Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

De la représentation des systèmes de sécurisation au sentiment d’insécurité avec l’implantation d’Espaces Numériques de Travail

jeudi 23 août 2012 Magali Loffreda

Lors d’une enquête dans le cadre du projet ENEIDE (Espace Numérique Éducatif Interactif de Demain) concernant la sécurisation des accès aux ENT, des entretiens réalisés dans cinq établissements contrastés ont permis de soulever différents problèmes liés à la mise en place ou à l’utilisation des ENT : pluralité des outils et des services utilisés en parallèle ou en complément, craintes exprimées par les acteurs, questions de communication, remise en cause de la formation à distance et de la formation en présentiel, hybridation des informations, etc.

Introduction

À l’heure où les établissements scolaires se voient dotés en Espaces numériques de travail (ENT), les questions se posent des possibilités qu’un tel outil peut offrir en termes pédagogiques, et de la relation entre l’école et l’extérieur. L’ENT repose sur une idée ambitieuse d’ancrer les établissements dans la modernité, d’ouvrir les frontières de l’école, de palier aux difficultés de l’échec scolaire, et s’inscrit dans le sillon des utopies liées à l’informatique : gain de temps, accessibilité, facilitation des échanges, résolution plus efficace des problèmes, etc.

Cet article présente une synthèse d’un travail effectué sous l’égide du laboratoire STEF de l’ENS-Cachan dans le cadre du projet ENEIDE (Espace Numérique Éducatif Interactif de Demain) concernant les questions de sécurisation des accès aux ENT. Des entretiens réalisés dans cinq établissements contrastés (lycées, collège, réseau ambition réussite…) ont permis de soulever différents problèmes liés à la mise en place ou à l’utilisation des ENT. L’objectif était de recueillir les avis des usagers concernant différents scénarios de sécurisation des accès aux ENT capables de fournir aux utilisateurs à la fois un moyen d’authentification et une sécurité optimale. Mais la question de la sécurisation des accès et de l’authentification dépasse de loin la notion de départ de cette étude, à savoir la sécurité en termes de protection technique, et glisse vers la problématique du sentiment de sécurité/insécurité, avec en relief la peur du « flicage » et des contraintes pouvant peser sur la liberté pédagogique, principalement dans les établissements non dotés d’un ENT. Les acteurs et/ou utilisateurs potentiels se demandent comment l’ENT va s’intégrer au sein de la communauté éducative et comment ce dernier va redistribuer les rôles notamment en termes de gestion du système.

Présentation de l’enquête

Pour cette enquête concernant la sécurisation des accès — et plus largement les questions de sécurité — il ne s’agissait pas seulement de proposer aux établissements des scénarios de sécurité différents, mais d’ouvrir le débat sur des questions plus larges tenant compte des perceptions des usagers. Il s’agissait aussi d’avoir à l’esprit les droits que ces accès recouvrent, connaissant la multiplicité des profils des utilisateurs au sein d’un établissement scolaire sans compter les élèves et les parents d’élèves. Si un ENT permet le dépôt et la consultation de données dites « sensibles » (telles que les notes, les bulletins ou les absences ; concernant les cours et les devoirs, leur mise en ligne pose problème dans la mesure où ces derniers pourraient être partagés [1]), il faut penser aux possibilités de lecture et de modification de ces données, mais également à leur stockage et à leur conservation.

Plusieurs définitions du mot sécurité existent. Sous le terme « sécurité » se manifeste un état d’esprit confiant et tranquille. La sécurité est donc d’abord liée à un sentiment. Mais le mot sécurité peut aussi se comprendre en termes de protection, d’autorisation ou d’interdiction. Lorsque l’on parle de sécuriser un réseau, il s’agit d’interdire l’entrée, dans une machine, à ceux qui n’y sont pas autorisés. Selon la norme ISO 12207, la sécurité est la « protection de l’information et des données afin qu’elles ne puissent pas être lues ou modifiées par des personnes ou des systèmes non autorisés, alors que l’accès n’en est pas refusé aux personnes ou systèmes habilités ».

Au cours de notre enquête, nous avons pu voir comme les deux définitions s’imbriquaient, et qu’il est difficile de penser la sécurité simplement en termes de certificats et de procédures, car il y est également question de confiance et de droits. L’accès aux ENT n’est pas qu’une question d’ordre matériel et logiciel, mais pose aussi des questions légales et éthiques.

