Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Utilisation de la PréAO dans l’apprentissage de l’oral en classe de français langue seconde

Expérimentation dans un collège au Liban Nord
lundi 29 février 2016 Aïda El-Soufi

Pour citer cet article :

El-Soufi Aïda (2016). Utilisation de la PréAO dans l’apprentissage de l’oral en classe de français langue seconde. Adjectif.net [En ligne] http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article384

Résumé :

Cette contribution présente l’utilisation d’un logiciel de PréAO [1] dans une classe de français langue seconde afin d’améliorer la production orale chez de jeunes apprenants. Le cadre théorique de notre recherche se base sur l’approche actionnelle et l’apprentissage par la tâche. L’approche des TICE dans le cadre de cette expérimentation vise à valoriser l’interdisciplinarité et favoriser le travail en groupe. L’objectif des trois expérimentations est de détecter les compétences langagières et technologiques acquises grâce à l’intégration de la PréAo. L’analyse des résultats permet de mieux comprendre l’effet de l’intégration des TIC sur l’apprentissage de l’oral en classe de français langue seconde.

Mots clés :

PréAO, TICE, Projet interdisciplinaire, Français langue seconde, Socioconstructivisme, Approche actionnelle, apprentissage par la tâche, Liban

par Aïda El-Soufi Professeur assistant à l’Université de Balamand - LIBAN

Introduction

La mise à jour des programmes scolaires au Liban (1998 – 1999) a entraîné des modifications dans les curricula au niveau des contenus et des approches : de nouvelles disciplines ont vu le jour et dans l’apprentissage des langues, l’accent est plutôt mis sur le développement des compétences. L’informatique se trouve parmi les nouvelles matières enseignées. Pour valoriser l’informatique comme une nouvelle discipline et tirer profit de son enseignement, la documentaliste d’un établissement privé au Liban nord, a réussi à convaincre les enseignants de la classe de EB6 (6ème) de l’intégrer à un projet interdisciplinaire, motivant et mobilisateur. Cette démarche permet de donner plus de sens à l’apprentissage et de motiver les jeunes apprenants attirés par les technologies et intéressés par les activités qui les utilisent. Grégoire, Bracewell et Laferrière (1996) ont déjà montré que les jeunes se concentrent davantage sur leur travail avec les technologies qu’avec des supports plus traditionnels. De son côté, Perrenoud (1998) souligne que l’utilisation de l’ordinateur leur permet de transformer leurs façons « de travailler, de décider, de penser ».

Cette recherche s’efforce de répondre aux questions suivantes : dans quelle mesure un logiciel de PréAO peut-il améliorer la production de l’oral dans une classe de français langue seconde ? Dans quelle mesure peut-il influencer l’apprentissage de la SVT (Science de la Vie et de la Terre, enseignée en français) ? Dans quelle mesure peut-il faciliter l’acquisition des compétences technologiques ?

Cadre théorique

Nous avons choisi la perspective actionnelle et l’apprentissage par la tâche comme cadre théorique de ce projet parce que nous considérons que ces deux approches sont importantes dans le cadre de l’enseignement-apprentissage : elles motivent les apprenants et leur permettent de mieux structurer leurs connaissances.

La perspective actionnelle met l’accent sur la réalisation de tâches dans le cadre d’un projet et promeut une démarche active qui encourage l’apprenant à agir pour apprendre. Elle préconise qu’il ne suffit pas de communiquer en langue étrangère avec autrui mais qu’il convient d’agir avec lui :

L’usager et l’apprenant d’une langue [sont] des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières), dans des circonstances et un environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier. Si les actes de parole se réalisent dans des actions langagières, celles-ci s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification. (CECR, 2000, p. 15)

Pour cette raison, il est important de proposer aux apprenants « des occasions d’actions communes à finalité collective » (Catroux, 2006).

