Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Quels accompagnements pour l’enseignement de l’informatique à l’Ecole Fondamentale du Burundi ?

Mots-clés
Accompagnement, Burundi, TICE

Pour citer cet article :

Ndikuriyo Elias et Voulgre Emmanuelle (2016). Quels accompagnements pour l’enseignement de l’informatique à l’École Fondamentale du Burundi ? Adjectif.net [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article394

Résumé :

Cette contribution présente la construction d’une recherche exploratoire et qualitative au sujet des utilisations de TIC à l’École Fondamentale au Burundi, dans un contexte de réformes, prévoyant notamment des enseignements d’informatique dès la 7e année, pour des élèves à partir de 12 ans.

Mots clés :

École Fondamentale, Accompagnement, Tutorat, Culture numérique, Informatique, TIC, Burundi, SUPERE-RCF, IFADEM

par Elias Ndikuriyo, Ecole Normale Supérieure (ENS) (Bujumbura - Burundi) [1]
et Emmanuelle Voulgre, Université Paris Descartes (Laboratoire EDA)

Résumé

Le Burundi, comme d’autres pays du monde, inscrit ses actions éducatives vers plus d’usages des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Dans cette perspective, le système scolaire est impliqué pour une réforme qui fait émerger des cours d’informatique dans les nouveaux programmes de l’École Fondamentale. Malgré les difficultés économiques et sociales du pays, il convient de comprendre comment les enseignants peuvent être accompagnés et tutorés pour aborder des notions de culture numérique et de pensée informatique avec les élèves. Cet article présente alors le contexte d’enseignement dans lequel s’installe la réforme et émergent les premiers cours. Nous présentons là une recherche exploratoire en cours, en lien avec notre expérience de recherche concernant la supervision pédagogique (SUPERE-RCF, SUperevision PEdagogique et Ressources – Recherche Coopérative Francophone) [2] et la formation à distance des maîtres au Burundi (IFADEM, Initiative Francophone de Formation à Distance des Maîtres) [3].

L’informatique au Burundi à l’École Fondamentale

L’École Fondamentale au Burundi a été mise en place par le décret-loi N°1/19 du 19 septembre 2013 portant Organisation de l’Enseignement de Base et Secondaire. Ce dernier est organisé sur neuf ans, il compte quatre cycles de formation répartis comme suit (les conditions d’âge sont définies par principe) :

  • 1er cycle : 1ère et 2ème année, pour les enfants de 6 à 7 ans.
  • 2ème cycle : 3ème et 4ème année, pour les enfants de 8 à 9 ans.
  • 3ème cycle : 5ème et 6ème année, pour les enfants de 10 à 11 ans.
  • 4ème cycle : 7ème, 8ème et 9ème année, pour les enfants de 12 à 14 ans.

Cette réforme a été opérée à partir de l’année scolaire 2013-2014. Auparavant, ce système comprenait l’enseignement formel et non formel. Le formel comprenait 4 niveaux de formation, à savoir : le préscolaire, le primaire, le secondaire et le supérieur. L’enseignement non formel comprenait les activités d’alphabétisation et de formation professionnelle.

Le Fondamental est venu pour fusionner le primaire et le premier palier du secondaire (ou collège) de l’ancien système qui se termine en 10ème année. Les programmes révisés concernent, dans un premier temps, le 4ème cycle du Fondamental (de la 7ème à la 9ème année).

L’École Fondamentale a été instaurée dans le but d’harmoniser le système éducatif burundais avec celui des pays de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) ainsi qu’afin de répondre aux normes de l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture). Les enseignants de ces cycles ont théoriquement des niveaux D7 (Diplôme d’Instituteur : 4 ans après collège), ENS III ou IPA III (équivalent à bac + 3 du système belge) (Ntibashirakandi, 2013, p. 18). Six domaines disciplinaires sont enseignés : les mathématiques et sciences exactes, les langues, les sciences et technologies, les sciences humaines, les arts et entrepreneuriat. Celui des sciences et technologies nous intéresse car s’y trouve la partie « Initiation à l’Informatique » dont le programme, arrêté par le Ministère en charge de l’éducation, est le suivant :

  • "7ème année : l’ordinateur et ses périphériques, fonctionnement de l’ordinateur.
  • 8ème année : les constituants d’un ordinateur de bureau, raccordement du PC et de ses périphériques, les propriétés et les caractéristiques d’un dossier ou d’un fichier, comment lire et utiliser un fichier audio, l’arborescence, mise en forme d’un tableau dans un document texte, insertion d’images, mise en page et impression d’un document Word.
  • 9ème année : comment ouvrir et fermer une application Excel, description d’une fenêtre Microsoft Excel, comment créer un document et saisir les données, comment trier les données d’un tableau, opérations arithmétiques simples, les fonctions Excel, mise en page et impression d’un document ms Excel, comment créer des graphiques à partir d’un tableau de données en Excel, le courrier électronique ou courriel " [4].