Nous avons donc enquêté dans plusieurs établissements aux profils différents. Une première distinction s’effectue entre établissements qui possèdent un ENT [2] (et qui font partie des premiers à l’avoir expérimenté), et ceux [3] qui n’en ont pas, ou bien dont la phase d’installation est en cours. Pour ces derniers, il est à noter que le débat sur les ENT est un sujet relativement sensible soulevant de nombreuses questions de la part de la communauté enseignante. D’ailleurs, nous le verrons, les attentes en termes de sécurité ne sont pas les mêmes selon qu’un établissement est équipé ou non d’un ENT.

1.1 Les différents scénarios de sécurité

Sept scénarios de sécurisation des accès (identifiant seul, mot de passe, certificat sur clé USB…), prenant en compte les recommandations du Schéma directeur des ENT (SDET), ont été élaborés en tenant compte des différents profils — et donc des rôles leur étant attribués — des membres de la communauté éducative. Ces scénarios ont évolué au fil des discussions afin de s’adapter aux réactions des usagers consultés. Cinq groupes ont été définis pour l’élaboration de ces scénarios : les élèves (définis comme des « utilisateurs majoritaires »), les parents, les professeurs (qui ont accès à des données « sensibles »), les personnels administratifs, le rectorat. On y ajoute l’administrateur qui prend en charge le système.

Concernant la supervision du système, plusieurs possibilités ont été envisagées ; il s’agit de déterminer qui détiendra les droits pour générer les profils et envoyer les certificats : gestion par un partenaire extérieur (société tierce,…), gestion par le rectorat, gestion par l’établissement en lien avec le rectorat (auprès duquel il faut faire la demande de certificat ou la création d’un utilisateur), gestion indépendante de la part de l’établissement. Il ne s’agissait là que de propositions qui permettaient, soit de se projeter dans une situation afin de déterminer si elle correspond aux besoins des usagers d’un établissement scolaire, soit de comparer avec les systèmes déjà existants et de proposer une autre gestion, sachant que sur ces questions de supervision, le débat est assez vif.

Les différentes réunions autour des scénarios nous ont permis de faire émerger des difficultés, des contraintes et des points spécifiques qui n’avaient pas été pris en compte, notamment le cas des titulaires en zone de remplacement (TZR) mais également des personnels de santé (médecin scolaire, infirmières), des assistantes sociales et des conseillers d’orientation qui travaillent la plupart du temps sur plusieurs établissements, ce qui conduit à repenser la gestion de leur moyen d’authentification et la distribution de ce dernier.

1.2. Méthodologie de l’enquête

À partir des scénarios envisagés, nous avons élaboré un canevas d’entretien tenant compte des caractéristiques et des spécificités éventuelles propres à un établissement et des besoins des usagers. Il s’agissait de lister les questions essentielles concernant la sécurité : Que pensez-vous d’un certificat sur clé USB ? Qui pourrait s’occuper de la distribution des clés USB ?, etc. Le canevas retenu permettait de mener des entretiens de type conversationnel et d’élargir le débat, notamment sur des questions d’usages qui nous semblent liées aux questions concernant la sécurité.

Au total, 101 entretiens ont été menés reposant sur l’ensemble de la communauté éducative et principalement des enseignants (49 enseignants). Les entretiens ont tous été enregistrés.

La première collecte de donnée s’est déroulée dans deux établissements n’ayant pas encore intégré un ENT (octobre-décembre 2009).

Parallèlement, nous avons mené, avec une autre enquêtrice, une grande enquête entre le 23 et le 27 novembre 2009, auprès de deux établissements de la région Alsace, dans le département du Haut-Rhin, ayant déjà fait l’objet d’enquêtes antérieures par le laboratoire STEF. Ces établissements ont été choisis parce qu’ils disposent tous deux d’une solution ENT spécifique (Liberscol et Scolastance). Les entretiens ont été planifiés par les personnes ressources informatiques (PRI) des deux lycées. Cependant, nous avons pu également recueillir l’opinion de personnes qui n’étaient pas initialement prévues.

Enfin, pour compléter les données, nous nous sommes rendues (toujours accompagnée de l’autre enquêtrice) dans un collège situé en banlieue parisienne ayant également fait l’objet d’une enquête antérieure par le laboratoire STEF, et possédant un ENT (Cartable en ligne). Les entretiens ont été planifiés et encadrés par le PRI, mais nous avons également pu rencontrer d’autres personnes qui ont bien voulu répondre à nos questions (10 décembre 2009).

