Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Ressources pour l’enseignement des sciences au lycée à Madagascar, quid du numérique ?

Mots-clés
Madagascar, TICE

Ce texte vient en complément d’une contribution précédente :

Ratompomalala, Harinosy (2017). Pénurie de ressources et pratiques enseignantes. Le cas de l’enseignement-apprentissage des sciences dans des établissements de second degré d’Antananarivo (Madagascar). Adjectif.net Mis en ligne lundi 6 novembre 2017 [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article448

par Harinosy Ratompomalala [1], Camille Roux Goupille [2] et Pascale Kummer Hannoun [3]

Introduction

Ce texte est le fruit d’une collaboration, dans le cadre du projet ReVEA [4], entre trois chercheures - Camille Roux Goupille et Pascale Kummer Hannoun - du laboratoire STEF de l’ENS Cachan et Harinosy Ratompomalala - du laboratoire CIRD de l’ENS d’Antananarivo, qui travaille depuis de nombreuses années à l’intégration des outils numériques pour l’enseignement des sciences au secondaire.

Le projet ReVEA est centré sur le travail de l’enseignant dans les phases de préparation des séances et explore en particulier les questions liées aux ressources qu’il produit ou utilise pour enseigner. Y sont interrogées les modalités de recherche, sélection, transformation, circulation et stockage des ressources pour enseigner. Le projet a aussi une dimension internationale, s’intéressant aux situations contrastées de différents pays. Ce texte est ainsi issu d’une recherche sur les ressources disponibles, utilisées et potentielles dans le contexte de l’enseignement à Madagascar, entre pénurie matérielle et créativité pédagogique.

L’état actuel des ressources dans les établissements à Madagascar est lié à l’histoire de l’enseignement dans ce pays, colonie française entre 1895 et 1960. Les lycées construits avant 1960 disposaient d’une bibliothèque et d’un laboratoire équipés aux normes françaises d’alors, mais cet équipement n’a jamais été renouvelé depuis. Pour les lycées créés pendant la deuxième république (1975 à 1992) la priorité était de construire les bâtiments, puis de les équiper petit à petit, ce qui se révéla difficile par la suite. Au cours de cette période, le gouvernement commença à mettre en place l’enseignement en malagasy dans le primaire et les collèges. Mais l’insuffisance des supports et manuels à la disposition des enseignants ainsi que le décalage créé par l’utilisation de langues d’enseignement différentes - le malagasy au collège et le français dans les lycées et à l’université - ressenti comme à l’origine des échecs aux examens de fin de cycle et en première année d’université, a amené à l’abandon de la malgachisation (Razafimbelo, 2001).

Cependant, même si le français est redevenu la langue d’enseignement officielle depuis l’avènement de la 3ème république de 1993 à 2002 (Stuby, 2014), il n’est pas utilisé par la majorité des élèves et des enseignants en dehors des établissements scolaires. Les enseignants ont ainsi gardé l’habitude de faire le cours en français puis de donner les explications en malagasy, dans le but de mieux se faire comprendre des élèves et de les faire participer plus facilement.

La dernière réforme du curriculum des lycées date de 1995. Pour les matières scientifiques, le programme est le fruit d’une collaboration au sein du PRESEM (Programme de Renforcement de l’Enseignement des Sciences et des Mathématiques) et comporte de nombreux points communs avec le programme français de 1985. Il est encore d’actualité dans les collèges et lycées.

L’approche officielle a été nommée « pédagogie par objectifs » (PPO) et se rapporte fondamentalement à l’apprentissage béhavioriste. Les enseignants des collèges ont été initiés à la fabrication de matériels simples et peu coûteux, et des formations continues ont été organisées pour les aider à construire leurs outils (fiches de préparation, grille d’évaluation, etc.). Au cours de la mise en place de cette réforme, tous les collèges ont reçu un nombre important de manuels de Physique Chimie correspondants au programme français de 1987 (Hachette) tandis que les lycées n’ont reçu que quelques manuels français de Physique Chimie (chez Hachette et Belin). Les lycées sont donc actuellement très peu pourvus en manuels : restent dans les bibliothèques, de rares exemplaires de manuels datant de la colonisation, les fameux Cessac et Treherne (1966) de Nathan, et quelquefois un ou deux exemplaires des manuels de 1987.

