Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Résumé de la thèse de doctorat de Marcelline Djeumeni Tchamabé

vendredi 30 avril 2010 Georges-Louis Baron

Les TICE au Cameroun entre politiques publiques et dispositifs techno-pédagogiques, compétences des enseignants et compétences des apprenants, pratiques à l’école et pratiques privées.

Marcelline DJEUMENI TCHAMABE

Université Paris Descartes. Thèse préparée sous la direction de G-L Baron

Laboratoire EDA

1 Éléments de contexte

Il y a cinq ans, nous étions alors enseignante dans une école de formation des formateurs après une formation de deux ans reçue à l’École Normale Supérieure de Yaoundé au Cameroun. Nous aurions souhaité continuer nos études pour obtenir au moins un diplôme de 3e cycle en Sciences de l’éducation. Mais aucune institution n’offrait ce type de formation. Nous nous sommes rapprochée de l’Agence Universitaire de la Francophonie pour avoir des informations sur les offres de formation dans ce domaine. C’est ainsi que nous obtenons de faire un Master 2 à distance sous la direction du professeur Georges-Louis Baron portant sur le thème de la formation des enseignants avec les TIC. Les perspectives de ce premier travail nous permettent de nous intéresser dans la poursuite de la recherche en Doctorat aux pratiques des enseignants avec les TIC au Cameroun.

Le Cameroun est un pays situé en Afrique central. Il compte environ 19 millions 406 000 habitants pour 475 100 km2. C’est un pays multiculturel qui est encore appelé « Afrique en miniature ». Deux langues officielles le Français et l’Anglais constituent aussi les langues d’éducation. On y dénombre environ 248 langues maternelles et autant d’ethnies dans ce triangle pays niché dans le golfe de Guinée.

L’on y compte environ 200 partis politiques. Les élections s’y déroulent de façon plurielle et le parlement comme le gouvernement témoignent de cette diversité d’opinions politiques. Dans ce contexte, trois ministères sont chargés de l’éducation : un pour l’éducation de base et l’enseignement normal, l’autre pour les enseignements secondaires et le dernier pour l’enseignement supérieur. Ces trois ministères découlent des réformes successives qui ont été menées dans l’éducation depuis 1995 avec les États généraux de l’éducation, 1998 avec la loi de l’orientation de l’éducation et plusieurs stratégies pour l’éducation (2004-2010) (2010-2035). Ces réformes visent la professionnalisation des enseignements, la modernisation du système d’éducation, l’arrimage au système LMD, les méthodes pédagogiques nouvelles (apprentissage par compétences — APC) et l’intégration pédagogique des TIC. Dans la mise en œuvre et la poursuite de ces réformes, des actions de coopérations bilatérales et multilatérales sont initiés, des stratégies privées — publiques et publiques sont déployées. En ce qui concerne particulièrement les TIC, les constats montrent des taux d’équipement d’établissements faibles, la prolifération des lieux privés d’accès aux TIC, l’intérêt institutionnel pour les TIC et des prescriptions politique pour les usages pédagogiques des TIC.

En effet, le système éducatif camerounais, à un moment de son histoire (2001), a décidé de scolariser les TIC c’est – à dire de prendre en compte une innovation ou des pratiques avec les TIC qui sont parfois déjà assez répandues dans la société. Il les a introduites pour répondre aux besoins qui lui semblent être les siens. Mais, pour que les enseignants intègrent ces technologies dans leurs pratiques, il est nécessaire qu’ils aient une claire perception de leurs rôles. Comment mettre en place les préalables qui appuient le fonctionnement du système dans son ensemble ? Comment faire en sorte que ces acteurs acquièrent les compétences nécessaires pour mettre en œuvre de nouvelles pratiques ? La diversité actuelle des contenus d’enseignement, des méthodes et des pratiques pédagogiques utilisées dans les établissements scolaires des différentes régions du monde témoignent de la diversité des conceptions de l’apprentissage sur lesquelles s’appuient les pratiques pédagogiques avec les TIC.

