Adjectif : analyses et recherches sur les TICE

Revue d'interface entre recherches et pratiques en éducation et formation 

Barre oblique

Une approche systémique des technologies de l’information et de la communication en éducation dans le système scolaire français : entre finalités prescrites, ressources et usages par les enseignants : Proposition d’une synthèse

Synthèse de la thèse d’E.Voulgre
lundi 2 juillet 2012 Voulgre, Emmanuelle

Pour citer cet article :

Voulgre Emmanuelle, (2012). « Une approche systémique des technologies de l’information et de la communication en éducation dans le système scolaire français : entre finalités prescrites, ressources et usages par les enseignants : Proposition d’une synthèse » [En ligne] in portique adjectif.net http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article157

Résumé :

La communication présente une synthèse de ma thèse de doctorat soutenue le 25 novembre 2011 sous la direction de Jacques Wallet, au Laboratoire CIVIIC de l’université de Rouen.
Nous avons choisi d’étudier les Environnements Numériques de Travail (ENT) et leurs usages au service de la pédagogie par des enseignants du secondaire en France. Nous exposons notre problématique, notre cadre théorique et notre cadre méthodologique avant de présenter une synthèse des principaux résultats de notre recherche.

* Laboratoire CIVIIC, Département des Sciences de l’Éducation, Université de Rouen
76821 Mont Saint Aignan cedex

Mots clés :

Enseignement secondaire ; ENT ; France ; Politiques publiques ; Réussite Educative

1. Éléments de problématique

L’arrivée des Environnements Numériques de Travail (ENT) remonte aux années 2000, dans les établissements secondaires en France. Les caractéristiques de ces dispositifs récents sont décrites à partir de Schémas Directeurs (SDET) assez techniques. Leurs usages sont soutenus par des prescriptions, et « les bons usages » semblent être exposés à partir de vidéos accessibles sur des sites du gouvernement, des académies, des collectivités locales ou encore sur des sites d’éditeurs. Nous avons alors souhaité comprendre comment ces dispositifs étaient utilisés par les enseignants et notamment au service de leur pédagogie.

Notre problématique était de comprendre les raisons des écarts entre « les usages souhaités et prescrits » et les usages dont nous avaient fait part les acteurs de terrains.

Nous avons analysé les différents espaces en interaction au niveau national, territorial, industriel et local. Nous avons identifié les acteurs en présence, les services des ENT. Nous avons questionné les formations proposées aux usagers durant les phases expérimentales, l’offre documentaire de l’ENT. Nous avons aussi interrogé l’existence de liens entre usages de l’ENT et dispositifs d’orientation, de lutte contre l’absentéisme et de mise en place du soutien scolaire.

2. Cadre théorique

Notre cadre théorique s’appuie sur le « carré PADI » proposé par Wallet (2010). Dans cette perspective, faire évoluer l’un des pôles Pédagogie, Acteurs, Dispositif et Institution, en introduisant les TIC par exemple, entraîne un déséquilibre avec les trois autres Pôles et conduit à des questionnements, des changements, produisant des mécanismes de rééquilibrage du système ou des échecs provoquant des non usages.
À ce cadre, nous croisons des approches complémentaires : celle de la théorie de l’activité selon Engeström (1987) pour l’analyse de l’organisation du travail au sein d’établissements scolaires, celle de la théorie instrumentale (Rabardel, 1995) (Bruillard, 1997) pour la mise en évidence d’écarts entre usages prescrits et usages réels et une approche conceptuelle pour prendre en considération les besoins, les compétences des acteurs à différents niveaux écosystémiques (Depover, 1997).

3. Cadre méthodologique

Une méthodologie qualitative nous a conduite à articuler une approche réflexive, une approche inductive et une approche d’essai, ce qui nous a semblé particulièrement adaptée à l’étude des contextes d’usages des TICE, l’étude des instruments mis en œuvre, l’étude des représentations ; indispensables à mettre en relation pour avoir une approche globale. Ainsi, nous avons mené des entretiens dans 5 collèges et 4 lycées, en Île-de-France et en Alsace, auprès de chefs d’établissements, de conseillers principaux d’éducation, et quelques autres personnels et élèves mais essentiellement auprès d’enseignants. Ces entretiens constituent le corpus pour lequel nous avons fait une analyse thématique en lien avec nos hypothèses.

4. Synthèse des principaux résultats

Notre étude empirique a confirmé l’hétérogénéité de l’aménagement du territoire et de la mise en réseau des établissements scolaires, mais aussi des difficultés à trouver une synergie dans les actions développées tantôt par l’État, tantôt par les collectivités territoriales ou encore par les industriels pour proposer une offre de formation, de ressources et d’équipement. L’une des raisons proviendrait selon nous, du fait que ces différents acteurs s’inscrivent dans des cultures de références hétérogènes.
Le rôle des communautés d’enseignants au sein du système éducatif a été abordé et les débats sur la relation des programmes et des usages des TIC dans l’éducation, approchés. Les positions des communautés éducatives ou des syndicats en ce qui concerne les utilisations pédagogiques médiatisées à partir des dispositifs d’ENT, ne semblent pas être connues des enseignants que nous avons rencontrés.