La tâche est un élément fondamental de l’approche actionnelle. Coste (2009, p. 16) considère que « la notion de tâche renvoie à une action finalisée, avec un début, un achèvement visé, des conditions d’effectuation, des résultats constatables (réparer une machine, remplir un formulaire, acheter un billet de train sur internet, jouer au loto). Les tâches peuvent mobiliser et combiner divers ordres d’activités, langagières et non langagières […]. Les dimensions communicationnelles d’une tâche peuvent être multimodales ». La réalisation d’une tâche complexe comme créer un journal de classe ou monter une pièce de théâtre, aide à développer des méthodes de travail rigoureuses et exigeantes. Elle suppose également d’élaborer des stratégies de travail différentes à chaque phase du projet afin de surmonter les difficultés rencontrées, difficultés principalement d’ordre pédagogique et organisationnel. En effet, les apprenants ne maîtrisent pas la démarche de la recherche documentaire, ont des difficultés au niveau de l’apprentissage de la langue française et ne savent pas travailler en groupes.

Cadre de l’étude et protocole de recherche

Présentation du curriculum
Le curriculum officiel introduit l’enseignement de l’informatique à partir de la classe de EB7 (5ème), considérée comme le premier niveau du cycle 3. A l’exemple des autres écoles privées, l’établissement dans lequel s’est effectuée l’expérimentation a introduit l’enseignement de l’informatique à partir de la classe de EB4 (CM1) et a laissé le choix du contenu du programme aux enseignants chargés du cours. L’établissement possède un CDI (Centre de Documentation et d’Information) équipé de 14 ordinateurs pour les élèves (un ordinateur pour deux élèves en moyenne, le nombre maximal étant limité à 28 élèves par classe au cycle 3 / niveau collège), mis en réseau et connectés à Internet. Le nombre restreint d’apprenants facilite le travail avec une classe entière. Le projet conçu à partir des compétences qui figurent dans le curriculum scolaire, peut être mis en place dans n’importe quel établissement scolaire possédant une salle informatique ou un CDI équipé d’ordinateurs connectés à Internet.

Déroulement de l’étude
L’étude s’est déroulée sur durant l’année scolaire 2008 – 2009 dans un collège privé au Liban nord, au niveau de la classe de EB6 (6e). Le projet avec la classe expérimentale (PréAO) et la classe témoin (panneau mural) a été conduit en collaboration avec des enseignants des disciplines linguistiques et non linguistiques (DNL). L’observation lors de l’expérimentation s’est limitée à deux classes de EB6 (6ème, moyenne d’âge 11-12 ans) de 27 et de 28 élèves (classes mixtes filles et garçons) avec les mêmes enseignants pour toutes les disciplines. La langue d’enseignement est le français.

La réalisation du projet s’est déroulée au CDI équipé d’ordinateurs connectés à Internet. La documentaliste a initié les apprenants à la recherche documentaire, au tri d’information et à la reformulation et aux techniques de la présentation orale comme la formulation de phrases simples, l’enchaînement des idées, le débit adapté au public et la prononciation distincte. En même temps, elle les a initiés au travail de groupe : répartition et roulement des tâches au sein du groupe, la prise de parole, la discussion et l’écoute de l’autre. Les élèves répartis en groupes ont effectué trois présentations orales assistées par ordinateur durant l’année scolaire.

La mise en place de chaque présentation a nécessité 9 séances de travail réparties comme suit :

Tâches à réaliserModalités de travailDurée
1. Lecture de la consigne et choix de mots-clés Travail individuelTravail de groupe 1 séance
2. Recherche et choix de documents Travail de groupe
3. Choix d’informations et reformulation Travail en binôme ou trinôme Travail de groupe 3 séances
4. Réalisation de diaporama / Réalisation du panneau mural Travail en binôme ou trinôme Travail de groupe 3 séances
5. Entraînement aux techniques de la présentation orale Travail individuel devant le groupe-classe 1 séance
6. Présentation orale et interaction avec le groupe-classe Travail de groupe devant le groupe-classe 1 séance

Constitution des groupes
Les groupes sont constitués de 4 ou 5 élèves. Il s’agit de groupes hétérogènes formés d’après la technique de Goupil et Lusignan (1993), qui répartit les apprenants selon un ordre décroissant en fonction de leurs notes à des travaux antérieurs. Chaque apprenant se voit attribué une lettre qui représente le groupe de travail puis l’ordre des lettres est inversé pour les élèves suivants :

Elève 1 : Note 18 - Groupe A
Elève 2 : Note 17 – Groupe B
Elève 3 : Note 16 – Groupe C
Elève 4 : Note 16 – Groupe D
Elève 5 : Note 15 – Groupe E
Elève 6 : Note 14 – Groupe E
Elève 7 : Note 13 – Groupe D
Elève 8 : Note 12 – Groupe C…

Présentation des tests
Les apprenants de la première expérimentation ont passé trois tests – pré-test, test intermédiaire et post-test – qui couvrent les disciplines impliquées par cette recherche : le français, l’arabe, les sciences (SVT), l’informatique avec une fiche d’autoévaluation et un questionnaire général concernant leurs pratiques en informatique et le matériel dont ils disposent.