Au cours de nos enquêtes, des usagers de différents profils ont pu être rencontrés et entretenus : personnels de direction, personnels enseignant — même si nous avons relevé que les entretiens planifiés par les PRI ou le chef des travaux faisaient majoritairement appel à des professeurs des disciplines scientifiques, ou des filières technologiques et professionnelles — personnels d’éducation, personnels TOS, parents d’élèves et élèves.

Cependant, il ne fut pas toujours facile d’expliquer l’objectif de notre enquête car un certain nombre des membres de la communauté éducative n’arrivaient pas à cerner notre rôle et le but de notre mission. En effet, étant donné le sujet, bien ancré dans les débats actuels, notre mission est parfois apparue comme politique avec l’objectif de rogner sur la liberté pédagogique des enseignants, ou commerciale avec comme principal but la vente d’un nouvel outil.

Résultats

2.1 Les questions de sécurisation des accès

Nous avons pu relever que les questions, les problèmes et les a priori n’étaient pas les mêmes selon que les établissements disposent ou non d’un ENT.

Dans les établissements qui n’ont pas encore expérimenté d’ENT ou dont l’installation est récente, les usagers ont des appréhensions vis-à-vis de l’outil. Les craintes reposent à la fois sur la sécurisation des données (cours, documents), perçues comme sensibles, mais aussi sur l’impact de l’outil en terme de liberté pédagogique (peur du contrôle par les personnels d’inspection ou par les parents) et sa possible influence sur la préparation des séquences de cours ou de travaux pratiques :

« On a la crainte de perdre… cette souplesse… […] Ce que vous nous décrivez là c’est presque secondaire par rapport à… euh… comment, enfin ça va chambouler… enfin est-ce que ça va chambouler ou pas la façon de travailler qu’on a mis au point et qui fait qu’on est bien avec… » (Professeur secteur technique, Lycée d’Essonne)

Dans ce contexte, les questions de sécurisation des accès ont largement débordé le cadre pragmatique des besoins matériels pour se focaliser sur l’importance de penser la sécurisation en termes de profils et de droits (droit en lecture, droit de modification), en paramétrant le système de façon à ce qu’il n’interfère pas sur les missions des différents acteurs et usagers des milieux scolaires tout en facilitant la communication.

Les personnels de direction attendent, quant à eux, que la région distribue les moyens pouvant leur permettre de créer un schéma directeur pertinent qui sera en accord avec la politique nationale (utilisation des TIC, modernisation, homogénéisation…). Ces derniers sont prêts à assumer la supervision du système, et notamment à s’occuper de la distribution et de la gestion des codes ou des certificats. Mais il reste cependant à assurer la fiabilité totale de l’ENT.

Dans les établissements dotés d’un ENT, la question de la sécurisation n’est pas primordiale. Bien qu’il y ait encore quelques réticences quant à l’utilisation de l’outil, les usagers éprouvent peu de craintes concernant le système, celui-ci étant jugé fiable et suffisamment sécurisé, grâce notamment à l’intervention des PRI qui supervisent le système [4]. Les données qui sont déposées sur l’ENT ne sont pas considérées comme sensibles.

Concernant plus spécifiquement la sécurisation des accès à l’ENT, les établissements non dotés en ENT sont plutôt en faveur de la clé USB ou d’un double niveau de sécurisation (identifiant ET mot de passe + certificat sur navigateur, ou certificat sur clé USB). Mais il réside une difficulté en matière de sécurisation des accès pour les élèves et les parents d’élèves tant en terme de gestion (gestion des mots de passe, perte des clés USB, etc.) qu’en terme de sécurité vis-à-vis des données sensibles postées par les enseignants et l’administration (droits de lecture seulement ?).

Pour les établissements dotés d’un ENT, les systèmes fonctionnent déjà avec plusieurs profils d’usagers : profil administrateur, profil directeur, profil CPE, profil secrétariat, profil professeur, profil élèves, profil intervenants divers (Liberscol). Les PRI cumulent, quant à eux, plusieurs profils : un profil administrateur des comptes et des classes, un profil professeur et un profil directeur. L’administration et la vie scolaire ont un profil directeur.

