Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Perspective Actionnelle et TICE

Pistes de réflexions
jeudi 29 avril 2010 Aurélie Beauné

Le texte qui suit présente une sélection commentée d’articles de recherche sur les possibilités de mise en situation de la langue qu’offrent les TICE dans le cadre d’une approche qui fait l’objet, depuis le début des années 2000, de beaucoup de discussions et d’analyses dans le domaine de la didactique du français langue étrangère (FLE) : la perspective actionnelle.

Aurélie Beauné, 29/04/2010

Qu’est-ce que la perspective actionnelle ?

Situation des dernières évolutions dans le champ de l’enseignement du FLE

L’histoire des méthodologies d’enseignement du français langue étrangère peut commencer par celle dite « traditionnelle » : l’enseignant y est le détenteur du savoir qu’il transmet à ses élèves en composant un programme d’apprentissage fondé sur la traduction et l’analyse grammaticale de textes littéraires. Cette méthode dite de « grammaire-traduction » fut contestée à partir de la fin du XIXème siècle et, dès lors, le paradigme des méthodologies du FLE ne cessa de s’enrichir de concepts et de priorités nouvelles.

Il y eut d’abord, jusqu’au début du XXème siècle, un rejet important de la tradition avec la méthode naturelle et celle directe : elles destituaient les enseignants pour considérer les apprenants dans leurs spécificités et, il n’était alors plus question d’apprendre à « lire et écrire » la langue étrangère, mais bien de pouvoir la « parler ».

Puis, après la seconde guerre mondiale, ce sont la MAO (méthode audio-orale) et la méthode SGAV (structuro-global-audio-visuellle), toujours centrées sur l’oral, qui accentuent le déplacement du paradigme de l’enseignement à celui de l’apprentissage. Elles sont influencées par les théories behavioristes et par celles distributionnistes de la linguistique, c’est alors plus le « système langue » qui constitue le coeur des interrogations des didacticiens. On peut y observer un retour à la dominance de la compétence grammaticale : la rigidité des programmes d’enseignement, tout autant que celle des outils qui les accompagnent, se voit progressivement décriée.

Apparaît alors, dans le courant des années soixante-dix, non pas la méthode, mais l’approche communicative, ainsi désignée parce qu’elle admettait davantage la diversité des pratiques. L’analyse des besoins spécifiques à chaque public du FLE (étudiants, migrants, professionnels…) adjointe à la multiplication des courants d’analyses linguistiques, accentue en quelque sorte l’éclatement de « l’unité » didactique et pédagogique de l’enseignement des langues étrangères amorcé depuis la fin du XIXe siècle.

Néanmoins, les concepts d’actes de paroles relatifs à des situations de communication spécifiques permettent l’assouplissement des méthodes d’enseignement et poursuivent le mouvement opéré dans la centration vers l’apprenant, permettant donc davantage l’élaboration du sens de l’apprentissage d’une langue étrangère.

L’utilisation de documents dits « authentiques » parce qu’issus directement du réel (du formulaire administratif aux ressources du Web) et le souci de développer la compétence de communication au travers de la compréhension et de la production orale tant qu’écrite, favorisent la création d’un lien entre la classe de langue et la réalité des usages de cette langue. Avec la parution en 2001 du CECRL (Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues), c’est finalement la perspective actionnelle qui s’inscrit dans la longue filiation des méthodologies de l’enseignement du FLE :

« La perspective privilégiée ici est, très généralement aussi, de type actionnel en ce qu’elle considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier. Si les actes de parole se réalisent dans des activités langagières, celles-ci s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification. » [1]

Avec la perspective actionnelle, on entre dans le paradigme d’une pédagogie de projet ou la classe s’apparente à de micro-sociétés. Les apprenants doivent pouvoir s’identifier en tant qu’« usagers » ; de la langue cible. Ceci pose un défi aux enseignants qui, entre le groupe classe et chacun des apprenants, doivent composer des environnements et des scénarios inspirés du réel devant permettre une simulation d’immersion motivante en langue étrangère. Afin que l’ensemble s’accorde en progression, ils se doivent encore de veiller à perpétuellement réajuster les objectifs directeurs sur la base du dialogue apprenant (s)-enseignant. Face à ces exigences, les recours aux TICE présentent des possibilités dont il convient d’évaluer la pertinence.