Certains lycées ont fait l’acquisition de manuels publiés par des auteurs malgaches vers les années 2010, qui ont repris, à leur manière, les éditions de 1985. Mais ces manuels sont généralement en nombre réduit, ce qui explique que, dans certains lycées, ils sont exclus du prêt. Ni les élèves, ni même les enseignants, ne peuvent les ramener chez eux. Tous ces manuels ont adopté l’ordre « explication – application », mais les plus récents proposent quelques activités malheureusement irréalisables en situation de classe, faute de matériel expérimental. Le même dénuement se retrouve dans les laboratoires des lycées, par manque de budget pour la maintenance, le renouvellement, ou l’acquisition de matériel expérimental. La solution a donc été d’orienter les activités vers le numérique, considéré comme plus accessible.

Au début, les responsables des lycées se sont débrouillés en collaborant avec les associations comme ACCESMAD [5] (2004), qui a créé le projet EDUCMAD : quelques ordinateurs ont pu être installés dans les lycées partenaires (en échange d’une petite participation financière) avec la médiathèque EDUCMAD [6], constituée de ressources utilisables pour l’enseignement des matières scientifiques (cours, exercices, expérimentations virtuelles, logiciels). Et à partir de 2008, des partenariats officiels entre le Ministère de l’Éducation Nationale de Madagascar et différents bailleurs ou entreprises ont permis d’augmenter petit à petit l’équipement informatique de chaque lycée : d’abord quelques ordinateurs et un vidéoprojecteur (2010), puis une ou deux salles informatiques connectées où les enseignants peuvent emmener leurs élèves (2013), une médiathèque avec une dizaine d’ordinateurs (connectés ou non) où enseignants et élèves peuvent entrer librement (2015), une connexion wi-fi Orange ainsi qu’une cinquantaine de tablettes par établissement (2017).

Ainsi, il semble qu’actuellement, l’utilisation des ressources numériques soit non seulement préconisée par le MEN, mais aussi soutenue financièrement. Cependant, le matériel numérique et les infrastructures qui y sont attachées restent largement insuffisants compte tenu des effectifs des lycées (environ 3000 élèves tous niveaux confondus) ; doit-on s’étonner alors que les ressources existantes soient sous-employées ?

Une étude de cas sur des lycées à Antananarivo

Les éléments présentés ici s’appuient sur des observations de plusieurs établissements publics comprenant, suivant les cas, des observations de classe, des visites de CDI et salles informatiques, des discussions avec les enseignants et chefs d’établissement ainsi que des discussions informelles avec des étudiants de l’ENS d’Antananarivo, pour la plupart en master recherche en didactique des disciplines et enseignants eux-mêmes en lycée, souvent depuis de nombreuses années.

Les lycées observés (3 généraux et 1 professionnel et technique) sont des établissements importants du centre-ville accueillant entre 2000 à 3000 élèves. Nous avons constaté des classes très chargées jusqu’à 50/60 élèves, dans de grandes salles éclairées par de hautes fenêtres, sans autre mobilier que des tables, des bancs à deux places sur lesquels certains élèves sont assis par trois, et pour l’enseignant, un bureau près du tableau noir. Rien sur les murs des salles visitées. Nous avons pu voir dans chaque établissement une à deux salles de travaux pratiques : les rangés de paillasses carrelées peuvent accueillir une trentaine d’élèves, mais nous avons toujours vu ces salles vides. Les enseignants nous disent essayer de faire cependant un TP par trimestre avec leur classe, même s’il n’y pas de temps en petits groupes prévu dans le planning. De plus, les laboratoires pour stocker le matériel expérimental sont très démunis, on y rencontre quelques objets dont certains ne sont plus en état de marche (comme des microscopes) ou périmés (produits chimiques) ou plus au programme (cartes géologiques de la France).