En ce qui concerne les moyens d’authentification, la connexion à l’ENT se fait via un identifiant et un mot de passe. Les codes « enseignants » sont distribués à la rentrée, par publipostage et sur le serveur, dans les casiers, ou encore remis en mains propres à la rentrée aux enseignants nouvellement arrivés. Ils sont valables tout le long de la carrière de l’enseignant au sein de l’établissement mais ces derniers peuvent les changer, excepté pour Cartable en ligne. Cependant de nouvelles normes de sécurité imposées par les éditeurs des ENT impliquent le changement des mots de passe : les codes doivent comporter un chiffre et des caractères spéciaux et la casse est prise en compte. Cette solution est parfois contraignante pour certains enseignants, d’où, pour certains, l’utilité d’avoir un mot de passe « universel ». Mais cette solution n’est pas envisageable par tous les membres de la communauté éducative qui préfèrent conserver plusieurs codes d’accès en cas de virus ou de piratage du système de crainte qu’un seul mot de passe soit le « sésame » permettant l’accès à toutes les données.

Mais dans l’ensemble, nous avons pu relever que beaucoup de personnels enseignants et d’éducation n’éprouvaient pas spécialement de craintes (piratage, falsification, pertes) concernant les données postées sur l’ENT car celles-ci ne sont pas perçues comme sensibles ou critiques :

« Qu’est-ce qu’il y a à voler ? Qu’est-ce qu’il y a à voler sincèrement ? » (Enseignant de mathématiques du lycée utilisant Liberscol)

À la limite, certains enseignants craignent plus le piratage du réseau dans la mesure où ils stockent plus de données sur le réseau que sur l’ENT. Ainsi, dans les établissements avec ENT, l’identifiant et le mot de passe sont perçus comme suffisants comme moyens d’authentification du fait que les données ne sont pas perçues comme sensibles.

2.2 Multiplicité des acteurs et absence de représentation ou de prise en charge par l’ENT

La question de la sécurisation des accès a fait remonter le constat que nombre d’acteurs de la communauté éducative n’avaient pas de profil sur l’ENT, l’un des problèmes majeurs restant la connexion par les élèves et les parents d’élèves.

Dans les deux établissements de la région Alsace, il n’y a pas de codes « familles ». C’est aux élèves de donner les codes à leurs parents. Pour ces établissements, le fait de ne pas donner de codes aux familles repose sur un choix en partie lié à la « peur » de l’intervention des parents dans le système éducatif :

« Ben c’est un choix parce que c’est pas évident au départ pour les profs et l’administration […] que tout va être vu par les parents, le retour des parents ça fait peur, le contrôle qu’il y aura par les parents, ça fait un peu peur quand même… » (PRI qui gère Liberscol)

Ceci suscite un certain nombre de problèmes, car beaucoup d’élèves ne transmettent pas leurs codes sous prétexte, d’après leurs propos, qu’ils préfèrent que les parents n’aient pas accès aux notes :

« Non […] Comme ça ils sont pas au courant de tout. On va dire, les notes […] ça se voit moins dans la moyenne [sur le bulletin]… » (Élève de Terminale ES).

L’accès des parents à l’ENT entraîne donc une polémique et certains enseignants trouvent « aberrants » que les parents ne puissent avoir accès à un outil censé faciliter les échanges dans et hors les murs de l’école :

« C’est quand même, entre guillemets, une aberration parce qu’on favorise le cartable numérique, on met les notes sur Liberscol et les parents n’ont pas accès […] » (Enseignantes d’anglais)

On a pu également relever que les personnels ATOS sont absents par défaut de l’ENT car ces derniers n’ont pas de compte. Cependant, on nous a souligné qu’ils n’en avaient pas fait la demande. Quant aux assistants d’éducation ils utilisent les codes du CPE afin de pouvoir gérer les absences.

2.3 Prolifération et superposition des outils

Au cours de notre enquête, il nous fut parfois difficile de cerner les systèmes et les applications déjà existantes dans certains établissements du fait de la confusion entre les outils et les applications disponibles. Dans le collège où est installé Cartable en ligne, il semble y avoir une confusion entre l’ENT et l’application « cahier de texte ». Un autre établissement qui envisage l’installation de ce système ne le perçoit pas comme un ENT. Enfin, beaucoup de logiciels se superposent à l’ENT (logiciels de gestion de la vie scolaire, logiciels de création de documents pédagogiques, plateformes, sites web personnels…) sans compter le support papier traditionnel encore omniprésent. De fait, les ENT semblent aussi constituer une « menace » envers les autres applications et logiciels disponibles utilisés par les professeurs, ce qui fait donc craindre leur arrivée au sein des établissements.