On ne parle plus seulement d’ordinateur dans les lieux publics de formation comme les écoles, mais aussi dans les lieux privés comme les télé centres, les cybercafés, les familles. Les pratiques privées des jeunes sont modifiées profondément par sa présence dans leur environnement. L’ordinateur ne se prête pas aux mêmes pratiques dans la sphère privée des jeunes et à l’école. Différents schèmes et procédures sont utilisés en privé par les élèves pour pallier le manque de compétences et l’absence d’enseignants ; ce faisant, ils acquièrent des compétences de spécifiques et augmentent leur fréquence d’utilisation des ordinateurs. Dans certains cas, le problème du manque d’ordinateur en famille et la distance entre les apprenants et les écoles limitent le temps que certains apprenants passent devant les écrans d’ordinateur, causant ainsi des inégalités.

À la maison, les apprenants font un usage du courriel, du clavardage, des forums, des jeux vidéos, du téléchargement de musique et des technologies numériques en général, tandis qu’à l’école l’apprentissage des TIC et avec les TIC est plus organisé, structuré, systématique et suit les prescriptions politiques pour une validation des acquis.

2 Indications méthodologiques

Pour analyser ces questions, cette recherche exploratoire, a adopté une approche historique et sociologique et deux paradigmes : descriptifs et compréhensifs. Des auteurs de références Baron et Bruillard, la théorie de la scolarisation des TIC ; Parsons, le fonctionnalisme systémique ; Unesco, standards des compétences TIC des enseignants nous ont permis de construire des outils d’enquête.

Nos instruments d’investigations ont été principalement : l’observation (46 heures dans les salles de classes), les entretiens auprès des responsables, d’enseignants et des apprenants (18 entretiens), les questionnaires (2 000 questionnaires : 1 000 enseignants et 1 000 apprenants) avec des taux de récupération de 51,9 % apprenants et 21,8 % enseignants. L’analyse de 74 documents officiels collectés dans les établissements scolaires et institutions de formation ; les ministères en charge de l’éducation et leurs cellules de coopération.

Cette étude multicas a été menée pendant trois ans dans 27 établissements scolaires de 8 des 10 régions du Cameroun et institutions de formations publiques choisis selon les caractéristiques ci après. Notre échantillon présente globalement les caractéristique du système éducatif camerounais où nous avons les plusieurs niveaux (primaire, secondaire et supérieure) plusieurs types général et techniques, la diversité linguistique (Français, Anglais, Bilingue) et plusieurs types de dispositifs techno-pédagogique en présence d’un dispositif distanciel et présentiel ou bimodal) depuis au moins 4 ans

À partir de ces données qualitatives et quantitatives recueillies et analysées par outils statistiques SPSS et analyse de contenus, nous avons obtenu les résultats suivants.

3 Résultats obtenus et perspectives

De nos trois préoccupations, l’analyse des données nous a permis d’obtenir des résultats selon lesquels les TIC dans l’éducation au Cameroun constituent principalement trois périodes : avant 1990, après 1990, et les années 2000. Ces séquences correspondent à trois discours politiques sur l’éducation et le développement. Les années 2000 ont particulièrement retenu notre attention parce qu’elles concernent la période dans laquelle les TIC ont été étendues plus largement dans le système éducatif camerounais avec une politique publique des TIC. De notre préoccupation sur les politiques publiques et les dispositifs techno-pédagogiques, nous avons obtenu les résultats s’agissant des responsables selon lesquelles :

  • Les politiques et les structures publiques des TIC sont variées : on a l’enseignement de l’informatique, l’enseignement des TIC avec les TIC et à travers les TIC et l’enseignement/apprentissage par les TIC (la formation à distance) ;
  • Des décideurs multiples : une multitude de responsables avec une structure rigide, lourde et des rôles non maîtrisés, des interactions limitées qui aboutissent au dysfonctionnement du système des TIC
  • Des visions de TIC différentes mais des actions peu suivies par manque de compétences chez les responsables.
  • Et aussi l’on a relevé une volonté politique pour les TIC mais peu de moyens publics pour les responsables ; des partenariats public/privé : avec un rôle central de la coopération.
  • Les dispositifs qui en découlent sont les salles d’informatiques, les Centres de ressources Multimédias (CRM), des Centres de Calcul, les Campus numériques et Computer Labs avec prédominance du présentiel sur le distanciel et le bimodal.

Pour les enseignants et les apprenants, des pratiques des TIC pauvres liés à des modèles dominés par l’enseignement de l’informatique : (1) enseignement théorique et (2) l’enseignement couplé théorie-pratique et (3) quelques pratiques d’intégration des TIC dans la formation et surtout visible dans la formation à distance.

