves. Les chercheurs mentionnent que ClassDojo est utilisé dans 90% des classes de la maternelle à la 8e année aux États-Unis (ibid., 2017). Dans ce jeu, chaque élève crée son propre avatar et l’enseignant peut utiliser la plateforme pour donner des points lors de bons comportements et pour en retirer lors de mauvais comportements.

De récentes études se sont intéressées à l’utilisation d’une version numérique de GBG. Lorsqu’on compare les utilisations de GBG avec ou sans le numérique, Lynne et al. (2017) rapportent que les enseignants utilisent plus de renforcements positifs et moins de réprimandes lorsqu’ils utilisent la version numérique.

WeExplore

L’inclusion de cette troisième plateforme relève du volet collaboratif (lié à une gestion de classe positive) qui faisait partie des descripteurs de notre recension systématique des écrits. Elle diffère donc passablement de Classcraft et ClassDojo.

WeExplore est une plateforme de formation en ligne qui allie les approches expérimentales et celles de l’enquête. C’est ce qu’étudient Doering et Henrickson (2015). Les expériences vécues sur cette plateforme cherchent à donner du sens aux apprentissages par la création de liens avec des événements du monde réel. WeExplore offre aux élèves l’opportunité de devenir des explorateurs et de partir à la recherche de réponses à leur propre question. Leurs découvertes sont ensuite partagées en ligne. Pendant l’étude, les élèves devaient travailler en petits groupes qu’ils ont formés eux-mêmes afin de créer, développer et présenter des recherches en utilisant la plateforme WeExplore :

WeExplore provides an online and mobile environment that scaffolds teachers and learners through integrated, authentic learning experiences with real-world application, spurring them to take a collaborative, experiential approach to creatively solving driving questions they identify. (Doering et Henrickson, 2015, p. 388)

Méthodologies des études recensées

L’étude de Sanchez et al. (2016) comporte deux volets qualitatifs. La méthodologie du premier volet repose sur l’approche ethnographique de Whitehead (2004) par des observations en classe dans deux contextes d’utilisation de Classcraft, et par les rétroactions des deux enseignants impliqués : 32 élèves d’un cours d’univers social (géographie et histoire) en 10e année (ou secondaire 4) de la ville de Sain Bel (Rhône, France) et 66 élèves de deux groupes en physique de 11e année (ou secondaire 5) de la ville de Sherbrooke (Québec, Canada). Le deuxième volet relève d’un questionnaire en ligne, composé de questions ouvertes, accessible via la plateforme Classcraft et rempli par 227 enseignants (61% des États-Unis, 13% du Canada, 7% de l’Australie et 19% provenant de 30 autres pays).

L’étude de Lynne et al. (2017) s’est faite auprès des groupes de trois enseignants du primaire : un groupe de 27 élèves en 4e année (10 filles et 17 garçons), un groupe de 19 élèves de 1ère année (11 filles et 8 garçons) et un groupe de 19 élèves de 4e année (11 filles et 8 garçons). Des observations en classe ont permis d’évaluer le comportement des élèves (fréquence des comportements perturbateurs et des comportements d’engagement actif) et les interventions des enseignants (fréquence des renforcements positifs généraux et des renforcements positifs spécifiques). Le calcul de l’effet des interventions sur les comportements des élèves et des enseignantes repose sur un indice développé par Parker et Vannest (2009), le non-overlap of all pairs. Après les observations, les trois enseignants (de deux ans, sept ans et un an d’expérience en enseignement) ont également répondu au questionnaire The Behavior Intervention Rating Scale, de Elliott et Treuting (1991), composé de 24 questions avec une échelle de Likert. L’outil permet de mesurer l’acceptabilité des interventions, ainsi que la perception de leur efficacité.

Quant à la méthodologie de l’étude de Doering et Henrickson (2015), elle compte cinq séances d’observations en classe, six entrevues de type « focus group » avec des élèves, et trois entretiens avec l’enseignant impliqué. Pour cette étude du cas réunissant un enseignant de géographie et ses 95 élèves de 9e année (ou secondaire 3) d’une école publique américaine, l’analyse s’est faite par la méthode de comparaison constante de Glaser et Strauss (1967).

Notons la diversité et le caractère exploratoire des méthodologies employées. D’ailleurs, le petit nombre d’enseignants impliqués (six en tout) représente une limite de cette recension. Toutefois, notre analyse ne cherche pas à comparer les résultats de ces trois articles, mais à établir certaines tendances afin de dresser un état de la recherche sur le sujet.

Résultats des études recensées

Dans cette section, nous regroupons les résultats des études recensées selon quelques catégories liées à la gestion de classe. Ces catégories relèvent des thèmes (parfois vastes) ayant émergé lors de notre analyse des résultats.