Des limites de l’approche communicative

Avant d’aborder la question de l’utilisation des TICE dans l’enseignement du FLE aujourd’hui, nous suggérons la lecture de l’article suivant qui analyse d’une manière assez vive la transition de l’approche communicative à la perspective actionnelle. On en retiendra la mise en évidence de certaines limites de l’approche communicative, notamment des mises en situation trop artificielles des actes de paroles, eux-mêmes toujours trop proches de stéréotypes langagiers éloignés des pratiques réelles :

Bourguignon C., De l’approche communicative à l’« approche communic-actionnelle » : une rupture épistémologique en didactique des langues-cultures, IUFM de l’Académie de Rouen. Disponible en ligne :
http://ressources-cla.univ-fcomte.fr/gerflint/Europe1/Claire.pdf

Rapports à préserver : traditions/modernité, théorie/pratique

La lecture de l’article suivant permettra de rappeler l’appui fondamental que constitue le recours aux théories face aux exigences des nouvelles pratiques, ainsi que la nécessité de concevoir des liens entre les différents courants méthodologiques pour qu’ils ne s’excluent pas mais parviennent à s’enrichir mutuellement. Il présente de plus une première approche d’utilisations raisonnées des TICE dans le cadre de l’enseignement du FLE :

Demaizière, F. & Narcy-Combes, J.-P. (2005). « Méthodologie de la recherche didactique : nativisation, tâches et TIC ». Apprentissage des langues et systèmes d’information et de communication (ALSIC), vol. 6, n° 1. pp. 45-64. Disponible en ligne : http://alsic.revues.org/index326.html

Perspective actionnelle et TICE

Concernant les apports des TICE aux pratiques guidées par la perspective actionnelle, nous proposons d’abord deux articles qui éclairent les possibilités en terme de centration de l’apprentissage sur l’apprenant. Leur font suite, deux autres articles qui déterminent certaines conséquences de cette centration dans la définition du métier d’enseignant de français langue étrangère.

Autonomie de l’apprenant

Dans le cadre de la perspective actionnelle, on pourra identifier un des produits de la centration de l’apprentissage sur l’apprenant obtenu par le recours aux TICE : l’autonomisation dans les parcours d’apprentissage.

L’article suivant décrit en effet un dispositif dans lequel les apprenants sont guidés vers l’autonomie grâce à l’encadrement d’un « professeur » qui construit avec eux, et de manière individuelle, un parcours d’apprentissage « à la carte » :

Berdal-Masuy F., Briet G. et Pairon J., Apprendre seul, à son rythme et encadré, revue de didactologie des langues cultures 2004/2, N°134, p. 173-190. Disponible en ligne : http://www.cairn.info/article.php? ID_ARTICLE = ELA_134_0173

L’autonomie des apprenants peut également s’éprouver au travers de dispositifs d’apprentissage bien différents. L’article suivant en présente un qui, tout en favorisant la personnalisation de l’entraînement et de la production, encourage également les interactions entre pairs. La construction de micro-tâches autour de la rédaction d’un article destiné à être publié sur l’encyclopédie libre Wikipédia révèle en effet les possibilités de co-actions qui caractérisent les recours aux applications du web 2.0 :

Ollivier C. (2007), Ressources Internet, wiki et autonomie de l’apprenant. Université de Salzbourg Disponible en ligne :
http://w3.u-grenoble3.fr/epal/pdf/olivier-wiki.pdf