Notre étude inter-cas a révélé que le module de partage de documents de l’ENT apparaît comme une solution de plus, juxtaposée à un ensemble de solutions pré-existantes. Les manuels numériques et les manuels numérisés sont absents des discours. Une certaine méconnaissance de leurs usages peut être en lien avec des temps d’expérimentation trop courts et peu nourris et d’où découle, un manque de réflexions construites. Rappelons alors que la spontanéité des utilisations d’un service spécifique existant dans un dispositif ENT, n’est pas garantie a priori. Les documents disponibles sont alors essentiellement administratifs et ceux à visées pédagogiques, malgré leurs diversités, ne semblent pas accompagner une pédagogie basée sur le travail collaboratif, ni même basée sur une volonté d’individualiser les rapports enseignants-élèves.

Quant aux usages du cahier de textes en ligne, nos conclusions mettent en avant cinq postures. Nous avons d’abord identifié des enseignants qui refusent de remplir le cahier de textes pour des raisons de principe. D’autres ont essayé sur une courte période sans conviction, d’autres encore préfèrent avoir des documents papier en doublon, ou le remplissent en ligne et ajoutent des documents numérisés pour compléter, ou enfin, utilisent des dispositifs en ligne qu’ils ont eux-mêmes choisis.

Pour l’élève, une information absente peut constituer une aubaine pour ne pas faire le travail demandé, cela peut être source de conflits avec ses parents, ou encore une source d’angoisse.

Concernant les modules de notes et de bulletins, des compétences spécifiques nouvelles sont nécessaires pour préparer et mener des conseils de classe là où jusqu’à présent, les compétences plutôt orales et des relations en face-à-face étaient dominantes. Des tensions sont perceptibles entre des enseignants attachés aux pratiques précédentes et des directions s’appuyant parfois sur les parents pour justifier d’un droit de regard quotidien sur les notes en ligne des élèves. Se profile une redistribution de la responsabilité du suivi des notes des élèves entre le conseiller principal d’éducation, la direction et l’enseignant.

L’analyse des choix effectués par cinq établissements pour la mise en place d’un dispositif de gestion des absences souligne l’importance de la solution technique dans la distribution des informations et dans la visibilité des acteurs entre eux, ainsi que l’importance des protocoles communs dans le partage des responsabilités et la cohérence des actions entre vie scolaire et enseignants. Des questions sur l’amélioration du suivi éducatif et relationnel des élèves absentéistes, le contrôle des présences au sein des différents lieux de l’établissement, le dysfonctionnement d’origines à la fois humaines et techniques de la gestion des absences, apparaissent difficiles à résoudre. Des questions concernant la visibilité des informations par différents partenaires internes à l’établissement (enseignants, professeurs principaux, principaux, adjoints) et externes à l’établissement (parents, maître de stage) peuvent perturber le fonctionnement existant de l’établissement.
Enfin, concernant les aides apportées aux usagers dans l’un des établissements, des questions éthiques et juridiques sont apparues clairement relativement aux traces gardées par l’ENT, qui peuvent freiner le développement d’usages en termes de soutien scolaire.

5. Conclusion

Finalement, notre recherche indique que tout le potentiel pédagogique en lien avec les dispositifs ENT n’est pas encore exploité dans ces établissements. Comprendre les raisons des écarts entre « les usages souhaités et prescrits » et les usages dont nous font part les acteurs de terrain, plus spécifiquement au sein de dispositifs ENT ; c’est comprendre d’une part que les leviers sur lesquels repose l’introduction des TIC sont hétérogènes et qu’ils ne répondent pas à un certain nombre de besoins.
En effet, ces leviers se construisent à partir des mesures de l’État, des industriels, des collectivités territoriales et s’inscrivent dans des dimensions structurelles, organisationnelles, financières qui peuvent ne pas avoir la même temporalité, ni la même échelle territoriale. Les acteurs, leurs représentations, leurs postures donnent à ces leviers des dimensions symboliques, pédagogiques et didactiques constitutives des actions individuelles ou collectives. Leurs impacts peuvent être ainsi en contradiction.
Par ailleurs, les besoins les plus saillants restent d’ordres financiers mais aussi organisationnels et structurels quant à la mise en place de formations tenant compte de la distance introduite par les dispositifs. Des besoins de ressources et d’interopérabilités accentuent des besoins juridiques émergents.

Ainsi, des questions sur l’avenir des ENT semblent se poser à la croisée des responsabilités de maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, maîtrise d’usages et notamment par rapport à la place, que les acteurs locaux, sont en mesure d’investir dans la conception des ENT.

6. Bibliographie


 

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