Motivation et comportements des élèves

Dans la recherche de Sanchez et al. (2016), deux enseignants (un enseignant de France, et un enseignant du Québec au Canada) ont utilisé Classcraft pour leur gestion de classe. Pour la France, les résultats indiquent que l’utilisation de la plateforme aurait favorisé la motivation des élèves pour le travail scolaire ainsi que leur participation en classe (par une augmentation des interventions à oral). Sans éliminer tous les comportements perturbateurs, l’utilisation de Classcraft permettrait de les réduire. Pour le Canada, les résultats révèlent également que la plateforme peut favoriser la motivation pour le travail scolaire chez les élèves. Son utilisation aurait augmenté la motivation des élèves à participer en classe autant pour les réponses données aux questions de l’enseignant que pour le travail à faire en classe. Par exemple, l’utilisation de Classcraft semble augmenter l’implication des élèves face aux situations problèmes proposées en classe (notamment grâce aux « pouvoirs » de leur avatar).

Quant à la combinaison de ClassDojo et The GBG, cette utilisation combinée de la plateforme aurait eu des effets considérés de modérés à forts pour la diminution des comportements perturbateurs (Lynne et al., 2017) : « Overall, results of the study indicate that use of ClassDojo as a means of implementing the GBG may result in improved student and teacher outcomes » (ibid., p. 1060).

Engagement et enthousiasme des enseignants

Dans l’étude de Sanchez et al. (2016), le niveau d’utilisation de Classcraft varie entre les deux contextes (en moyenne 44,3 événements par élève en France, contrairement à une moyenne de 334,6 événements par élève au Québec). Ceci semble entre autres lié à l’expérience et à l’engagement des deux enseignants. L’enseignant en France en était à sa première utilisation, tandis que l’enseignant du Québec est le créateur du jeu. Cela témoigne du rôle crucial de l’enseignant : il peut adapter le jeu en fonction de sa classe, voire du milieu scolaire, tout en maintenant son rôle de « maître du jeu » (comme dans Donjon et dragon) et en aidant les élèves quant à leur expérience avec Classcraft.

Les résultats de l’étude de Doering et Henrickson (2015) vont dans le même sens : la curiosité des élèves serait influencée par l’enthousiasme de l’enseignant par rapport à la ressource, soit WeExplore.

Interventions des enseignants et autonomie des élèves

Par la numérisation du jeu The GBG, l’étude de Lynne et al. (2017) relève peu d’effets sur la fréquence des renforcements positifs généraux faits par les enseignants à l’attention de tous les élèves, mais il y aurait eu une augmentation de la fréquence des renforcements positifs spécifiques. Ainsi, le jeu semble favoriser une personnalisation des interventions auprès des différents élèves de la classe. De plus, les enseignants ont la perception que l’outil facilite la prise de décisions davantage objectives, tout en gardant des traces de leurs interventions.

Selon l’enquête auprès d’enseignants, soit le deuxième volet de l’étude de Sanchez et al. (2016), Classcraft permettrait d’encourager l’engagement des élèves, tout en rendant plus accessibles les attentes de l’enseignant. Les élèves connaissent donc les conséquences de leurs actions, ce qui est primordial dans le processus de prise de décisions, autant en classe que dans le jeu.

It is mainly the meaning of normal interactions within the classroom that is redefined. It is not about the student adopting behaviour to conform to the class rules but rather about adopting behaviour that, because it takes into account the rules of the game, leads to progressing within it. (ibid., p. 511)

Les rétroactions étant continuellement générées, cela permet de créer un espace dans lequel les élèves ont la liberté de prendre des décisions. Le jeu peut ainsi fournir aux élèves des occasions pour développer leur autonomie.

Collaboration et créativité

Dans l’étude de Doering et Henrickson (2015), les élèves ont mentionné qu’il était important pour eux d’être en mesure de collaborer avec leurs pairs n’importe quand et n’importe où par le biais de la plateforme WeExplore. Cette accessibilité au service de la collaboration semble les avoir aidés à respecter leur échéancier. Dans un même ordre d’idées, la créativité des élèves aurait été influencée par la plateforme WeExplore utilisée en classe.

Discussion

La ludification à l’aide du numérique semble représenter une piste intéressante pour aider les enseignants quant à leur gestion de classe, à la condition qu’ils s’y engagent activement. En amont de cet engagement, chaque utilisation d’un outil numérique implique idéalement que les enseignants ont pu s’y former adéquatement (ou qu’ils ont reçu une formation d’ordre techno-pédagogique quant à son utilisation en classe).

Avec la mise en œuvre de modalités hybrides de formation, la gestion de classe se complexifie. Dans l’étude de Doering et Henrickson (2015), les élèves continuent de collaborer à l’extérieur de la classe. S’il est possible de développer un climat positif entre élèves lorsque ceux-ci collaborent en ligne (à l’extérieur de la classe), c’est tout le groupe qui peut en bénéficier une fois de retour en classe. Ainsi, un environnement numérique destiné à la gestion de classe peut favoriser non seulement une certaine autorégulation chez les élèves, mais également une gestion des comportements entre pairs.