  • Le modèle enseignement théorique de l’informatique est le modèle que nous avons rencontré dans les institutions scolaires secondaires qui ne possèdent pas ou qui ont un nombre insuffisant d’ordinateurs pour l’enseignement de l’informatique. Dans ces établissements, les cours sont dispensés régulièrement en raison d’un quota de 33 heures ou 66 heures par années scolaires. Ces cours sont évalués selon un programme de formation de la classe de sixième en classe de terminale. Ils sont dispensés par les moniteurs d’informatique. Ces derniers sont enseignants sont d’abord des enseignants des disciplines d’enseignement comme la physique, les mathématiques la chimie etc. Ils ont été formés à l’utilisation des TIC.
  • Le modèle enseignement couplé théorie — pratique, les scolaires sont équipés de dispositifs présentiels de formation. Ces dispositifs sont les CRM ou les laboratoires d’informatique. Ce modèle se rencontre dans les écoles primaires et certains établissements secondaires d’enseignement général et technique. Dans ces classes, un moniteur est chargé de faire le cours théorique portant les éléments de programme et de compléter ce cours théorique par la pratique dans les CRM. Les apprenants apprennent à manipuler l’ordinateur et utilisent certains logiciels du parc « office ». L’enseignement de l’informatique est une discipline obligatoire au secondaire. Il est évalué pour la promotion en classe supérieure. Mais tous les élèves des lycées publics même dans la même classe du même établissement n’ont pas les mêmes pratiques des TIC. Certains apprenants sont privés des cours, d’autres n’ont droits qu’aux cours théoriques parce que les cours d’informatique sont payants à raison de 5 000 F CFA ou 6 000 F CFA, Ces inégalités ont été relevées par les apprenants comme des facteurs limitant les pratiques publiques avec les TIC.
  • Le modèle intégrationniste des TIC est un modèle utilisé surtout dans l’enseignement supérieur pour les formations à distance. Ce modèle utilise les dispositifs en ligne complètement ou partiellement. Trois universités offrent des formations diplômantes à distance. Les dispositifs sont ceux des campus numériques francophones. Les Activités sont conçues par des enseignants formés à la conception et la mise en ligne des cours. Les enseignements sont parfois accompagnés de stages pratiques dans les entreprises. Les facteurs infrastructurels, socio-psycho-économiques se sont révélés comme défavorables à la formation à distance au Cameroun.

À partir de ces modèles de pratiques, un référentiel de compétences des enseignants et des apprenants camerounais a été élaboré. Notre investigation a montré que les compétences des répondants, enseignants comme apprenants, telles qu’ils les auto-évaluent, sont davantage orientées vers les compétences de culture générale avec les TIC que celles d’approfondissement des connaissances avec les TIC et de production de savoirs avec les TIC.

Il se dégage de nos résultats que les compétences (auto-évaluées) des apprenants sont supérieures à celles des enseignants en ce qui concerne tous les ordres de compétences. Au Cameroun comme partout en Afrique, les jeunes utilisent les lieux privés et publics des TIC. Ils acquièrent des compétences de culture générale. Ils n’utilisent que moyennement les TIC pour l’approfondissement des connaissances avec les TIC et la production des savoirs avec les TIC.

S’agissant des enseignants interrogés, leurs compétences perçues sont modestes. Les compétences d’approfondissement de savoirs avec les TIC et de production de savoirs avec les TIC ont des scores plus faibles que ceux de culture générale. Or ces deux premières compétences sont nécessaires à l’adoption des pratiques pédagogiques innovantes avec les TIC.

Nous avons conclu que la faiblesse des pratiques pédagogiques trouve son origine dans une conjonction de facteurs : les compétences limitées, les dispositifs techno-pédagogiques insuffisants inspirés par les politiques politiques peu cohérentes. Au terme de notre analyse nous avons quelques perspectives. Nous pensons que des recherches futures peuvent prendre en compte les thèmes suivants :

  1. Les politiques d’organisation de la structure des TIC au Cameroun et le rôle de la coopération pour l’équipement des établissements scolaires au Cameroun.
  2. La formation des enseignants à l’acquisition des compétences d’approfondissement des connaissances avec les TIC et à la production des savoirs avec les TIC au Cameroun.
  3. Les pratiques pédagogiques effectives

Références bibliographiques

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PARSONS,T. (1973) Le système des sociétés modernes. Paris : Dunod

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Le document de thèse devrait bientôt être mis en ligne sur l’archive EDUTICE…


 

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