Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Scolarisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’enseignement secondaire général public au Bénin. Quel état des lieux ?

Pour citer cet article :

Semevo, Claude ; Akouete Hounsinou, Florentine et Kelani, Raphael (2018). Scolarisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’enseignement secondaire général public au Bénin. Quel état des lieux ?. Adjectif.net Mis en ligne samedi 22 décembre 2018 [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article484

Résumé :

Cette contribution s’intéresse à l’utilisation pédagogique des Technologies de l’Information et de la Communication en éducation au Bénin.

Mots clés :

Afrique de l’Ouest, Bénin, Enseignement secondaire, Politiques publiques

  • SEMEVO T. Claude, Doctorant en sciences de l’éducation à l’université de Lille, laboratoire CIREL (semevoclaude@gmail.com)
  • AKOUETE-HOUNSINOU Florentine, Université d’Abomey-Calavi (UAC) Bénin, Centre Béninois de Recherche Scientifique (CBRST) (floakouete@gmail.com)
  • KELANI Raphael, Université Nationale des Sciences, Technologies, Ingénieries et Mathématique (UNSTIM) d’Abomey (Bénin) - Ecole Normale Supérieur de Natitingou (rkelani@gmail.com)

Introduction

La question de l’utilisation pédagogique des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) en éducation, surtout dans l’enseignement secondaire au Bénin devient de plus en plus sérieuse. En effet, depuis la mise en œuvre au Bénin, du projet dit « Bénin Quartier numérique de l’Afrique » et celui dit « Généralisation du numérique par l’éducation et la formation » du Programme d’Action de l’actuel Gouvernement (PAG) [1], on observe la dotation des établissements d’enseignement secondaire général, technique et professionnel en matériels TIC (ordinateurs et connexions internet, en particulier) par le ministère en charge de cet ordre d’enseignement et également par certains partenaires techniques et financiers du gouvernement Béninois. Quelle est l’ampleur de ces dotations et qu’est-ce qui se fait avec ces matériels dans les établissements qui en ont reçu ? Cela fait bientôt une décennie que l’environnement de la recherche béninoise s’est penché sur une telle problématique. Le temps a passé et il nous semble nécessaire d’actualiser les informations à ce propos, surtout par ces temps où l’économie numérique est le concept en vogue dans ce pays. Les questionnements ci-dessous nous guideront dans l’atteinte de notre objectif.

  • Quel est le discours politique relativement à la question de la prise en compte du numérique en éducation dans une vision de développement d’une culture numérique des générations futures ?
  • Quel est l’état de la présence d’infrastructures TIC dans les collèges du Bénin aujourd’hui ?
  • Quelles utilisations les enseignants de ces établissements font-ils de ces infrastructures ? Quelles difficultés signalent-ils ? Ces utilisations évoluent-elles en usage ?
  • Peut-on conclure à une scolarisation des outils numériques dans le système d’enseignement secondaire du Bénin ?

Cadre théorique

Que recouvre l’acronyme TIC ?

Il y a une décennie déjà, Baron et Bruillard (2008) soulevaient cette préoccupation. Ces auteurs ont mentionné qu’à force d’utilisation, ce concept a acquis une sorte d’évidence trompeuse face à laquelle on gagnerait à faire des clarifications. Pour eux, ce concept recouvre deux champs sémantiques.

Le premier est composé « d’objets techniques comme des ordinateurs, lecteurs MP3, téléphones cellulaires, consoles de jeux et, plus précisément, de services et d’applications (un très large spectre de logiciels allant du shoot them up à la plate-forme de formation en passant par le traitement de textes et le tableur) »(Baron & Bruillard, 2008, p. 3) et le second englobe toutes les activités dans lesquelles les objets précédemment cités sont utilisés.

Cette vision du concept de TIC correspond bien à celle dans laquelle nous l’utilisons dans cet article. En effet des objets techniques tels que des ordinateurs mis en réseaux au moyen d’un autre objet technique tel qu’un switch, et un service (internet), sont mis à disposition de quelques collèges et lycées béninois pour que les enseignants qui y officient s’en servent dans leur pratique pédagogique, afin de rendre la tâche d’apprentissage plus facile et plus motivante pour les apprenants.