En plus de favoriser une explicitation des attentes, certains jeux sérieux au service de la gestion de classe permettent des encouragements et des conséquences de manière quasi-immédiate (et discrète). Ainsi, si une plateforme numérique permet à l’enseignant de faire plus efficacement le travail d’intervention (et de prévention) qu’il cherche inévitablement à faire pour sa gestion de classe, on peut prévoir que ce type de ludification connaîtra un essor (malgré le petit nombre de recherches sur le sujet). D’ailleurs, certains articles exclus de cette recension (parce qu’ils ne présentaient pas de résultats issus d’une recherche) mentionnent l’existence d’autres outils numériques au service de la gestion de classe.

En conclusion, nous avons conscience qu’il ne faut pas généraliser les résultats de notre analyse. Mis à part le questionnaire en ligne du deuxième volet de l’article de Sanchez et al. (2017), les trois recherches recensées relèvent principalement de l’exploratoire par des études de cas réalisées auprès de six enseignants exerçant leur profession dans des contextes distincts. Le travail de recherche scientifique doit donc se poursuivre, entre autres par des études empiriques pouvant mesurer les bénéfices de l’utilisation de ces outils innovants.

Références bibliographiques

Charoenying, T. (2010). Accountable game design : Structuring the dynamics of student learning interactions. Journal of Educational Computing Research, 43(2), 135-163.

Chen, G., Chuang, C., Nurkhamid et Liu, T. (2012). When a classroom is not just a classroom : building digital playgrounds in the classroom. The Turkish Online Journal of Educational Technology, 11(1), 202-211.

Doering, A. et Henrickson, J. (2015). Fostering creativity through inquiry and adventure in informal learning environment design. Journal of Technology and Teacher Education, 23(3), 387-410.

Elliott, S. N. et Treuting, M. V. B. (1991). The Behavior Intervention Rating Scale : Development and validation of a pretreatment acceptability and effectiveness measure. Journal of School Psychology, 29, 43-51.

Fortin, M.-F. et Gagnon, J. (2015). Fondements et étapes du processus de recherche. Méthodes quantitatives et qualitatives (3e ed.). Montréal : Chenelière éducation.

Glaser, B. G. et Strauss, A. L. (1967). The discovery of grounded theory : Strategies for qualitative research. Chicago : Aldine Pub. co.

Henri, F. et Lundgren-Cayrol, K. (2003). Apprentissage collaboratif à distance. Pour comprendre et concevoir les environnements d’apprentissage collaboratif. Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec.

Lynne, S., Radley, K., Dart, E., Tingstrom, D., Barry, C. et Lum, J. (2017). Use of a technology-enhanced version of the good behavior game in an elementary school setting. Psychology in the Schools, 54, 1049-1063.

McKnight, K, O’Malley, K, Ruzic, R, Horsley, M. K., Franey, J. J. et Bassett, K. (2016). Teaching in a digital age : How educators use technology to improve student learning. Journal of Research on Technology in Education, 48(3), 194-211.

Nelsen, J., Lott, L. et Glenn, S. (2018). La discipline positive dans la classe : Favoriser l’apprentissage en développant le respect, la coopération et la responsabilité. Paris : Éditions du Toucan.

Parker, R. I. et Vannest, K. (2009). An improved effect size for single-case research : Non-overlap of all pairs. Behavior Therapy, 40, 357–367.

Sanchez, E., Young, S. et Jouneau-Sion, C. (2017). Classcraft : From gamification to ludicization of classroom management. Education and Information Technologies, 22(2), 497-213.

Tardif, M. et Mukamurera, J. (2017). La profession enseignante et sa formation. In M. Joanis et C. Montmarquette (dir.), Le Québec économique 7. Éducation et capital humain (p. 151-178). Québec : Presses de l’Université Laval.

Whitehead, T. (2004). What is ethnography ? Methodological, ontological, and epistemological attributes. EICCARS Working Paper. : University of Maryland, CuSAG.

Whittemore, R. et Knafl, K. (2005). The integrative review : updated methodology. Journal of advanced nursing, 52(5), 546-553.

[1Voici quelques-uns des descripteurs utilisés : game* OR play* OR ludi* OR gamif* OR Classcraft AND “classroom management” OR “classroom discipline” AND technolog* OR computer* OR tablet* OR mobile OR device* OR app* OR software* / ludi* OR jeu* OR Classcraft AND “gestion de classe” OR disciplin* AND technologi* OR numérique* OR ordinateur* OR tablette* OR cellulaire* OR app* OR logiciel*.


 

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