Les présentations orales visent surtout à évaluer des connaissances scientifiques acquises grâce à la recherche documentaire et des compétences langagières concernant la reformulation et le discours oral. Les trois tests linguistiques, en arabe et en français, visent quant à eux à évaluer la compréhension globale d’un texte info-explicatif et des notions grammaticales de base. Ils sont isomorphes afin d’étudier si le choix de la langue, maternelle ou seconde, influence la compréhension d’un texte info-explicatif. Les tests scientifiques visent plutôt des connaissances scientifiques générales alors que les tests technologiques visent à évoluer le degré de l’appropriation des apprenants du logiciel de PréAO utilisé.

A cela s’ajoute des entretiens avec les élèves, qui ont eu lieu après chaque présentation orale, afin de connaître leur avis concernant la méthodologie suivie et le degré de développement des compétences visées.

Choix des thèmes
Lors de la première expérimentation qui s’est déroulée en classe de EB6 (6e), trois thèmes différents ont été retenus pour chaque présentation :

  • Thème 1 : De l’invention mythique de l’écriture au livre numérique
  • Thème 2 : La reproduction animale
  • Thème 3 : Les drogues et le tabagisme

Le premier thème est choisi après concertation avec les enseignantes d’histoire et d’arabe alors que les deux autres thèmes sont choisis au sein du curriculum de SVT après concertation entre la documentaliste et les enseignantes de SVT et de langue française. Chaque thème est décliné en plusieurs sous-thèmes afin de permettre aux apprenants de présenter un contenu original chaque fois. Ainsi par exemple le premier thème est constitué des sous-thèmes suivants :

{{}} Groupe A Groupe B Groupe C Groupe D Groupe E
Thème traité Origine mythique de l’invention de l’écriture Origine historique de l’invention de l’écriture Invention de l’imprimerie La première imprimerie au Proche-Orient et les maisons d’édition au Liban La fabrication et le recyclage du papier

Présentation synthétique des résultats

La comparaison des résultats obtenus par les élèves lors des tests illustre leur évolution. En effet, tous les groupes observés, filles ou garçons [2], ont progressé durant l’année scolaire dans la plupart des disciplines. Cependant, il n’y avait aucune différence de progrès entre les différents groupes, pas non plus d’effet genre significatif. Il est toutefois à remarquer que ce sont les groupes qui ont utilisé le logiciel de PréAO qui sont toujours premiers.

En examinant de plus près les résultats pour ces groupes, nous remarquons une constante : certains groupes progressent mieux que d’autres et d’une façon régulière durant toute la durée de l’expérimentation et dans presque toutes les disciplines observées. A notre sens, il s’agit des groupes qui ont le plus profité du changement au niveau de l’approche pédagogique adoptée durant l’expérimentation surtout au niveau du travail en groupe et l’utilisation des technologies.

Nous remarquons également que les apprenants de la classe expérimentale sont ceux qui progressent le plus entre les deux tests. Cela est probablement dû au fait qu’ils ont jugé l’utilisation des ordinateurs favorables à l’apprentissage. Ils ont également considéré qu’ils étaient favorisés par l’utilisation des ordinateurs par rapport aux élèves de la classe témoin. A plusieurs reprises, les enseignantes ont relevé des remarques concernant leur enthousiasme à utiliser les ordinateurs et que de ce fait, il leur a été plus facile d’apprendre.