La diffusion des TIC en milieu éducatif s’est d’abord faite pour augmenter la productivité de systèmes éducatifs faisant face à un besoin éducatif énorme à un moment donné de l’histoire, aujourd’hui, les raisons qui justifient leurs utilisations sont tout autres. Tardif mentionne que « dans bien des cas, le recours aux TIC permet soit de créer des situations d’apprentissage impossibles ou difficiles à réaliser dans un contexte traditionnel, soit de rendre la tâche d’apprentissage plus facile, plus motivante ou plus efficace [2].

Contexte de la recherche

Les premiers travaux consacrés à l’état des lieux de l’utilisation des TIC au Bénin datent des années 2007-2008. Une de ces études pionnières (Akouété-Hounsinou et al., 2008) était relative aux conditions d’accès, aux facteurs de durabilité ainsi qu’aux approches pédagogiques adoptées dans quelques écoles et établissements d’enseignement secondaire général, pionniers en termes d’utilisation de TIC en éducation.

Cette étude qui reconnaît quelques expériences d’utilisation de TIC sous diverses formes, dans ces écoles a relevé de nombreuses difficultés liées à l’acquisition de matériel TIC par les établissements, à la formation des enseignants, etc. Elle souligne l’absence d’information au sujet du mixage entre pédagogie et TIC en classe et recommande notamment l’invitation aux états généraux sur la question de l’utilisation des TIC en éducation au Bénin, aux renforcements de la formation des enseignants en la matière, à l’élaboration et la mise en place d’un programme national d’équipement des établissements en infrastructures TIC, etc.

Une autre étude (Dakpo, Akouété-Hounsinou, & Azonhe, 2008) qui s’inscrit dans la même catégorie que la précédente, conclut de la nécessité d’une réelle politique de formation des enseignants à l’utilisation des TIC ainsi que de la nécessité d’un mécanisme de financement pour l’acquisition des infrastructures adéquates aussi bien pour le public que pour le privé pour assurer une intégration réussie des TIC à l’école.

Ces deux études n’ont pas pu se prononcer sur la question de la scolarisation effective des TIC dans les écoles béninoises. Cette absence de connaissance est demeurée jusqu’à aujourd’hui. En effet les derniers travaux s’intéressent plutôt à d’autres aspects de l’utilisation des TIC en milieu éducatif. Attenoukon (Attenoukon, 2011), dans son travail de thèse a questionné successivement l’impact des TIC sur la motivation et la réussite, les utilisations de TIC les plus fréquemment rencontrées chez les apprenants, et la place des TIC dans la pratique pédagogique des enseignants de la faculté de droit de l’Université d’Abomey-Calavi. Il conclut respectivement que les étudiants de l’UAC ont une perception en général positive de l’impact des TIC sur l’apprentissage. Les usages des TIC les plus fréquents chez ces étudiants sont le courriel (en tête), suivi de la recherche et du traitement de texte, avec une fréquence moyenne d’« une fois par semaine ».

Chez les enseignants, les résultats ont montré qu’ils font plutôt une utilisation personnelle des TIC et pas encore véritablement pédagogique. Tous ces constats n’accréditent pas véritablement, selon Attenoukon (Attenoukon, 2011), un usage académique des TIC. Quant à Ahodekon, (2012) il s’est intéressé aux obstacles à l’utilisation des TIC en milieu universitaire béninois, sans accorder un intérêt particulier à la question de la scolarisation ou de la non-scolarisation des TIC en République du Bénin. En contraste avec toutes ces données de la littérature béninoise qui témoignent de l’intéressement du Bénin à l’utilisation des TIC en éducation, l’institut de statistique de l’UNESCO (Institut Statistique de l’UNESCO, 2016) classe ce pays comme zone d’ombre en matière d’utilisation de TIC en éducation.