Ces établissements disposent d’un CDI fourni en manuels en français et en anglais de différentes époques mais peu en phase avec les programmes malgaches, on y trouve aussi parfois des stocks d’anciens best-sellers. En Physique Chimie, des enseignants apprécient le manuel rédigé en français par un collectif d’enseignants malgaches pour chaque niveau du lycée. Mais il n’est pas présent dans tous les CDI visités et, en tout cas, en nombre insuffisant pour qu’il puisse être distribué aux élèves.

Les lycées sont pourvus de quelques salles informatiques avec chacune une douzaine d’ordinateurs. Dans les 3 lycées d’enseignement général, certaines de ces salles ont été équipées par la structure associative EDUCMAD. Cette structure, réunissant des enseignants français et malgaches, propose une formation aux enseignants à chaque rentrée scolaire, mais ne gère ni la maintenance des ordinateurs, ni la mise à jour des ressources. L’accès à ces salles, trop peu nombreuses, reste un problème pour les classes entières avec leurs professeurs.

D’autres ordinateurs connectés à internet sont à la disposition des élèves, pendant leurs heures libres dans une salle appelée, suivant les établissements, cyber ou club internet. L’accès (notamment aux réseaux sociaux) y est plus ou moins réglementé. Ces salles qui peuvent contenir une douzaine d’ordinateurs sont financées par le MEN ou par des partenaires comme, le programme « Schulen : Partner der Zukunft » (République fédérale d’Allemagne). La société Orange affiche ostensiblement sa présence : son logo figure en bonne place sur le panneau des sociétés partenaires de l’éducation mais l’on nous dit que le wifi « bug » beaucoup. Au-delà de cette observation, l’alimentation en électricité n’est pas régulière, la ville subit souvent des coupures, les fameux délestages.

Les entretiens et observations réalisés avec des enseignants de Physique Chimie et de SVT ont permis de constater une très modeste exploitation des dispositifs numériques existants. Aucun n’a utilisé la médiathèque, un seul a déjà emmené ses élèves en salle informatique pour utiliser les tablettes et un autre utilise son propre vidéoprojecteur et non celui de l’établissement quand il en a besoin en classe. Cet enseignant raconte qu’il trouve fastidieux de faire une demande écrite à l’avance auprès du proviseur pour avoir un vidéoprojecteur, et qu’il ne se décide généralement que la veille à l’utiliser en classe. Comme il en a un, il préfère ramener le sien.

L’utilisation de la photocopie est généralisée dans l’enseignement général, surtout au niveau de la classe terminale : des enseignants de Physique Chimie et de SVT conçoivent individuellement ou par équipe des séries d’exercices et les photocopient pour leurs élèves en classe d’examen, dans la plupart des cas en début d’année. Nous avons constaté lors de notre enquête un autre exemple d’utilisation des photocopies : un enseignant photocopie des textes à trous qu’il fait compléter par ses élèves, et s’en sert ensuite comme support de cours en troisième.

Observation de classes

Deux observations en Physique Chimie ont été faites avec le même enseignant : un cours de Physique, qui portait sur le travail d’une force, en classe de première C (série scientifique) et un cours de Chimie sur l’atome en seconde. L’enseignant base son cours sur le manuel malgache, qu’il va chercher au CDI avant chaque cours. Les élèves ont deux cahiers, l’un pour noter le cours, l’autre pour faire les exercices ; ils n’ont pas de manuels. À l’arrivée de l’observateur dans la classe de 1ère, les élèves, étant restés seuls un long moment, sont tous en train de copier le texte écrit au tableau par une des élèves, à partir du manuel que l’enseignant leur a laissé.