D’un autre côté, les élèves de la classe expérimentale ont demandé, à maintes reprises, d’utiliser les ordinateurs à la place du panneau mural : eux aussi sont motivés par l’informatique et ont considéré que l’utilisation des ordinateurs faciliterait l’apprentissage alors que le fait de réaliser un panneau mural influencerait négativement la qualité de leur travail. Par la suite, ils étaient démotivés par l’activité d’apprentissage surtout qu’il leur était impossible d’effectuer des corrections et des modifications mêmes minimes à leur projet sans laisser de traces visibles sur le panneau alors que les élèves de la classe expérimentale étaient motivés par le logiciel de PréAO qui leur donnait la possibilité d’effectuer des changements rapides sans nuire à la qualité de la présentation, d’ajouter des illustrations, des couleurs ou des animations. Par conséquent, ils restaient au CDI après les séances du cours afin de terminer le projet et demandaient la permission de revenir quand un professeur s’absentait, ce que les élèves de la classe expérimentale n’ont jamais fait. Le logiciel de PréAO est devenu un instrument qui a positivement influencé l’apprentissage et l’a dynamisé.

Analyse macroscopique

Concernant la réalisation de la tâche
L’analyse macroscopique s’est essentiellement fondée sur les remarques des apprenants et les observations des enseignantes investies dans la réalisation du projet. Elle a permis de constater que la classe témoin a eu plus de mal à gérer la tâche étant donné les difficultés à effectuer des changements sur le panneau mural : difficulté à modifier et à ajouter du texte, difficulté à changer et à déplacer les illustrations. En même temps, les apprenants ont eu des désaccords sur le choix de la personne chargée de copier le contenu et ont eu beaucoup de discussions sur la mise en forme finale du panneau (texte et illustrations). Ils se sont également montrés dépendants vis-à-vis des enseignants concernant la prise de décision et la résolution des litiges au sein des groupes. Tous les groupes de la classe témoin, sans aucune exception, ont accumulé du retard et étaient dans l’incapacité de terminer leur panneau sans l’intervention des enseignantes et de la documentaliste. Aucun groupe n’est venu au CDI pour terminer le projet en dehors des heures de cours. Afin d’achever les panneaux, il a fallu tantôt les encourager tantôt fixer une date butoir au-delà de laquelle ils n’auraient plus le droit de présenter leur travail. Suite aux discussions avec les différents groupes, il en ressort que les difficultés rencontrées étaient liées à l’idée qu’ils étaient défavorisés : ils considéraient que l’utilisation des ordinateurs est un plus pour l’apprentissage et ils en étaient privés.

Les élèves de la classe expérimentale ont consacré beaucoup de temps à la manipulation des différentes options du logiciel de PréAO et ont voulu les intégrer dans la présentation. Au début, ils étaient beaucoup plus intéressés par les animations, le bruitage, les couleurs et la police des caractères que par l’élaboration des contenus. Ils ont eu du mal à résister à la tentation d’utiliser toutes les options du logiciel. Mais en même temps, ils ont manifesté plus d’engagement dans la réalisation de la tâche à exécuter. Ils se sont montrés autonomes et sont parvenus à résoudre facilement leurs différends puisque le logiciel leur permet d’effectuer aisément des changements au niveau de la mise en page, du choix du design ou du choix des couleurs et de la police des caractères. Ils étaient motivés par la qualité de leur présentation qui, malgré les multiples corrections, était toujours de bonne qualité. Il nous semble que les élèves de la classe expérimentale, même ceux qui ont eu des difficultés au moment de la présentation orale, étaient très satisfaits du résultat de leur travail vraisemblablement à cause de la lisibilité du texte et de la qualité des illustrations.

Concernant la présentation orale
Durant la présentation orale, assistée ou non par ordinateur, certains apprenants, au nombre de 5, ont manifesté de l’anxiété et avaient des difficultés à présenter le contenu dont ils avaient la charge. Trois d’entre eux ont été incapables de terminer leur présentation. Il s’agit d’apprenants considérés comme étant les plus faibles. Tout porte à croire qu’ils se sont contentés de mémoriser le contenu sans en assimiler le sens. A part 2 ou 3 apprenants, les élèves de la classe témoin se sont contentés de lire ou de réciter un texte déjà rédigé et mémorisé. Ils ont eu du mal à synthétiser les idées principales ou à reformuler le contenu. Ils ont eu du mal également à présenter les illustrations qui, dans la plupart des cas, étaient de taille très réduite et occupaient une place aléatoire sur le panneau. Malgré le temps accordé pour préparer la présentation orale et l’accompagnement des enseignants à toutes les étapes du projet, les apprenants de la classe témoin ont mémorisé le contenu ou l’ont lu sans le comprendre, surtout que le texte, dans son intégralité, était affiché sous leurs yeux. Ils étaient incapables de s’éloigner du texte rédigé pour en reformuler le contenu. Cela a influencé négativement leur attitude et a augmenté leur anxiété durant la prise de parole.