Le présent texte ambitionne de combler cette absence de connaissance quant à la scolarisation des TIC au Bénin. Il se consacrera d’abord à l’enseignement secondaire général, un prochain travail étant prévu pour questionner la même problématique en milieu universitaire.

Distinction entre utilisation et usage des TIC en éducation

Usage et utilisation sont deux concepts qui, pour beaucoup, sont des synonymes. Nogry et ses collaborateurs (Nogry, Decortis, Sort, & Heurtier, 2014) font partie des chercheurs qui les différencient. En effet pour Nogry, et nous le partageons, « l’utilisation [d’un outil] renvoie aux actions occasionnelles et individuelles [sur cet outil], aux aspects manipulatoires de l’outil, alors que l’usage renvoie aux utilisations stabilisées avec formation de groupe d’usagers qui partage des schèmes d’usage  ». ; et d’autre part, à Baron et Bruillard ( Baron et Bruillard, 2006, p.269) qui identifient une dimension sociale à ce concept : « l’usage se caractérise par l’existence de groupes d’usagers ayant conscience d’appartenir à une communauté […] créant des schèmes d’actions dont certains viennent à être légitimés par le groupe et à être transmis à d’autres  ».

La présence dans le système éducatif béninois d’utilisateurs isolés des TIC dans leurs pratiques pédagogiques serait donc indicatrice d’utilisation dans le système mais pas d’usage. Cependant, l’identification dans le système éducatif béninois d’utilisateurs organisés qui échangent à propos de leur utilisation en milieu éducatif des outils technologiques et qui partagent leurs schèmes d’utilisation serait plutôt indicateur d’usage de TIC dans ce système éducatif.

Intégration des TIC en éducation

Dans le champ des « TIC en éducation », le concept « intégration » est apparu en France, vers la fin des années 80 pour désigner ce qui se passe, ce qui s’observe en termes de processus de banalisation ou de non-banalisation de l’utilisation d’une nouvelle technologie au profit du travail pédagogique, au-delà de sa phase d’expérimentation (Baron, 2005). Cet auteur situe plus précisément l’apparition de ce concept au lendemain des expérimentations liées au plan IPT (Informatique Pour Tous) en France.

Après la phase d’expérimentation, il fallait laisser place à une phase d’observation et d’analyse pour détecter l’installation ou non de l’innovation proposée dans les pratiques quotidiennes des enseignants : il s’agissait ainsi de voir l’intégration de la technologie dans les pratiques. Baron (2005) explique qu’en éducation, l’utilisation des technologies ne suit pas le cours que leur premier promoteur avait imaginé. Il évoque qu’il y a trois phases dans le processus de prise en compte des technologies en milieu éducatif qui sont : une phase de recherche et d’invention, une phase d’innovation (opérationnalisation de l’invention en contexte, implémentation) soutenues par les politiques publiques et une phase éventuelle de banalisation de l’utilisation de la technologie ou « phase d’intégration ».

L’intégration d’une technologie qui est diffusée en éducation correspond donc à son appropriation par les acteurs de l’éducation, à une réinvention de son utilisation par les acteurs de ce milieu professionnel au profit de leur pratique. Baron (2005) signale que le concept d’intégration en se vulgarisant a perdu son sens natif et semble désigner, lorsqu’il est utilisé par les politiques et les prescripteurs, la simple mise à disposition dans un milieu éducatif d’un outil technologique susceptible d’être utilisé dans le travail pédagogique. Il propose le concept de « scolarisation des TIC » en lieu et place de « l’intégration des TIC », plus ou moins galvaudé, pour désigner cette appropriation/réinvention d’une utilisation initialement proposée. Nous utiliserons dans ce travail le concept de « scolarisation » pour désigner l’appropriation/réinvention d’une utilisation initiale proposée de TIC en éducation.