Redéfinition du métier d’enseignant

Au fil des articles, les dénominations de l’enseignant se multiplient : on retrouve le terme de « professeur » ; mais on découvre aussi celui de « coach », « facilitateur », « tuteur », « guide », « médiateur ». À quels rôles correspondent ces différentes désignations ? L’article suivant présente une analyse de la notion d’aide à l’apprentissage au travers de l’évolution des dispositifs d’apprentissages conçus à partir des TIC :

Demaizière, F. (2007). « Didactique des langues et TIC : les aides à l’apprentissage ». Apprentissage des langues et systèmes d’information et de communication (ALSIC), vol. 10, n° 1. pp. 5-21. Disponible en ligne :
http://alsic.revues.org/index220.html

À partir du constat des mutations que subit la définition du métier d’enseignant de langue étrangère, l’article suivant présente la nécessité de repenser leurs formations pour favoriser l’intégration de pratiques pédagogiques nouvelles :

Demaizière F. et Cord-Maunoury B., Penser une formation aux TIC. Une professionnalisation des acteurs de la formation : formateurs et chefs de projet, Distances et savoirs 2003/4, Volume 1, p. 533-550.

De nouveaux outils pour l’enseignement du FLE

Avec les TICE, ce sont aussi les outils de l’enseignant qui se métamorphosent. Cet article présente l’exemple de la production de DVDROMs centrés sur l’entraînement de la compétence orale :

Boulton A., (2005), Apprendre à apprendre à écouter pour comprendre : Un outil multimédia. Disponible en ligne :
http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00114285/en/

L’article qui suit présente, plus largement, les sept tendances observées dans le courant des années 2000 dans les utilisations des TIC. Il faut noter que toutes les méthodologies du FLE s’y retrouvent :

Desmet P., (2006), L’enseignement apprentissage des langues à l’ère du numérique : tendances récentes et défis. Disponible en ligne :
http://www.kuleuvenkortrijk.be/nl/Onderzoek/Letteren/preprints/documenten/PREPRINT105.pdf

Aux marges…

Le cas de la simulation globale

L’article suivant présente l’adéquation des TICE en ce qui concerne la technique de classe dite de « simulation globale » :

LEHUEN J., KITLINSKA LIUM S., Simulation Globale en Réseau pour le FLE ? La Plate-forme Informatique MEPA-2D, STICEF — Volume 13, 2006 Disponible en ligne : http://sticef.univ-lemans.fr/num/vol2006/lehuen-06 sticef_2006_lehuen_06p.pdf

De nouveaux modes de recherche ?

Ici, nous proposons deux articles qui portent une certaine originalité quant aux questionnements et modes de recherche mobilisés en ce qui concerne l’apport des TICE à l’enseignement du FLE dans le cadre de la perspective actionnelle.

Le premier d’entre eux analyse le formalisme des consignes dans la rédaction de scénarios de type actionnel et ce, afin d’observer la variation du rapport à la norme langagière de futurs enseignants de FLE au travers l’usage des TIC :

Soubrié T., Scénarios TICE et perspective actionnelle : la norme mise à mal ? Laboratoire LIDILEM Université Stendhal – Grenoble 3. Disponible en ligne :
http://www.francparler.org/dossiers/pj/soubrie2009.pdf

Ce dernier article analyse les apports potentiels des formations hybrides à l’apprentissage des langues étrangères grâce à une méthode d’analyse des interactions verbales « qui doit pouvoir tenir compte à la fois d’interactions asynchrones et synchrones, écrites et orales et vérifier les perceptions des étudiants ».

Nissen E. (2009), « Quels rôles le tuteur joue-t-il en distanciel et en présentiel ? Analyse des interactions verbales d’une formation hybride », LIDILEM, Université
Stendhal-Grenoble 3
possible d’en consulter un résumé sur : http://www.tutoratadistance.fr/tad/?page_id
= 47

[1CECRL, p.15


 

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