Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Un portfolio en école élémentaire

Une pratique pédagogique à la croisée de l’enseignement / apprentissage et de l’évaluation des compétences
samedi 8 décembre 2012 Christophe Blanc

Pour citer cet article :

Blanc, Christophe (2012). Un portfolio en école élémentaire, Une pratique pédagogique à la croisée de l’enseignement / apprentissage et de l’évaluation des compétences. Adjectif.net Mis en ligne samedi 8 décembre 2012 [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article199

Résumé :

Cette contribution rend compte d’une pratique de portfolio dans une classe d’école élémentaire et se propose de l’analyser à la lumière des travaux portant sur l’apprentissage situé. Son objectif est de réfléchir aux relations entre enseignement/apprentissage et évaluation des compétences d’une part, mise en œuvre et gestion des contenus d’autre part. Elle a fait l’objet d’une première présentation à la Biennale de l’éducation et à la journée de la section française de l’Admee en juin et juillet 2012.

Mots clés :

Portfolio, Compétences, Évaluation, Apprentissage situé, Contenus, France, Enseignement élémentaire

Apprentissage situé et communauté de pratiques

À la lumière de travaux portant sur l’apprentissage situé, il est intéressant d’examiner une pratique de portfolio en tant que pratique intégrant l’évaluation de compétences, tout autant que soucieuse des contenus abordés. La première partie de l’article étudiera les interactions entre ces divers objets de recherches. La seconde partie esquissera à travers quelques exemples les contours un retour d’expérience. Enfin la troisième partie reviendra sur le lien entre le dispositif du portfolio et les contenus d’enseignement/apprentissage.

Comment le sujet apprend fait partie de ce qu’il apprend. Ce postulat énoncé par Dewey fonde les travaux sur l’apprentissage situé (Brown, 1989). Pour leurs auteurs, l’apprentissage doit s’inscrire dans une situation pour que l’apprenant puisse lui donner sens. Situation qui doit, dans le cadre de cette théorie de l’apprentissage (Lave et Wenger, 1991), intégrer une dimension sociale. La notion de communauté de pratique (community of practise) dans l’exercice de pratiques sociales, collectives, est ainsi centrale dans cette approche. « Apprendre n’est plus conçu comme une activité individuelle mais prend place dans une structure de participation contrainte par les ressources sociales, matérielles et significationnelles de la situation » (Mottier-Lopez, 2006). Des propositions pédagogiques telles que les cercles de lectures (Giasson, 2005) existent et constituent de notre point de vue des mises en œuvre correspondantes à cette théorie. Ce positionnement questionne les contenus, engageant un glissement de l’opposition savoir/compétence vers le couple savoir scolaire/savoir social. Ces deux objets peuvent-ils se rejoindre dans l’espace scolaire ?

Enseigner et évaluer des compétences dans le cadre de l’apprentissage situé : le portfolio une approche plausible

L’approche par compétences implique une entrée par les situations plutôt que par les contenus : ce n’est qu’en situation que la compétence peut être validée et jugée pour sa performance. Pour De Ketele (2006), la compétence est un ensemble de capacités qui s’exerce sur des contenus, dans une catégorie donnée de situations, pour résoudre des problèmes posés par celles-ci. Il est consécutivement important de les préciser. Il s’agit de mobiliser des ressources pertinentes permettant ensuite d’identifier, d’activer et de combiner adéquatement des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être dans la perspective d’aboutir à un produit. Compétence et situation sont intimement liées.

De Ketele (2005) précise que « dans l’optique des compétences, évaluer consiste à proposer une ou des situations complexes (du latin complexus, « tissé ensemble »), appartenant à la famille de situations définie par la compétence, qui nécessiteront, de la part de l’élève, une production elle-même complexe pour résoudre la situation. »

L’évaluation des compétences est, au sein de l’institution scolaire, un véritable « défi » (Rey, 2012) souvent dévolu de facto au seul praticien à qui échoit la tâche de redéfinir et d’opérationnaliser la prescription institutionnelle sans grande aide tandis que l’on discute ailleurs (Crahay, 2006) de l’intérêt ou non « d’ériger la complexité inédite en norme ». Il reste que celle-ci (nous entendrons à la suite de Goigoux (2007), « tout ce que l’institution scolaire définit et communique au professeur pour l’aider à concevoir, à organiser et à réaliser son travail ») n’a pas dit ce que l’on devait considérer comme un enseignement/apprentissage de compétences, n’a pas caractérisé de situations de référence ni proposé de modèle pédagogique, n’a pas défini de pratique évaluative actualisée (individuelle ou collective). Par exemple, si l’on considère (Rey, 2002) que le travail de groupe augmente les capacités, savoirs, compétences d’un individu alors il serait justifié de le mettre en œuvre et de l’évaluer dans un même contexte. Le hiatus entre situation d’enseignement/apprentissage et situation d’évaluation n’est pas comblé.