Méthodologie

Cette recherche qui ambitionne d’analyser à partir du terrain, la mise en œuvre d’une politique de scolarisation des TIC dans l’enseignement secondaire général public du Bénin est donc de nature exploratoire et repose sur une approche mixte. En effet des données quantitatives et qualitatives sont prélevées à partir de la population d’étude qui est l’ensemble de tous les acteurs du système d’enseignement secondaire général public du Bénin.

Trois enquêtes qui ont visé des échantillons de notre population étude ont servi à nous fournir les données nécessaires pour répondre à nos questions de départ. Un entretien approfondi avec un haut responsable du ministère en charge de l’enseignement secondaire général, technique et professionnel constituent notre technique de collectes de données.

La première enquête a porté sur les documents de références des pratiques pédagogiques de classes. Ce sont des documents nationaux qui tracent pour chaque discipline d’enseignement le programme à suivre par les enseignants, les situations d’apprentissage et le descriptif de la manière dont les pratiques pédagogiques devraient être conduites ainsi que les techniques et outils à utiliser. L’enquête vise à identifier dans ces documents officiels les prescriptions relatives à l’utilisation d’outils technologiques.

Nous avons choisi d’analyser les documents de références de deux disciplines d’enseignement : les Sciences Physiques, Chimiques et Technologie et les Sciences de la Vie et de la Terre. Ces choix ne sont pas anodins. Ces disciplines qui sont des sciences expérimentales exigent pour une très grande part des observations et des travaux qui ne sont souvent pas effectués faute de laboratoires suffisamment équipés.

Ce besoin existant fait que s’il devait avoir prescription d’utilisation de TIC, ces disciplines seraient les premières concernées. Une recherche dans ces textes de mots et expressions clés tels que TIC, T.I.C., Technologie de l’Information et de la Communication, Internet, Expérience Assisté Par Ordinateur (ExAO) ; grâce à la fonction « Rechercher » située sous l’onglet « accueil » du logiciel de traitement de texte Word ou dans Adobe Acrobat-Rader selon le format de ces documents de référence, renseigne amplement sur leur présence dans ces documents.

La deuxième enquête a porté sur le ministère en charge du niveau d’enseignement en considération (enseignement secondaire général ; technique et professionnel) et a visé à prendre de l’information relative au nombre d’établissements d’enseignement secondaire général et technique ayant du matériel TIC, notamment des ordinateurs accompagnés ou non d’une connexion internet pour l’enseignement /apprentissage.

Nous l’avions évoqué plus haut, dans le cadre des projets « Bénin quartier numérique de l’Afrique » et le PAG, déjà précédemment mentionné, des dotations en ordinateurs accompagnés d’installations de connexion internet ont eu lieu dans quelques établissements d’enseignement secondaire général respectivement en 2013 et en 2017.

La dernière enquête a porté sur un échantillon de 31 enseignants provenant de 15 établissements d’enseignement secondaire général public connus pour avoir du matériel TIC disponible pour être utilisé par les enseignants dans leur pratique pédagogique. Ces enseignants ont été enquêtés, alors qu’ils ont été identifiés et convoqués à une formation par un partenaire technique et financier qui désirait leur confier une tâche particulière en relation avec la présence de matériels TIC disponibles pour l’enseignement, dans leur établissement [3]. L’enquête s’est faite par un questionnaire fait de questions fermées et ouvertes. Les questions fermées concernent notamment les points suivants : le type de TIC présent dans leur établissement, l’utilisation ou non des outils TIC présents dans l’établissement de l’enquêté, la fréquence et les finalités de l’utilisation, si utilisation il y a.

Quant aux questions ouvertes, elles sont posées pour laisser la parole aux enseignants afin de déceler dans leurs réponses des traces d’usage ou de non-usage de TIC dans le cadre de leur pratique pédagogique. Enfin, l’audition d’un haut responsable du ministère s’est faite à propos de l’utilisation de TIC dans le système au profit des pratiques pédagogiques. Les différentes données que ces enquêtes ont permis de collecter se présentent comme suit.

Présentation et analyse des résultats

Les TIC dans les documents officiels pour l’enseignement en secondaire général.

