Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

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À propos du prix Louis D’Hainaut de la meilleure thèse en technologie éducative

mercredi 5 juin 2019 Christian Depover ; Bernadette Noël
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Recherche en TICE

Pour citer cet article :

Depover, Christian et Noël, Bernadette (2019). À propos du prix Louis D’Hainaut de la meilleure thèse en technologie éducative. Adjectif : Analyses et recherches sur les TICE, 2019 T2. Mis en ligne mercredi 5 juin 2019 [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article496

Résumé :

Louis d’Hainaut (1929 - 2012) a été un acteur très important de la technologie éducative dans le monde francophone. Un hommage lui est ici rendu à l’initiative de deux de ses anciens assistants, eux-mêmes acteurs importants de la recherche sur l’éducation et les apprentissages : C. Depover et B. Noel.

Ce texte présente une série de témoignages sur un pionnier de la technologie éducative, Louis d’Hainaut, auquel hommage est rendu chaque année par l’attribution d’un prix de thèse qui porte son nom.

Mots clés :

prix Louis D’Hainaut, recherche en TICE

Depuis plusieurs années, la revue Adjectif nous fait le plaisir d’accueillir diverses annonces relatives au prix Louis D’Hainaut. À travers ce canal, de nombreux chercheurs et doctorants de par le monde ont été informés de la publication de l’appel à candidatures en octobre et des résultats de la délibération du jury en juin.

À cette occasion, la référence au professeur Louis D’Hainaut qui a inspiré ce prix est régulièrement évoquée. Très judicieusement, le Professeur Georges-Louis Baron, rédacteur en chef de la revue Adjectif, nous a proposé de profiter de l’annonce des résultats du prix 2019 pour rappeler qui était l’éminent pédagogue qui a donné son nom à un prix qui sera délivré pour la sixième fois cette année.

Tout d’abord, rappelons que le prix Louis D’Hainaut de la meilleure thèse en technologie éducative résulte d’une initiative conjointe de l’Agence universitaire de la Francophonie et de l’Université de Mons qui ont conjugué leurs efforts pour honorer la mémoire du professeur Louis D’Hainaut à travers la création d’un prix qui porte son nom. Ce prix bénéficie du soutien financier et scientifique de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL, Suisse), de la chaire UNESCO de l’Université du Québec à Montréal (UQAM, Québec, Canada), de la Province du Hainaut (Belgique) ainsi que de l’ATIEF (Association des Technologies de l’Information pour l’Éducation et la Formation).

Le professeur Louis D’Hainaut a fait l’essentiel de sa carrière à l’université de Mons à une époque où celle-ci portait le nom d’Université de Mons-Hainaut en référence non pas au brillant professeur qui fait l’objet de ce texte, mais à la province belge dans laquelle l’université est établie.

Ses intérêts de recherche ont été multiples, de l’élaboration des curricula à l’analyse des systèmes, de la didactique des sciences aux médias éducatifs ; ces différents domaines trouvant leur cohérence à travers une approche originale qu’il a développée tout au long de sa carrière et qui est largement inspirée d’un courant désigné en Amérique du Nord par l’expression « Educational technology ».

Fervent admirateur des travaux des pédagogues anglo-saxons, Louis D’Hainaut s’est intéressé à l’enseignement programmé depuis 1959, c’est-à-dire à l’époque des premiers articles de Skinner. Il expérimente lui-même les livrets programmés qu’il a conçus depuis 1961, anime des stages de professeurs et fait partager son enthousiasme aux étudiants de l’Université de Mons auxquels il enseigne la technologie éducative. Il est l’auteur de nombreuses publications : ouvrages de référence, articles dans des revues pédagogiques, rapports scientifiques…

Ayant débuté sa carrière d’enseignant en Afrique, plus précisément à Léopoldville au Congo, il est rapidement repéré par des agences internationales comme l’UNESCO où il devient consultant et est envoyé en mission dans de nombreux pays africains. Il observe et analyse la situation sur le terrain, les dysfonctionnements du système éducatif et en déduit un cadre conceptuel pour l’analyse d’une action, d’une institution ou d’un système d’éducation en vue de l’améliorer.