À la suite d’Allal (1999), et dans une perspective située de l‘apprentissage, nous pensons que l’évaluation des compétences de l’apprenant peut contribuer au processus même d’acquisition et de consolidation des compétences. Si comme Mottier-Lopez (2006) l’affirme « l’évaluation est souvent isolée de toute interaction sociale » alors le dispositif de portfolio permet d’intégrer l’évaluation au processus d’apprentissage (Mottier-Lopez et Allal, 2004) tant pour « consolider les compétences » que pour leur donner corps.

On peut donc rechercher à fonder une communauté d’apprenants interagissant (Orellana, 2005 ; Brown, 2005) confrontée, sur le modèle d’une communauté scientifique, à des situations-problèmes, ou bien encore complexes, en ce sens qu’elles engagent les élèves à construire du lien (entre pairs, entre connaissances antérieures…) dans des situations qui dépassent la seule utilité scolaire, des situations qualifiées aussi d’authentiques. « Le but est d’accroître à la fois les connaissances individuelles et les connaissances distribuées et collectives qui concourent à l’émergence d’une compréhension vue comme socialement reconnues et partagées entre les membres d’une communauté classe » (Mottier-Lopez, 2006)

Le portfolio se définit généralement comme une collection de travaux réalisés par un élève dans un but précis (Scallon, 2007). Il s’agit de dossier d’apprentissage, de dossier de présentation ou encore de dossier d’évaluation.

Nous l’envisageons pour notre part comme un recueil bi-média (possédant une interface numérique) de travaux originaux, significatifs, et intégrés, qui forme un ensemble de réussites situées et socialisées, organisé à une fin de co-évaluation de compétences et de réflexivité, et conçu dans une dynamique systémique.

Les travaux archivés sont :

 originaux en ce qu’ils font état d’un engagement personnel dans une tâche originale complexe au cours de laquelle l’élève a mobilisé et mis en relation des connaissances.

 significatifs en ce qu’ils révèlent une appropriation de connaissances et une mobilisation de celles-ci. Ils le sont également pour l’élève qui pourra dire pour chacun des travaux ce qui est appris et en quoi c’est important.

 Des réussites, intégrées et situées qui renvoient à un référentiel d’apprentissage explicite. Elles sont intégrées dans une pratique régulière de classe prise comme un système et non comme un ensemble de satellites indépendants (ex du C2i-2e dans les masters PE). Elles font état de la maîtrise de procédures mais aussi de la capacité à choisir, dans les situations proposées, les traits pertinents à sa résolution (Mottier-Lopez, 2009, p. 157). Les travaux collectés reposent donc sur une mise en œuvre de situations complexes. Cet ensemble de travaux permet à l’élève de prendre conscience non seulement de ses apprentissages mais aussi des attentes de son enseignant (acquérir les compétences du socle, par exemple).

En ce qu’il est une collection de réussites déjà validées, le portfolio offre aux parents d’élèves de pouvoir considérer pour eux-mêmes et hors de toute surévaluation de leur part, les apprentissages de leurs enfants et la façon dont ils le matérialisent (article de parents dans Blanc, 2011). Cette piste permet d’ouvrir un vaste champ de réflexion sur l’intégration des parents d’élèves dans les processus d’accompagnement et de socialisation des apprentissages, permettant de renforcer ou de redonner du sens aux apprentissages scolaires des enfants.

L’élève construit son document avec éventuellement l’aide de pairs, effectuant des allers retours guidés par l’enseignant. Puis, il le présente au groupe de pairs. L’interaction qui en découle lui permet de préciser son travail, et de revenir dessus. La mutualisation des travaux contribue à former une sorte d’intelligence collective et à faire du groupe de pairs une ressource cognitive supplémentaire. Le portfolio revêt ici une finalité sociale de communication interne (au sein de la classe lors de présentations) et externe (avec en premier lieu les parents) qui dépasse la seule évaluation scolaire.