Le tableau ci-dessous présente le résultat de l’enquête relative à la recherche de prescription à l’utilisation des TIC dans les documents de références.

{{}} Internet / ExAO /Logiciel / Google / Ordinateurs

Technologie de l’Information et de la Communication / T.I.C.

Contexte d’utilisation ou expression dans laquelle le mot est utilisé
PCT Jamais utilisé dans les documents de références de la 1ere année du collège jusqu’en dernière année de “lycée Utilisé” deux fois L’acronyme TIC est utilisé durant les deux fois pour évoquer l’importance des TIC aujourd’hui et une place de choix doit leur être réservé dans l’enseignement des SPCT
SVT Une fois Jamais utilisé dans les documents de références de la 1ere année du collège jusqu’en dernière année de lycée ‘Internet’ est mentionné une fois au côté de ‘centre de documentation’, dans la catégorie des matériels indiqués à l’enseignant pour faire de la recherche ou source d’information vers laquelle l’enseignant peut orienter l’apprenant.

Etat de la présence et de l’utilisation des TIC dans les établissements d’enseignement secondaires généraux et techniques du Bénin

Présence des TIC dans les établissements d’enseignement secondaire

L’enquête effectuée dans ce cadre nous a révélé que sur les 897 établissements d’enseignement secondaire général, techniques et professionnels publics du Bénin, 130 (soit 14.5 %) ont reçu des équipements technologiques constitués d’un lot allant de 15 à 20 ordinateurs, mis en réseau pour les uns, et non pour les autres. De plus ces lots d’ordinateurs sont accompagnés d’une connexion internet pour certains établissements. Dans la quasi-totalité des établissements disposant d’une connexion internet, cette connexion n’est pas accessible gratuitement aux apprenants.

Il est important de mentionner ici, qu’au Bénin chaque établissement d’enseignement secondaire général, technique ou professionnel est caractérisé par son nombre de groupes pédagogiques qui correspond au nombre de classes hébergeant des apprenants dans cet établissement.

A noter que pour une même promotion (promotion 3ème par exemple) il peut avoir plusieurs groupes pédagogiques. Chaque groupe pédagogique héberge officiellement au maximum une quarantaine d’apprenants s’agissant du second cycle et une cinquantaine d’apprenants s’agissant du premier cycle. Pour créer un nouvel établissement d’enseignement, il faut tout au moins deux groupes pédagogiques et les établissements les plus peuplés vont jusqu’à 100 groupes pédagogiques.

En l’absence de ces données fines (nombre de groupes pédagogiques et/ou effectifs des apprenants) pour les établissements ayant reçu des ordinateurs, nous nous permettrons de faire une simulation avec un établissement imaginaire ayant une moyenne de 50 groupes pédagogiques, avec une moyenne de 50 apprenants par classe. Un tel établissement, de 2500 apprenants au total, recevant un lot de 20 ordinateurs, se retrouve donc avec un ratio de 125 apprenants pour un ordinateur, soit moins d’un ordinateur par classe.

Cette présence du matériel ordinateur est encore très loin du minimum nécessaire pour que les enseignants puissent en faire une utilisation convenable dans leur pratique de classe. Il en est de même pour la connexion internet, qui n’est pas accessible gratuitement aux apprenants dans les quelques établissements qui en sont dotés, excepté un lycée de jeunes filles où les apprenantes y ont accès à partir des ordinateurs de bureau disposés dans leur salle informatique.

L’utilisation des TIC dans les pratiques quotidiennes des enseignants ayant du matériel TIC dans leurs établissements

Il découle de l’enquête effectuée à propos de l’utilisation des TIC par les enseignants des établissements ayant reçu du matériel TIC que, vingt deux (22) des trente et un (31) enseignants enquêtés, soit 7/10 d’entre eux, ont répondu qu’ils utilisent les ordinateurs et/ou internet à leur disposition dans leur collège au profit de leurs pratiques pédagogiques. Ils disent faire utilisation des TIC dans leur pratique non pas en réponse à une prescription institutionnelle, mais en initiative personnelle. On comprend alors que le reste des enseignants enquêtés (3/10) répondent ne pas faire utilisation des matériels TIC présents dans leur établissement.