C’est ce double attachement à la technologie éducative et à l’éducation en Afrique qui en fait un parfait inspirateur d’un prix qui a pour ambition d’honorer un jeune doctorant issu d’un pays du Sud pour ses travaux dans le domaine de la technologie éducative.

Afin de compléter cette présentation, nous avons fait appel à quelques-uns de ses collègues et étudiants, tous membres du comité scientifique du prix.

Tout d’abord, un clin d’œil de Jean-Marie De Ketele, professeur émérite à l’université catholique de Louvain

« 1977, une année mémorable : Louis D’Hainaut publiait chez Labor-Nathan son ouvrage « Des fins aux objectifs de l’éducation : l’analyse et la conception des politiques éducatives, des programmes de l’éducation, des objectifs opérationnels et des situations d’enseignement », ouvrage sans doute le plus abouti pour l’époque et, à mes yeux encore inégalé.

Une année mémorable : le lendemain de ma défense de thèse, il m’était donné de rencontrer dans son bureau, Place du Parc à Mons, Louis d’Hainaut et avec lui : Jean Cardinet, Linda Allal et Yvan Tourneur (le regretté et fidèle compagnon avec qui j’ai fait tant de conférences à deux voix, pendant sa trop courte vie). De cette réunion mémorable s’est conforté le besoin de rencontres entre chercheurs belges et suisses, ce qui fut l’amorce du processus de création de l’ADMEE-Europe. Une année, amorce de nombreuses rencontres avec cet homme passionné et passionnant, même après sa retraite où il aimait tant jouer de l’orgue. Admiration intacte ».

Un témoignage intitulé « Ce que je dois à Louis D’Hainaut » de Dieudo Leclercq, professeur émérite à l’université de Liège

« En 1969, j’étais assistant de Gilbert de Landsheere (GDL) depuis un an. J’assistais à une journée pédagogique. Un des intervenants s’appelait Louis D’Hainaut. Il fit un exposé, sur l’enseignement programmé. C’était mon grand sujet d’intérêt de l’époque. L’exposé de Louis D’Hainaut me fascina. Il avait construit des cours programmés (linéaires), dont un certain « Poids et Masse ». Il avait mené sur des dizaines de classes francophones et néerlandophones une expérience comparative : pour la moitié des classes, c’est le professeur qui enseignait la matière (groupe contrôle). Dans les autres classes (groupe expérimental), les élèves apprenaient la matière à travers le cours programmé. Les résultats étaient éclatants : au post-test, en moyenne, 83% de réussite en 2h22 pour l’EP et 42% en 3h53 pour l’enseignement traditionnel.

Ce fut une fête de l’esprit d’assister à la défense de doctorat de Louis D’Hainaut à l’ULB en 1971. La thèse de doctorat de Louis D’Hainaut s’intitule « L’enseignement de concepts scientifiques et techniques à l’aide de cours programmés ». Certains ont pu croire que, se faisant défenseur de l’enseignement programmé, Louis D’Hainaut ne défendait que l’enseignement programmé. Ceux qui le connaissent savent qu’il était fécond sur bien d’autres registres de la panoplie des méthodes d’enseignement ».

En sautant quelques générations, le témoignage d’un de ses étudiants, Pierre Dillenbourg, professeur à l’école polytechnique de Lausanne.

« Une découverte, ce fut une découverte. Un discours cartésien et une rigueur conceptuelle jamais encore rencontrés dans mes études en éducation. Son regard de sciences dites « dures » sur l’éducation influence encore ma pensée à ce jour. Nos travaux actuels sur la modélisation computationnelle de l’apprentissage sont la prolongation de l’esprit que Louis D’Hainaut nous a insufflé. Mon cours préféré fut « analyse des systèmes éducatifs ». Il y partageait son expérience d’expert UNESCO envoyé en mission à Cuba et ailleurs. Il y décortiquait la mécanique des systèmes éducatifs tout en insistant sur le fait qu’au-delà des structures, c’étaient les personnes en fonction qui mettaient ces mécanismes en mouvement ou les empêchaient de bien fonctionner. Merci, Monsieur D’Hainaut ».