Cette réforme de l’enseignement a notamment pour ambition de répondre à des défis économiques et sociaux. Elle connait toutefois des obstacles à surmonter. En effet, elle aurait commencé avec un certain nombre d’imperfections, que souligne Mivuba (2013) telles que l’instauration du système sans expérimentation préalable avant sa généralisation à travers tout le pays, les faiblesses de formation des concepteurs et des encadreurs, la non actualisation des approches méthodologiques, le manque de renforcement des capacités des responsables scolaires. Les auteurs soulignent néanmoins que cette réforme, qui resterait pertinente au Burundi, permettrait surtout d’élargir l’accès à l’éducation à un plus grand nombre d’enfants, de réduire les redoublements et d’insérer les lauréats dans la vie courante, étant capables de créer leur propre emploi.

Notre recherche s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de cette politique éducative sur le terrain. Compte-tenu des difficultés citées, nous cherchons à comprendre comment les enseignants des différentes écoles s’y prennent pour enseigner ce cours d’Informatique ? Sur quels accompagnements et tutorats peuvent-ils compter pour construire du matériel pédagogique et didactique ?

Avant d’apporter des réponses à nos questionnements, nous allons dans un premier temps proposer une courte revue de littérature concernant la mise en œuvre de politiques éducatives relatives aux TIC en France, dans les pays du Sud en général et spécifiquement au Burundi. Dans un deuxième temps, nous présenterons notre méthodologie de recherche et les principales questions de notre projet d’enquête de terrains.

Accompagner les enseignants vers le numérique et l’informatique

Notre expérience d’une part dans l’IFADEM au Burundi et, d’autre part, au sein de la recherche SUPERE-RCF, fait que notre intérêt s’est porté sur le Burundi et la France : ces deux pays partagent la langue française et des questions d’accompagnement des enseignants pour l’enseignement de l’informatique et des TICE. Cette partie met alors en liens quelques éléments contrastifs entre les approches de ces questions en France et en Afrique.

L’histoire de la scolarisation des TICE en France montre que des tensions s’exercent entre l’informatique comme objets d’étude et comme outils aux services de l’enseignement et des apprentissages. En France, l’informatique en lycée a commencé à être enseignée dans les années 1970, avant même la fourniture des ordinateurs (Baron, 1987). D’après l’auteur, à cette période, l’enseignement de l’informatique en tant que discipline scolaire revenait à la programmation. C’est vers la fin des années 1980, que les usages sont valorisés et promus pour l’enseignement de manière transversale. Par ailleurs, l’informatique a connu son intégration dans les secteurs des enseignements technologiques depuis la fin des années 1980. C’est à ce moment-là qu’elle s’est vu assigner les fonctions spécifiques d’outils, destinés à être intégrés dans d’autres disciplines scolaires (Baron, 1994 p.8).

En Afrique Subsaharienne, les TIC occupent encore une place mineure dans de nombreux établissements scolaires. En 2007, Tchameni Ngamo note ceci dans sa thèse :

« les contraintes majeures auxquelles se heurtent les établissements scolaires semblent diverses. Elles sont liées, entre autres, à la pauvreté, au manque de valorisation des ressources humaines, à la carence des infrastructures de base, de technologie, de l’austérité de l’environnement institutionnel, au manque de moyens financiers, etc. » (p19).

Depuis, il y a de nombreuses impulsions. Citons par exemple, pour le Cameroun, la mise en œuvre du projet d’équipement de 51 écoles d’ordinateurs de type XO (Nyebe, 2015) et l’utilisation du téléphone portable comme outil de collaboration école-famille (Tchamabé, 2014).

La communication de Sène Mbodji et Voulgre (2015) montre également qu’au Sénégal, des évolutions sont notables au niveau de l’usage des TIC dans le pays en général et dans le système éducatif en particulier, dans le domaine de la supervision avec un processus de déconcentration et de décentralisation de services et des prérogatives.