Les élèves sont très calmes et concentrés sur la recopie tandis que l’écriture au tableau est dense, régulière et structurée. Puis l’enseignant reprend la main, dicte la suite du cours en français tandis que les élèves le notent dans leur cahier. Les élèves récitent collectivement certaines définitions ou théorèmes par cœur à la demande de l’enseignant. Dans un second temps des explications sont données en malgache. En seconde, l’enseignant (qui n’a pas cette année fourni de polycopié d’exercices aux élèves), envoie les élèves au tableau pour recopier les énoncés des exercices donnés à faire à la maison et rédiger la correction. Il se montre très vigilant quant au formalisme du français à l’écrit (orthographe, rédaction et présentation sont repris).

L’ambiance dans les classes semble détendue et sérieuse à la fois. La mémorisation par la répétition orale et la copie occupent une place importante dans l’activité des élèves, et d’une façon générale, la place accordée à l’écriture, comme outil de transmission entre l’unique manuel présent dans la classe et les élèves, est notable. Par ailleurs, l’enseignant nous a dit qu’il emmenait sa classe une fois par trimestre en salle informatique pour travailler avec les ressources proposées par EDUCMAD : les élèves y font des exercices ou bien des synthèses de cours à partir des documents numériques disponibles. Il estime cependant qu’ils ne sont pas toujours en phase avec le programme.

Une observation en SVT a concerné une classe de Première A (40 élèves dont 25 filles et 15 garçons). La séance a commencé par un rappel de la séance précédente : comment décrire la vie d’une plante verte ? Une volontaire vient au tableau et recopie de son cahier A4 les conclusions. Beaucoup de murmures et de discussions se font en malgache. Le professeur reprend au tableau et avance dans le cours. Tout ce qui est inscrit au tableau est en français, il parle lentement, dicte d’autres parties, fait des schémas d’expérience avec des craies de couleurs, explique en alternant malgache et français. Il pose des questions, les élèves y répondent le plus souvent en français. Les élèves recopient les différentes informations sur leurs cahiers qui sont très bien tenus.

Un autre professeur de SVT nous explique avoir organisé, pour la première fois, une séance de révision trimestrielle avec sa classe de première D en présentant une série de vidéos soigneusement choisies et commentées par lui. Sa sélection comporte essentiellement des vidéos de Youtubeurs français de SVT. La séance a eu lieu dans la salle des fêtes du lycée où se trouve un vidéoprojecteur.

Importance de l’image

A défaut d’expérimentation, l’importance de l’image pour l’enseignement-apprentissage a été citée par la plupart des enseignants. Cependant, l’usage des vidéos en classe, en remplacement des expériences, est rare (deux enseignants sur huit), bien que très apprécié pendant les préparations en Physique Chimie. En SVT, il s’agirait plutôt de grandes affiches, dessinées par les enseignants, montrant les détails et structures d’organes.

La question a été discutée lors d’une soutenance de mémoire de CAPEN (Certificat d’Aptitude Pédagogique de l’Ecole Normale) finalisant la formation des enseignants de Physique Chimie, à laquelle les observateurs ont pu assister. L’étudiant présentait une comparaison de deux modes d’enseignement de l’électricité statique : Un premier de type traditionnel au tableau et l’autre avec une expérimentation filmée présentée dans une vidéo (provenant de youtube).

Un des membres du jury s’est demandé si les enseignants ne sont pas un peu vexés qu’on leur préfère la vidéo. Un autre a rappelé que l’enseignant change de posture « from sage on the stage to guide on the side », que les temps de préparation deviennent plus longs car il faut sélectionner les ressources. Enfin, la discussion s’est engagée autour des avantages et inconvénients des expériences virtuelles et réelles en Physique et de leurs possibilités de concrétisation dans le contexte malgache.