L’arrivée d’un ENT est également problématique dans la mesure où il semble se superposer, voire remplacer l’utilisation de certains logiciels, notamment des logiciels de création de cours, ou encore des sites personnels auxquels les enseignants sont attachés, soit parce qu’ils les ont créés, soit parce qu’ils sont intégrés à leurs habitudes de travail.

Par ailleurs, comme nous avons pu le constater, d’autres dispositifs informatiques (logiciels, sites internet, plateformes…) existent et leurs utilisations se superposent ou se substituent à celle de l’ENT :

  • Logiciels de gestion des dossiers des élèves et des personnels et de gestion des dossiers administratifs enseignants,
  • Logiciels de gestion des emplois du temps,
  • Logiciels de gestion des absences,
  • Logiciels de gestion des notes et d’édition des bulletins,
  • Logiciels de gestion de la cantine et des stocks en restauration scolaire,
  • Logiciels de saisie des indemnités,
  • Logiciels de gestion des examens et concours,
  • Logiciels de gestion financière et comptabilité,
  • Logiciels de réservation de salle,
  • Les suites bureautiques Microsoft Office, Open office et iWork,
  • Ainsi que de nombreux logiciels, sites (sites d’enseignants, sites académiques…) et plateformes utilisés par les professeurs de discipline.
    Il existe également plusieurs répertoires via les serveurs sans compter les ressources et les rubriques disponibles sur les sites internet des établissements. À ces dispositifs informatiques se superpose le support papier (carnet à souche pour les absences, brèves d’information, cahiers de texte…) utilisé pour sa maniabilité. Les Centres de documentation et d’information (CDI) possèdent quant à eux une rubrique ou un espace sur le site internet des établissements, ou bien un portail Netvibes.

Conclusion

Nous pouvons de nouveau souligner que les attentes en matière de sécurité sont différentes selon que les établissements ont installé ou non un ENT. En effet, les personnels des établissements possédant un ENT n’ont pas de craintes concernant d’éventuels piratages du système, tandis que dans les établissements sans ENT, la question de la sécurisation des données personnelles est prédominante. La peur du « flicage » entre en compte dans les réserves émises.

La question de la sécurisation des accès soulève également des questions d’ordre éthique voire juridique, notamment pour garantir la confiance dans le système. Le paramétrage des dispositifs pose en effet des questions pour le moins délicates [5], c’est pourquoi certains enseignants demandent une séparation entre le pédagogique et l’administratif et la création de profils tenant compte de la spécificité des statuts de chacun, surtout concernant les droits de lecture et de modification. Quant aux parents, malgré le souhait revendiqué par les chefs d’établissement de faciliter la communication entre l’établissement et les familles, ces derniers restent en marge et doivent négocier les codes avec leurs enfants pour consulter les informations postées sur les ENT [6].

Concernant les usages, nous pouvons souligner comme E. Voulgre [7] les écarts existants entre usages prescrits et usages réels. La multiplicité des dispositifs existants et des logiciels non-intégrés à l’ENT sans même compter l’omniprésence du papier, et la concurrence qui s’établit de fait, explique en partie la difficulté pour les usagers à définir et à cerner ce qu’est un ENT, et conduit à des confusions (par exemple avec le module « cahier de texte »). Mais plus spécifiquement, en ce qui concerne le domaine pédagogique, un certain nombre d’enseignants préfèrent encore passer par leurs sites web personnels, d’autres logiciels ou encore des plateformes pour éditer des cours et partager des documents. Cette préférence s’explique parce qu’elle repose sur des habitudes de travail mais aussi parce que les enseignants trouvent là un moyen d’échapper à un contrôle possible de l’institution. On a relevé cependant un hiatus entre les discours, plutôt sceptiques, et les actes puisque les enseignants sont nombreux à utiliser les modules présents dans les ENT et insistent pour avoir plus de formation [8]. Cette absence de formation n’incitent d’ailleurs pas ces derniers à utiliser l’outil. Comme le souligne E. Voulgre, le potentiel pédagogique en lien avec les dispositifs ENT n’est donc pas pleinement exploité (Voulgre, 2012). Et sous la question de la sécurisation des accès aux ENT et de la gestion des profils se dessine celle des acteurs auxquels on impose des outils sans tenir compte de leurs pratiques.