C’est la raison pour laquelle il nous semble intéressant de ne pas distinguer les diverses fonctions du portfolio d’apprentissage, d’évaluation ou de présentation ; tous les travaux ayant leur importance. Ils sont la trace d’un travail particulier de présentation et de re-présentation donc d’une appropriation réflexive des connaissances engagées et de leur finalité.

Deux raisons complémentaires à cette globalisation des fonctions :

  • Le dispositif intègre de fait l’évaluation à l’apprentissage comme processus co-construit et négocié.
  • De par la nature complexe des travaux archivés, le portfolio relève d’une dynamique systémique et non d’un processus linéaire : apprentissage puis évaluation.

L’élève présente dans son portfolio des réussites. Cet aspect revêt une forte dimension conative (contexte de soi…). De nombreux travaux mettent en lumière le poids de l’évaluation scolaire dans les biographies individuelles : elle y est rarement évoquée comme positive, mais par contre elle l’est toujours comme un rappel de norme. Le portfolio se pose en médiateur : la norme n’est pas seulement visée, ce qui l’est davantage c’est la construction d’un rapport constructif à l’évaluation. Les travaux sont négociés et co-validés avec l’enseignant, mais également avec les pairs puisque selon notre approche, un document du portfolio doit être socialisé, à la différence de toutes les évaluations traditionnelles. Le rapport à l’évaluation (la disposition d’un sujet envers l’évaluation qui met en jeu son histoire entière) s’en trouve modifié.

Enfin, tous les temps de dialogue entre l’élève et l’enseignant constituent l’évaluation… du document et non pas de l’élève en soi qui devient co-évaluateur. L’enseignant guide l’élève à analyser son travail, à formaliser les critères de réussite et à cerner les compétences mobilisées pour les rendre plus explicites. L’enseignant peut également amener l’élève à consigner un travail inachevé mais dont la procédure apparaît remarquable. C’est donc un recueil de produits mais aussi de processus d’apprentissage.

Comme l’indique Mottier-Lopez (2006), c’est la relation entre la situation et la production de connaissances que nous cherchons donc à mettre en œuvre. La situation coproduit les connaissances à travers l’activité qui prend place dans la situation. Une caractéristique de telles situations horizontales pourrait donc être de dépasser l’espace scolaire pour se rapprocher de l’espace social via une forme d’évaluation (co-évaluation) qui s’insère pleinement dans le processus d’enseignement/apprentissage.

Pratique pédagogique de portfolio

Éléments de contexte :

Dans notre pratique enseignante, nous avons mis en œuvre un tel dispositif. Cette pratique s’inscrit dans le contexte particulier d’une classe « ni- ni- » : soit une population d’élèves hétérogène tant sur le plan socio-économique (école implantée dans un quartier plutôt favorisé mais accueillant une population hébergée dans les très nombreux logements sociaux alentours) que sur le plan culturel.

Les travaux présentés dans ce paragraphe ont été produits par des élèves d’une classe de Cm1. La classe est équipée d’un poste relié à Internet (dotation municipale), d’un poste non connecté (poste personnel) et de plusieurs postes récupérés (15 ans d’âge). Les technologies font partie intégrante de la pratique de l’enseignant qui utilise, et fait utiliser par ses élèves, une tablette numérique couplée à un vidéoprojecteur quotidiennement. Tous les élèves ont validé le B2i avant la fin de l’année de Cm1. La familiarité des élèves avec les outils numériques est donc importante du fait de cette pratique. Une clé USB a été attribuée à chaque élève sur les crédits de la coopérative de classe pour les ateliers portfolio entre autres.

Dans l’organisation pratique de la classe, deux créneaux horaires (d’1 à 1 h 30), hebdomadaires, sont réservés à la constitution et à l’édition de documents réservés au portfolio. Durant ces temps, les élèves choisissent un atelier thématique (par exemple : lecture de romans, élaboration d’expériences scientifiques…) parmi une large offre et ce, pour une durée maximale de 3 semaines (dans le cas décrit ici). Au cours de ces temps réservés, quelques élèves présentent à leurs pairs des travaux « candidats » au portfolio. Lorsque les travaux sont évalués positivement par l’élève et l’enseignant, ils sont placés dans le portfolio qui se compose de deux interfaces se recoupant pour partie. Une interface papier permet de matérialiser physiquement le portfolio. Une interface numérique permet de disposer d’un accès à des documents numériques (sons, vidéos, documents multimédias…). Tous les documents sont regroupés sur le site personnel [1] enfanticages.com dans un espace parents. L’accès en est protégé par mot de passe, certains documents mettant en scène les élèves. La page d’accueil est constituée d’hyperliens attachés aux prénoms des élèves et ouvrant sur le portfolio personnel de chacun d’eux.