Analyses et perspectives

Les lycées observés vivent une pénurie chronique de ressources éducatives et le peu qui existe est encore sous-employé. Etant donné qu’ils sont situés dans la capitale et sont parmi les mieux nantis, c’est probablement le cas pour les autres établissements publics de l’île.

Les théories de l’apprentissage ont évolué : si le programme malagasy privilégie encore le behaviorisme, à travers la pédagogie par objectifs, c’est parce qu’enseignants et conseillers pédagogiques ont une connaissance surtout théorique du constructivisme et du socioconstructivisme. L’insuffisance prolongée de matériel et l’inaccessibilité de manuels à jour pour la plupart limitent considérablement leur horizon en matière d’activités d’enseignement. De plus, la stabilité du programme ne favorise pas les remises en question des préparations car, à un certain moment, les enseignants estiment connaître leur cours par cœur. Il serait opportun de mettre en place une réforme du curriculum, qui officialiserait l’introduction de nouvelles stratégies et de nouveaux dispositifs d’enseignement.

Les réformes sont souvent confrontées à l’homéostasie des systèmes en place (Cuban, 2011). Mais plusieurs conditions pourraient, dans le cas de Madagascar, faciliter le passage effectif au numérique.

Nous pensons que l’adaptation de la formation initiale et la mise en place d’une formation continue seraient indispensables, pour qu’elles puissent mieux tenir compte des réalités du terrain (Perrenoud, 2001, Hubert 2011). La vision selon laquelle tout enseignement scientifique devrait être expérimental, et l’espérance d’un don hypothétique et incertain de matériels expérimentaux est actuellement dépassée. En effet, il semble difficile, étant donné le coût du matériel expérimental, d’espérer un équipement de laboratoire répondant aux normes dans chaque lycée, dans un futur proche. Favoriser l’intégration du numérique dans l’enseignement semble être une solution, et il existe quelques opportunités dans ce sens.

Les enseignants semblent envisager le passage au numérique ; ainsi, si la plupart des enseignants nous ont parlé d’un « cahier de préparation » plus ou moins mis à jour, les plus jeunes, eux, commencent à élaborer des versions numériques. De plus, toutes générations confondues, la plupart d’entre eux (huit sur dix) ont un ordinateur personnel et un accès personnel à internet (six enseignants sur dix). Ces outils sont actuellement utilisés au niveau individuel pour rechercher des préparations de cours ou d’activités au format plus actuel et synthétique, des ressources éducatives libres et principalement des vidéos qui pourraient remplacer les expériences ou expliquer les phénomènes. Parmi les enseignants qui ont utilisé effectivement le numérique se trouvent à la fois un très jeune enseignant et un autre proche de la retraite, tous deux travaillant simultanément dans les établissements publics malagasy et ceux du système français. Il semblerait donc que pour favoriser l’intégration du numérique dans les pratiques enseignantes, l’importance des compétences, de la motivation, et des possibilités d’échange culturel l’emporteraient sur l’effet générationnel. Pour ceux qui n’ont pas eu un contact facile avec le numérique, les obstacles ontogéniques, fréquemment cités, devraient être surmontés : les enseignants n’ont pas été formés à l’utilisation du numérique en classe, bien que tous aient bénéficié d’une formation professionnelle initiale. Ils ont un sentiment d’incompétence, qui crée aussi des obstacles psychologiques : s’estimant moins doués que leurs élèves, ils ne veulent pas être observés par ces derniers, en train de tâtonner ou de faire des recherches avec eux dans les médiathèques.