Références bibliographiques

  • BRUILLARD Éric (2011). « Le déploiement des ENT dans l’enseignement secondaire : entre acteurs multiples, dénis et illusions » [En ligne]. In Revue française de pédagogie, n°177, oct.-déc. 2011, mis en ligne le 11 décembre 2015. URL : http://rfp.revues.org/3410 (consulté le 12 août 2012)
  • CARON Bernard, CARRON Thibault, CHABERT Ghislaine & al. (2003). « L’espace numérique de travail du « cartable électronique » » [En ligne]. In TICE 2004 : actes du Colloque « Technologies de l’information et de la connaissance dans l’Enseignement supérieur et dans l’Industrie », Compiègne, 20-22 octobre 2004, Université de Technologie de Compiègne, 2004, p. 415-423. Site Archive EduTice. URL : http://edutice.archives-ouvertes.fr/docs/00/02/76/01/PDF/Caron_Carron.pdf (consulté le 12 août 2012)
  • CERISIER Jean-François (2005). « Les ENT seraient-ils l’objet idéal pour réfléchir aux TICE ? » [En ligne]. Actes des 5 et 6èmes Rencontres Réseaux Humains / Réseaux Technologiques. Poitiers – La Rochelle, 16 et 17 mai 2003 et 25 et 26 juin 2004. « Documents, Actes et Rapports pour l’Education », CNDP, p. 5-6. URL : http://edel.univ-poitiers.fr/rhrt/document624.php (consulté le 18/08/2012)
  • CERISIER Jean-François (2005). « ENT : quels environnements et pour quel travail ? » [En ligne]. Actes des 5 et 6 èmes Rencontres Réseaux Humains / Réseaux Technologiques. Poitiers – La Rochelle, 16 et 17 mai 2003 – 25 et 26 juin 2004. « Documents, Actes et Rapports pour l’Education », CNDP, p. 9-16. URL : http://edel.univ-poitiers.fr/rhrt/document609.php (consulté le 18/08/2012)
  • DELMAS-RIGOUTSOS Yannis (2005). « Comment caractériser un environnement numérique de travail et ses usages ? » [En ligne]. Actes des 5 et 6èmes Rencontres Réseaux Humains / Réseaux Technologiques. Poitiers et La Rochelle, 16 et 17 mai 2003 et 25 et 26 juin 2004. « Documents, Actes et Rapports pour l’Education », CNDP, p. 17-24. URL : http://edel.univ-poitiers.fr/rhrt/document633.php (consulté le 18/08/2012)
  • VOULGRE Emmanuelle (2012). « Une approche systémique des technologies de l’information et de la communication en éducation dans le système scolaire français : entre finalités prescrites, ressources et usages par les enseignants : Proposition d’une synthèse ». Synthèse de la thèse d’Emmanuelle Voulgre publiée le 2 juillet 2012. URL : http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article157&lang=fr (consulté le 12 août 2012)

[1Certains enseignants considèrent les devoirs et les cours en ligne comme des données « critiques », craignant que les élèves ne suivent plus les cours du fait que ces derniers soient en ligne ; quant aux devoirs, les élèves pourraient les copier et donc les connaître à l’avance (d’une année sur l’autre).

[2Il s’agit de deux lycées situés en Alsace et d’un collège situé en banlieue parisienne.

[3Il s’agit d’un lycée et d’un établissement réunissant un lycée et un collège. Ces établissements sont situés en région Île-de-France.

[4Cependant, la maintenance et la gestion des problèmes sont également prises en charge par d’autres organismes. La maintenance de Liberscol est effectuée par l’université de Strasbourg. Pour la gestion de Cartable en ligne, il faut prendre contact, en cas de problèmes, avec le centre de contact de l’informatique académique (Cecoia).

[5Notes d’information envoyées en copie à l’administration ; modification des remarques sur les bulletins par les professeurs principaux.

[6Par ailleurs, est relevée la difficulté d’imposer l’ENT aux familles, car l’établissement et la communauté éducative ne peuvent pas les astreindre à l’achat d’une machine et de matériel. Il en va de même pour les professeurs. Or, l’émergence et la diffusion de manuels numériques va nécessiter l’achat de matériels informatiques.

[7voir sur le site du projet Adjectif, la synthèse de sa thèse

[8Les formations durent une heure ou une demi-journée – selon les établissements- et ont lieu à la rentrée pour les nouveaux arrivants. Ces dernières sont encadrées par les PRI. Par la suite, les enseignants se forment entre pairs, principalement en salle des professeurs, en s’adressant « aux collègues qui maîtrisent davantage » (enseignant de physiques appliquées).


 

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