Par contre, en ce qui concerne la classe expérimentale, l’utilisation d’un logiciel de PréAO a permis aux apprenants de construire leurs phrases dans l’instantané à partir des mots clés affichés. L’activité de prise de parole a semblé plus autonome mais aussi plus complexe parce qu’elle nécessite un effort cognitif important : le contenu construit dans l’immédiat était moins contrôlé. Ce travail de restitution a imposé à l’apprenant d’avoir recours à deux activités cognitives : la lecture mentale d’éléments textuels et picturaux et leur restitution devant le public. Cela l’oblige à mobiliser des connaissances diverses mais aussi des techniques variées de prise de paroles comme la restitution des informations à l’oral, phrase après phrase, à partir des notions clés affichées dans le diaporama. L’apprenant est constamment soumis à une importante charge cognitive et émotive.

Les élèves questionnés après les présentations orales affirment qu’ils maîtrisent mieux les techniques de la recherche documentaire, de la présentation orale et de la manipulation technologique. Ils ont une plus grande confiance concernant leur efficacité personnelle et leurs compétences. Cela rejoint l’idée de Bandura (1977) qui présente la croyance en son efficacité personnelle comme un élément important de la persévérance et de l’accomplissement d’une tâche.

Concernant l’utilisation des technologies
Les apprenants questionnés pensent que l’ordinateur leur a permis de réaliser un travail de bonne qualité surtout au niveau de la mise en page : pas de ratures ni de corrections visibles. Ils précisent également qu’ils ont rencontré des difficultés dans la manipulation des ordinateurs puisqu’ils ne connaissaient pas les commandes de base du logiciel utilisé. Comme l’ont fait observer certains chercheurs, les problèmes de manipulation de l’ordinateur et la relative complexité des logiciels ont freiné la créativité des apprenants (Baron & Bruillard, 1996 ; Sablé & Bouyssou, 1995) qui avaient besoin de temps pour l’exploration des logiciels et l’initiation à leur utilisation car ils étaient souvent perdus dans les menus et les sous-menus déroulants. Ils avaient encore des difficultés à naviguer entre les fenêtres ouvertes : celle du logiciel et celle du navigateur.

Les élèves questionnés estiment qu’ils savent utiliser le logiciel de PréAO et mener une recherche sur Internet. Il nous semble qu’il y a un décalage entre ce qu’ils maîtrisent vraiment et ce qu’ils estiment maîtriser. L’utilisation de l’ordinateur a renforcé le sentiment d’autoefficacité surtout parmi les garçons qui s’estiment assez compétents au niveau technologique. Pourtant, ils ne parviennent pas à utiliser correctement les fonctions du logiciel pour réaliser leur tâche. Les filles se montrent moins confiantes dans leurs compétences technologiques. A notre sens, cela est dû au fait que les expérimentations ont eu lieu dans une société conservatrice : les parents dans leur majorité interdisent aux filles l’accès aux ordinateurs de peur qu’elles communiquent avec des étrangers. Par conséquent, les filles utilisent uniquement les ordinateurs durant l’heure hebdomadaire du cours d’informatique et au CDI durant les activités ayant recours aux ordinateurs.

Conclusion

L’expérimentation menée sur un laps de temps très réduit ne nous permet pas de tirer des conclusions ou de généraliser les résultats mais il est clair que les technologies exercent un certain attrait sur les jeunes : les apprenants observés, classes expérimentales et classes témoins confondues, se déclarent intéressés par l’utilisation de l’ordinateur dans les activités d’apprentissage comme la recherche d’informations sur internet ou l’utilisation d’un logiciel de PréAO. Ils pensent également que l’utilisation de l’ordinateur influence positivement leur apprentissage.