Quoi qu’il en soit, l’amélioration de l’accessibilité des outils numériques et des salles spécialisées pourrait aider à surmonter les obstacles organisationnels, qui pèsent lourd dans le vécu raconté par les enseignants : les classes sont en sureffectif (35 à 50 élèves par classe), ce qui ne permet pas de manipulation individuelle, dans des salles informatiques possédant une dizaine d’ordinateurs alors qu’une répartition en petits groupes n’est pas prévue dans l’emploi du temps. De plus, l’accès aux dispositifs numériques est trop réglementé pour en encourager l’utilisation : demandes écrites préalables, menaces de remplacement en cas de casse des tablettes, pertes de temps pour l’installation… Le seul enseignant qui a utilisé une vingtaine de tablettes déclare avoir dû y copier, avant son cours, sur chacune, les contenus nécessaires, puis après le cours, les avoir rechargées en trois fois sur le secteur, pour les éventuels prochains utilisateurs, car il n’y avait pas assez de multiprises pour les charger simultanément.

Un projet ministériel pour l’Amélioration de la Qualité de l’Education à Madagascar (AQUEM) en partenariat avec l’Agence Française de Développement (AFD) a été lancé cette année (2017) et vise l’enseignement des Sciences Physiques, des SVT et des Mathématiques dans les collèges et lycées. Un lycée par région a été choisi pour être un lycée pôle : il sera doté d’un laboratoire équipé en matériel expérimental conforme au programme en vigueur, et en ordinateurs connectés, avec des ressources numériques comprenant des exercices et des cours en version numérique pour remplacer les manuels, ainsi que des vidéos, des simulations ou des animations développées par une équipe d’enseignants ou téléchargées sur internet. Une formation continue des enseignants est aussi prévue, pour les initier à l’exploitation de ces ressources d’une part, et pour réactualiser leur méthode d’enseignement d’autre part.

On peut espérer la pérennité de tels projets, qui contribueront à réactualiser l’enseignement des sciences à Madagascar dans un futur pas trop éloigné. Des réflexions sur les dispositifs à mettre en place pour surmonter les obstacles cités pourraient alors favoriser l’obtention d’un retour positif des investissements consentis.

Ce travail nous permet par ailleurs de reposer la question de la langue d’enseignement. Étant donné l’alternance remarquable de l’utilisation du malagasy et du français observée en classe, des ressources en malagasy ne pourraient-elles être produites ? Quels pourraient être les impacts d’un tel changement sur le cursus scolaire des élèves malgaches ?

Références

Cuban, L. (2011). Teacher resistance and reform failure. https://larrycuban.wordpress.com/2011/04/30/teacher-resistance-and-reform-failure/

Huberman, A.-M. (1973). Comment s’opèrent les changements en éducation in Expériences et innovations en éducation (4). UNESCO. BIE. http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001377/137710fo.pdf

Hubert, J. et Mompoint-Gaillard, P. (2011. Former les enseignants au changement. Programme Pestalozzi (1). Conseil de l’Europe. http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2001/2001_11.html

Perrenoud, P. (2011). Préparer les enseignants au changement. Journées "Éducation &Prospective", Forum de l’innovation pédagogique et éducative, Ollioules, 30-31 mars 2001

Razafimbelo, C. (2001). La formation des enseignants aux temps des colonies. Madarevues. http://madarevues.recherches.gov.mg/IMG/pdf/Didaktika1_002.pdf

Stuby, P. (2014). Les usages de la langue française à Madagascar. Mémoire de Master of advanced studies. Haute Ecole Pédagogique. Vaud. http://doc.rero.ch/record/259361/files/md_ms2_p26319_2014.pdf

[1CIRD (Centre Interuniversitaire de Recherche en Didactique) ENS Antananarivo (Ecole Normale Supérieure), Madagascar

[2Laboratoire STEF (Sciences Techniques Education Formation), ENS Cachan (Ecole Normale Supérieure), Université Paris-Saclay, France ; UPEC (Université Paris Est Créteil) France

[3Laboratoire STEF (Sciences Techniques Education Formation), ENS Cachan (Ecole Normale Supérieure), Université Paris-Saclay, France ; UPMC (Université Pierre et Marie Curie) France


 

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