Hommage d’un étudiant converti à tout jamais… aux statistiques par Bernard Harmegnies, professeur à l’Université de Mons

« Nous sommes en 1900 plus quelques décennies. En ce mois de septembre de ma première licence, je maudis le démiurge qui a conçu les programmes de ma faculté, car il y figure – et en bonne place – un cours de statistiques. Quelle est donc cette malédiction qui impose même aux étudiants de sciences humaines le retour à ces nombres qu’ils avaient cru pouvoir jeter aux oubliettes de leurs mémoires ? Des maths à nouveau ? Quelle fatalité et en plus, il se murmure que le prof serait chimiste !

C’est dans cet état d’esprit que se déroula mon premier contact avec Louis D’Hainaut.
Et là, étonnement. Car dès le premier cours, il m’arrive quelque chose que je n’avais guère ressenti jusque-là en contexte quantitatif : je comprends tout ce que le professeur dit.
Pas de lois mathématiques aux noms étranges, pas de signes cabalistiques dans des formules compliquées. Rien qui tende vers l’infini. Je suis devant un maître qui veut communiquer à des apprentis placés dans des situations concrètes de traitement de données des outils efficaces et mettre à leur disposition le savoir-faire nécessaire pour les utiliser. Le souci du détail est poussé à l’extrême, car chaque procédure est l’occasion du développement d’un algorithme qui, destiné à l’utilisateur humain, pourrait tout aussi bien être transformé en structure de programmation informatique.

Je savais bien, déjà, que je ne verrais plus jamais les statistiques de la même façon. Je pressentais confusément aussi que les livres, alors en cours de finalisation, promis à faire écho à ces cours ne pourraient que faire date. On n’enseignerait plus tout à fait les statistiques aux psychologues et pédagogues de la même façon après publication des « concepts et méthodes de la statistique » du Professeur D’Hainaut.

L’homme m’avait impressionné par sa précision, la force de son raisonnement, la rigueur de son organisation. Beaucoup d’entre nous étaient à la fois intimidés et séduits par ce professeur que même entre nous, nous appelions « Monsieur D’Hainaut » et qui appelait chacun de ses étudiants avec beaucoup de sérieux « Monsieur » ou « Madame » ».

Ces différents témoignages révèlent à la fois une personnalité multiple et complexe, un chercheur brillant qui a inspiré plusieurs générations et un enseignant attentif, soucieux de ses étudiants.

C’est en respectant l’esprit de la technologie éducative tel qu’il a été formalisé par Louis D’Hainaut que le comité scientifique du prix a choisi ses nominés et lauréat pour l’année 2019.

Résultats du prix Louis D’Hainaut en 2019

En qualité de nominés,

Madame Nahed Rosette (Liban), pour sa thèse intitulée « Apprentissage par exploitation de l’erreur et à distance (AEED). Des obstacles à la remédiation dans l’apprentissage du système nerveux », soutenue le 23 janvier 2018 à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban).

Monsieur Bahji Salah Eddine (Maroc) pour sa thèse intitulée : « Modélisation de l’apprentissage à base d’approche hybride étendue (Extended-Blended Learning) pour la motivation des apprenants : Cas de l’enseignement supérieur », soutenue le 13 mai 2017 à l’Université Mohammed V de Rabat (Maroc).

En qualité de lauréat,

Monsieur Dogbe-Semanou Dossou Anani Koffi (Togo) pour sa thèse intitulée : « Persévérance et abandon des apprenants à distance en Afrique subsaharienne francophone : cas du Togo », soutenue le 19 juillet 2016 à l’Université de Lomé (Togo).

En sa qualité de lauréat 2019 Monsieur Dogbe-Semanou viendra rejoindre les lauréats des promotions précédentes issus respectivement du Niger, du Maroc, du Bénin, de Haïti et d’Algérie.

Plus d’informations sur le prix et sur les modalités de candidature (prochain appel octobre 2019) :

https://www.auf.org/nouvelles/appels-a-candidatures/prix-louis-dhainaut-de-meilleure-these-technologie-educative/

Pour mieux connaître le lauréat 2019 :

https://www.auf.org/nouvelles/actualites/rencontre-laureat-de-5e-edition-prix-louis-dhainaut-de-meilleure-these-technologie-educative/

Au nom du comité scientifique du prix Louis D’Hainaut

Christian Depover et Bernadette Noël


 

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