Le portfolio personnel de l’élève s’ouvre sur une page représentant les compétences travaillées à l’école et dont la maîtrise est attendue en fin de cycle. Afin de donner corps à ce travail particulier sur l’évaluation, nous avons ajouté la 8e compétence annoncée dans le projet européen [2] : « Apprendre à apprendre ». Lorsqu’un élève souhaite faire figurer un document, il indique la compétence qu’il a prioritairement mise en avant. Il est sans doute légitime de pouvoir estimer qu’un document a mobilisé plusieurs compétences ; les entretiens avec les élèves le montrent souvent. Par exemple, tous les documents étant présentés sous forme numérique, les élèves mobilisent donc la compétence 5 à chaque fois. Nous avons privilégié le choix d’une référence à une seule compétence pour engager le dialogue avec l’élève au moment de la co-évaluation du document sur le sentiment de compétence. « Mon document est plutôt à classer dans telle compétence parce que j’ai réalisé telle action, j’ai eu recours à telle ressource, pour le construire. J’ai donc développé prioritairement telle compétence dans tel domaine. »

Cliquant sur le lien « mes documents » l’élève accède à ses documents. Pour chacun d’eux un numéro rappelle celui de la compétence mobilisée. Les divers documents de l’élève sont consultables aux formats. pdf (pour le texte),. mp3 (pour le son),. wav (pour la vidéo) ou. jpg (pour les images). Ils ont tous été socialisés (présentés aux pairs), parfois construits avec des pairs avant d’être placés dans le portfolio.

À ces portfolios individuels sont associés des portfolios collectifs constitués par type d’ateliers. Un ajustement est éventuellement réalisé après cette communication. Après accord de l’élève et de l’enseignant, le document candidat est publié sur le site et, en format papier, rejoint le portfolio personnel de l’élève. Cette manière de faire permet de constituer des portfolios collectifs, sorte de mémoire de la communauté d’apprenants.

Contenus

Tout dispositif innovant doit être analysé sous l’angle des contenus qu’il met en scène sous peine de rester dans une innovation teintée de mode.

Les travaux présentés dans ce paragraphe ont été produits par des élèves issus de la même école que celle présentée infra : même classe pour le second exemple, autre classe pour le premier (mais même enseignant). Le premier exemple est celui d’un document placé dans le portfolio d’un élève de CP.

Ce document est réalisé au cours de la première période d’enseignement (septembre-octobre). Andrea est un élève qui déchiffre très bien. Il entreprend de lire à voix haute un texte correspondant à une réécriture collective du conte de Boucle d’Or. Cette réécriture s’inscrit dans une pratique intégrative de l’enseignement de la lecture et de l’écriture. Il a fait l’objet d’un travail de planification, de mise en texte et de révision (cf. cadre conceptuel de Hayes et Flower, 1980) correspondant à un apprentissage de la production de texte (Allal in Crahay, 2010). Au cours du travail d’écriture, différentes phases ont été consacrées à la compréhension du conte Perfetti (1985) ayant montré la corrélation forte entre le traitement du langage oral et la compréhension en lecture, au traitement syntaxique s’appuyant sur l’oral (quelle phrase as-tu envie d’écrire ?) permettant de planifier l’écriture, au travail d’encodage/décodage (les deux s’enrichissant mutuellement), à la lecture (traitement des mots (identification/reconnaissance) et groupes de sens) (Blanc, 2010)). La proposition d’Andrea de lire le texte à haute voix intervient en fin de processus. Il s’est exercé à lire le texte (composé d’une dizaine de lignes) qu’il connaît. Sa lecture est donc évaluée sur la précision du décodage (gestion des reprises…) mais aussi sur le respect des groupes de sens. Elle participe de sa compétence de lecteur. A ce titre le document sonore produit justifie de prendre place dans son portfolio.


Le second exemple est celui d’un document placé dans le portfolio d’une élève de Cm1. Bintou est en attente d’un positionnement dans une classe de CLIS (option retard d’apprentissage). Elle a choisi un atelier consacré à la lecture d’un documentaire historique (sur Jules César). Cet atelier propose aux élèves de lire un documentaire, d’écrire une question à poser et d’y répondre de façon argumentée. Elle s’est donnée comme tâche de répondre à la question « pourquoi a-t-on tué Jules César ? ». Elle a su se faire aider de ses pairs pour venir à bout de cette tâche au niveau de la lecture du documentaire de la rédaction de la question et de sa réponse qu’au niveau de la réalisation finale du produit.