Pour cette raison, il nous semble important de tirer parti de l’enseignement de l’informatique à l’école et de l’intégrer aux projets pédagogiques afin de permettre aux apprenants de profiter des compétences technologiques acquises. Nous avons également voulu intégrer les TIC dans des projets interdisciplinaires afin de motiver les apprenants et les aider à progresser dans leur apprentissage. Nous avons repensé nos pratiques pédagogiques afin de mieux intégrer les ordinateurs en classe puisqu’« on ne devrait pas avoir pour projet d’intégrer les technologies de l’information à l’école, mais plutôt de transformer la pratique pédagogique de l’école » (Bibeau, 1999, p. 102). Des heures de coordination entre les différentes disciplines étaient nécessaires pour pouvoir réaliser les projets et mener cette expérimentation. Des discussions ont eu lieu avec les enseignants pour réaliser les grilles d’évaluation et les communiquer aux apprenants avant la présentation finale.

Il est important de souligner un problème rencontré : les enseignants qui ont participé à cette expérimentation n’utilisent pas les ordinateurs et ne maîtrisent pas la recherche documentaire ; ils étaient dans l’impossibilité d’aider les apprenants sans l’intervention de la documentaliste. Pour cette raison, il nous semble important de repenser les programmes de formation des maîtres afin de les initier aux TICE : il n’existe pas de référentiel des compétences pour les TICE comme le C2i (Certificat Informatique et Internet) au Liban. Comme certains chercheurs le conseillent, il serait important « que les futurs enseignants soient exposés à des modèles efficaces d’intégration pédagogique des TIC. […] les compétences technopédagogiques [3] sont des compétences transversales qui devraient être acquises par les futurs enseignants dans l’ensemble de leurs activités d’apprentissage, et non dans un seul cours portant sur les technologies » (Karsenti, Goyer, Villeneuve, & Raby, 2005, p. 212).

Références

  • Bandura, A. (1977). Social learning theory. Englewood Cliffs : N.J. : Prentice-Hall.
  • Baron, G.-L., & Bruillard, E. (1996). L’informatique et ses usagers dans l’éducation. Paris : Presses Universitaires de France.
  • Bibeau, R. (1999). L’élève « rapaillé ». Association EPI, (87), 99‑117.
  • Catroux, M. (2006). Perspective co-actionnelle et TICE  : quelles convergences pour l’enseignement de la langue de spécialité. Présenté à Journées d’Etude de l’EA 2025, IUT Bordeaux. Consulté à l’adresse http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article933
  • CECR. (2000). Cadre européen commun de référence pour les langues  : Apprendre, enseigner, évaluer. Division des langues vivantes. Strasbourg : Didier.
  • Coste, D. (2009). Tâche, progression, curriculum. Le Français dans le monde, Perspective actionnelle et approche par les tâches en classe de langue, (45), 15‑24.
  • Goupil, G., & Lusignan, G. (1993). Apprentissage et enseignement en milieu scolaire. Montréal : Gaëtan Morin éditeur.
  • Grégoire, R., Bracewel, R., & Laferrière, T. (1996, août). L’apport des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) à l’apprentissage des élèves du primaire et du secondaire. Revue documentaire. Rescol/SchoolNet. Consulté à l’adresse www.tact.fse.ulaval.ca/fr/html/apport/apport96.html
  • Karsenti, T., Goyer, S., Villeneuve, S., & Raby, C. (2005). L’impact des technologies de l’information et de la communication (TIC) sur la réussite éducative des garçons à risque de milieux défavorisés (p. 138). Montréal, Québec : Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante. Consulté à l’adresse http://www.fqrsc.gouv.qc.ca/upload/editeur/RF-Karsenti.pdf
  • Perrenoud, P. (1998). Se servir des technologies nouvelles. Éducateur, (3), 20‑27.
  • Sablé, P.-A., & Bouyssou, G. (1995). Apprendre grâce au traitement de texte, Une pédagogie novatrice et stimulante. Paris : Albin Michel.

Adresse de la thèse sur HAL : http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00625218/fr

Article version PDF

[1PréAO ou Présentation Assistée par Ordinateur. Le Grand Dictionnaire Terminologique (http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=8393800) en donne la définition suivante : « Une présentation assistée par ordinateur, c’est […] concrètement, le diaporama lui-même, c’est-à-dire une succession de diapositives contenant le texte, les images, les animations de texte et d’images, les sons et les vidéos nécessaires à l’illustration d’une conférence, d’un cours ou d’un exposé ».

[2Au départ, l’expérimentation ne visait pas à étudier l’effet genre. Mais l’écart au niveau des résultats nous a poussé à examiner cette variable de plus près.

[3En italique dans le texte d’origine.


 

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