La contribution de Barahinduka, Voulgre et Baron (2015) permet de noter que, pour le Burundi, le fait que les acteurs de supervision ont encore des lacunes en termes de formation en TIC ou qu’ils n’ont pas d’équipements suffisants pour la supervision, a également une influence sur l’utilisation des TIC dans les écoles. Et, comme pour d’autres pays en Afrique, le manque d’électricité dans plusieurs établissements scolaires ainsi que le nombre élevé d’élèves par classe sont des freins supplémentaires. Certains efforts sont néanmoins fournis, comme l’indique le rapport final de la recherche SUPERE-RCF (Voulgre, Baron et Villemonteix, 2015) à propos de l’ouverture récente du réseau câblé reliant la capitale Bujumbura, aux autres provinces du Burundi depuis 2014 (p. 18). Ce rapport interroge alors les conditions de l’accompagnement et de tutorat nécessaires à mettre en place pour l’appropriation d’une culture numérique dès l’enfance.

Le gouvernement du Burundi, en lien avec le projet IFADEM, propose ainsi des programmes de formations et d’enseignement de l’informatique dès l’école fondamentale. Il est à noter qu’avant l’instauration du système fondamental au Burundi, l’informatique était enseignée seulement dans certaines écoles, essentiellement techniques et dans un petit nombre d’écoles de l’enseignement général (Nijimbere, 2012). Notre recherche vise donc à comprendre comment ce programme est mis en application.

Une méthodologie exploratoire et qualitative

Pour répondre aux différentes questions de notre recherche exploratoire et qualitative, nous prévoyons un premier questionnaire adressé aux enseignants. Un second sera envisagé par la suite, destiné aux élèves des écoles qui seront choisies en fonction des usages existants.

Le questionnaire permettra d’obtenir des indications sur l’accompagnement et la formation des enseignants concernant notamment les TIC en éducation et leurs usages au quotidien.

Principaux items du questionnaire
Les questions ci-après sont extraites du questionnaire qui va être proposé à quelques enseignants volontaires de l’école Fondamentale du Burundi. Les 16 questions abordent principalement le cursus des enseignants, leurs accompagnements pour acquérir une culture numérique et une pensée informatique, la construction de ressources pour enseigner et évaluer les acquis des élèves.

  • Quelle est votre ancienneté en tant que formateur/formatrice ?
  • Avez-vous suivi des formations en informatique ?
  • Y-a-t-il l’électricité dans votre établissement ?
  • Avez-vous une salle informatique dans votre établissement ?
  • Avez-vous une connexion Internet dans votre établissement ?
  • Combien d’élèves y-a-t-il dans votre classe ?
  • Quelle est la période que vous destinez à l’enseignement de l’informatique en termes notamment d’heures et de semaines ?
  • Comment les superviseurs vous accompagnent pour avoir des ressources autres que des ordinateurs pour construire votre enseignement ?
  • Quels sont les objectifs visés par ce cours d’informatique en termes de compétences pour les élèves ?
  • Comment évaluez-vous les connaissances de vos élèves ?
  • Quelles sont les difficultés rencontrées pour arriver aux objectifs et compétences visés par le cours pour l’enseignant ?
  • D’après-vous quelles sont les difficultés rencontrées pour arriver aux objectifs et compétences visés par le cours pour les élèves ?
  • D’après-vous, comment les inspecteurs peuvent-ils organiser des tutorats pour accompagner les enseignants ?
  • D’après-vous, de quelles compétences en informatique un enseignant aurait-il besoin ?
  • D’après-vous, qu’est-ce que l’éducation aux médias ? Pouvez-vous noter par exemple des thématiques que le programme devrait prendre en compte ?
  • D’après-vous, qu’est-ce que la pensée informatique ? Pouvez-vous noter par exemple des démarches que le programme devrait prendre en compte ?

Résultats attendus
De cette recherche, nous attendons de faire un constat sur l’état d’avancement de l’enseignement de l’informatique à l’École Fondamentale au Burundi, par rapport au programme fixé par le ministère de tutelle, pour en comprendre l’accompagnement institutionnel mis en œuvre. C’est à partir des premières analyses que nous pourrons poursuivre notre recherche exploratoire concernant, cette fois, les élèves.

Références bibliographiques

Article version PDF

[1Elias Ndikuriyo a un Master en Utilisation des Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement et le Formation (UTICEF). Ses recherches portent sur l’enseignement des usages des TICE au Burundi.

[2Site de la recherche SUPERE-RCF : http://eda.shs.univ-paris5.fr/supere/doku.php?id=start

[4Extrait du programme officiel de l’École Fondamentale, manuel de l’élève, domaine des Sciences et Technologies


 

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