Ne sachant pas insérer une image dans un document texte, elle a demandé à des pairs de le lui montrer et de l’aider à le réaliser. Elle a intégralement saisi le texte et effectué la mise en forme. La validation est intéressante à détailler. Au cours d’une visite au musée du Louvre, la classe est passée devant la statue de César (située dans la cour Puget). Un élève s’est souvenu du travail de Bintou et lui a demandé si elle pouvait expliquer ce qu’elle avait fait. Bintou a alors expliqué très sobrement les raisons de l’assassinat de César. Elle a décidé de placer son document sous la compétence 4 (culture humaniste) dans son portfolio au motif qu’elle avait pu devenir conférencière l’espace d’une œuvre.

Les contenus qui sous-tendent cette activité correspondent à un projet didactique portant sur la lecture de textes intégraux, non exclusivement narratifs. Le statut de la question (cf. Giasson, 1991) est questionné : c’est à l’élève de choisir une question à poser au texte qu’il lit et c’est aussi à lui d’en proposer la réponse. Plutôt que de chercher à vérifier une compréhension a priori, la recherche de l’enseignant correspond à observer le type de question que l’élève se pose sur le texte qu’il lit et les éléments qu’il sélectionne pour y répondre. La question qu’il se pose reflétant en somme une partie de sa compétence de lecteur (choisit-il des éléments littéraux, ou davantage implicites ?). Ce travail de questionnement d’un texte faisant lui-même l’objet d’un enseignement explicite.

Conclusion et perspectives de recherche

La pratique du portfolio constitue de notre point de vue une opportunité intéressante de mise en relief des savoirs. Il intègre une réflexion sur les contenus et sur les situations ; évaluation (unipersonnelle mais aussi collective comme dans le cas des élèves ayant aidé Bintou) et enseignement/apprentissage par l’enseignant et les pairs. Il constitue, à ce titre, une démarche pédagogique prometteuse, en cohérence avec une conception située de l’apprentissage. Le portfolio renverse le rapport à l’évaluation et affirme que l’évaluation est une composante essentielle de l’apprentissage, sans pour autant laisser de côté la question essentielle des contenus dont la maîtrise peut être constatée par d’autres voies plus traditionnelles. Un axe de travaux que nous conduisons à ce jour avec une équipe de formateurs dans une école supérieure du travail social nous conduit à observer que les changements de rapport au savoir réalisés en équipe sont de nature à contribuer à un enseignement moins morcelé et une mise en synergie de l’évaluation au niveau de l’équipe des formateurs. Cette pratique pédagogique permet in fine de questionner la place et la spécificité éventuelle d’un enseignement/apprentissage de compétences dans le champ scolaire élémentaire en prenant pour point de départ de la réflexion celui de l’évaluation.

Nos perspectives de recherche (en classe d’école élémentaire) portent sur plusieurs aspects complémentaires permettant à terme de déboucher sur des propositions d’ingénierie pédagogique :

  • Comment les contenus des ateliers proposés aux élèves sont-ils pensés et construits (quelles familles de situations sont pensées ?).
  • Comment sont collectés et analysés les processus de résolution des élèves y compris les phases de communication des travaux au groupe de pairs, afin que le seul produit ne soit pris en compte.
  • Comment les élèves les plus fragiles trouvent-ils leur place (constitution d’ateliers les plaçant dans une relative sécurité, prise en charge d’une partie de la tâche réalisée alors en coopération…) dans une dynamique de différenciation pédagogique ?
  • Quel apport cette pratique a-t-elle en termes d’accroissement de compétences individuelles mais aussi collectives par rapport à une pratique plus traditionnelle (hormis les aspects motivationnels qui sont déjà – ce qui est non-négligeable en soi déjà- unanimement soulignés) ?
  • Comment cette pratique particulière contribue-t-elle à modifier le rapport au savoir et à l’évaluation de l’enseignant (jusque dans le versant de la communication aux familles) dans sa pratique toute entière ? L’évaluation peut-elle être envisagée sous d’autres modalités que le seul mode unipersonnel ?

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Article version PDF

[2Commission des Communautés Européennes Rapport COM(2009) 640 « Les compétences clés dans un monde en mutation » nov. 2009


 

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