Rien ne les y encourage, ni les y oblige. A la question de savoir quelles utilisations les enseignants utilisateurs de TIC dans leur pratique pédagogique font de ces matériels dans leur pratique, un très grand nombre d’entre eux (17 enseignants) mentionne en faire une utilisation que nous nous permettons de qualifier d’utilisation à la manière d’un simple rétroprojecteur : les ordinateurs servent à lire des vidéos pédagogiques et des simulations isolées, que les apprenants visualisent pour mieux comprendre certaines explications de leur enseignant.

Cette utilisation n’est certainement pas l’utilisation optimale que l’on peut faire d’une salle équipée en une vingtaine d’ordinateurs mis en réseau. Cinq (05) enseignants déclarent concevoir des supports de cours au format web qu’ils mettent en lecture locale sur ces ordinateurs qui sont déjà mis en réseau. Une telle déclaration d’utilisation, qu’il reste à vérifier par l’observation apparaît pour nous comme étant une utilisation idéale. En effet une telle utilisation ne peut se faire qu’avec des ordinateurs mis en réseau comme cela est le cas dans ces salles dites informatiques.

Ces enseignants qui utilisent les matériels TIC mis à disposition de leur établissement disent le faire parce que pour eux cela participe à faciliter le travail d’enseignement ainsi que l’apprentissage de l’apprenant. Pour ce qui est de la fréquence d’utilisation des matériels TIC à leur disposition, les enseignants utilisateurs mentionnent pour la grande majorité d’entre eux n’en faire utilisation que quelques fois. Cela va de soi pour des enseignants pour qui cette utilisation de matériels se fait sous initiative personnelle.

Grosso modo, dans les établissements de provenance de nos enquêtés (quelques-uns des établissements ayant reçu du matériel TIC), quelques enseignants font effectivement des utilisations de TIC dans leur pratique pédagogique et ceci quelques fois. Mais ces utilisations sont vraiment basiques et ne sont pas encore des utilisations optimales des matériels disponibles. Ces utilisateurs se sont-ils organisés de manière à créer une communauté d’utilisateurs qui partage des schèmes d’utilisation ? La moitié d’entre eux répondent positivement à cette question. Ils échangeraient avec leurs pairs lors des séances d’animation pédagogique à propos de leur pratique.

Synthèse

En réponse aux questionnements de départ de cet article, nous pouvons répondre, à l’issue de nos enquêtes, que le discours politique est très favorable à l’utilisation des TIC en milieu éducatif au Bénin, comme en témoignent de nombreux projets et initiatives allant dans ce sens.

Mais pour des raisons diverses que nous n’avons pas investiguées, l’état de présence d’infrastructures TIC est encore assez éloigné du minimum nécessaire : 14% d’établissement d’enseignement secondaire général, professionnel et technique ont du matériel TIC (des ordinateurs et/ou de la connexion internet) et dans chacun de ces établissements la quantité d’ordinateurs disponibles est telle que, il y a un ordinateur pour 125 apprenants et pas de connexion internet gratuite pour les apprenants. Dans ces établissements, en dépit de l’insuffisance remarquable en matériels TIC, quelques enseignants, certainement les plus férus en ce qui concerne l’utilisation pédagogique de TIC, disent faire utilisation de ces matériels dans leurs pratiques pédagogiques.

Ces utilisations pédagogiques des TIC se font sans formation préalable, sans un schéma directeur particulier. Il s’ensuit qu’elles restent basiques. En dépit de leur caractère basique, on a des raisons de croire qu’elles évoluent en usage. En revanche ces informations ne nous permettent pas de conclure à l’existence d’une scolarisation des TIC au Bénin.

Pour rappel, la scolarisation des TIC correspond à l’appropriation par les acteurs de l’éducation d’une proposition d’utilisation, une réinvention d’une utilisation proposée, par les acteurs de ce milieu professionnel au profit de leur pratique (Baron 2005). Dans le cas du Bénin en considération ici, les utilisations sont spontanées, elles ne sont pas proposées par une structure stable et il ne peut donc pas y avoir une appropriation/réinvention quelconque. Ce qui s’observe dans l’environnement scolaire béninois en ce qui concerne l’utilisation des TIC n’est identifiable à aucun des modèles de scolarisation exposés par Vekout (2013).

Références bibliographiques

Ahodekon, S. C. C. (2012). Problématique de l’utilisation des tic dans l’enseignement supérieur au Bénin  : Cas de l’internet a l’Université d’Abomey-calavi. Journal de La Recherche Scientifique de l’Université de Lomé, 14(1), 41‑58.

Akouété-Hounsinou, F., Azonhe, T., Adjibodou, A. A., Biaou, A., Dakpo, P., & Noudogbessi, T. (2008). Intégration des TIC dans l’Education en Afrique de l’Ouest et du Centre  : étude d’écoles pionnières Cas du Bénin. Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche en Education (ROCARE). Consulté à l’adressehttp://www.rocare.org/RapporFinal_BJ-Phase1TIC2005.pdf.

Attenoukon, S. A. (2011). Technologies de l’information et de la communication (TIC) et rendement académique en contexte universitaires béninois  : cas des apprenants en droit de l’Université d’Abomey-Calavi. Consulté à l’adresse https://papyrus. bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/5139.

Baron, G.-L. (2005). Les TICE, de l’innovation à la scolarisation : problèmes et perspectives. In Conférence invitée au colloque de l’Association des formateurs TICE, réseau national,- AFT-RN (janvier 2005). Consulté à l’adresse http://aft-rn.net/actes_colloque05/conferences/conference_GL_Baron.pdf.

Baron, G.-L., & Bruillard, E. (2008). Technologies de l’information et de la communication et indigènes numériques  : quelle situation  ? Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Éducation et la Formation, 15, 12 pages. Consulté le 02 Septembre 2017 à l’adresse : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00696420/document.

Dakpo, P. C., Akouété-Hounsinou, F., & Adjibodou, A. A. (2008). 12.L’intégration des TIC dans l’enseignement  : quelles perspectives pour l’école béninoise  ? Bamenda : Langaa. Consulté à l’adresse http://www.rocare.org/ChangingMindsets/pdf/ch12-ICTandChangingMindset.pdf.

Institut Statistique de l’UNESCO. (2016). Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) en éducation en afrique subsaharienne : Analyse comparative du développement numérique dans les écoles. Bulletin d’information de l’ISU n°25. Institut Statistique de l’UNESCO. https://doi.org/10.15220/978-92-9189-189-4-fr.

Nogry, S., Decortis, F., Sort, C., & Heurtier, S. (2014). Apports de la théorie instrumentale à l’étude des usages et de l’appropriation des artefacts mobiles tactiles à l’école, 20. Consulté à l’adresse http://sticef.univ-lemans.fr/num/vol2013/14-nogry-atame/Sticef_2013_NS_nogry_14.htm.

Vekout, E. (2013, mai 6). Quelques modèles d’intégration des TICE. Consulté 20 août 2016, à l’adresse http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article231.

[3Une firme pharmaceutique en partenariat avec une fondation sise au Bénin s’est proposée de financer la phase pilote d’un programme de sensibilisation dénommé́ « Bon usage du médicament ». Cette sensibilisation devant se faire dans les établissements d’enseignement secondaire au moyen d’une une plateforme virtuelle et ludique, il fallait former les enseignants et les chefs d’établissements des collèges et lycées identifiés comme possédant le matériel adéquat. La sensibilisation se fera donc aux apprenants de ces collèges et lycées. C’est donc à l’occasion de cette formation qui a lieu les 21 et 22 novembre 2017 que nous avons enquêtés les enseignants. Ils sont tous censés provenir de lycées et collèges possédant des outils technologiques, disponibles pour le travail éducatif au Bénin.


 

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